Un jeune coq au plumage magnifique, gonflé d'orgueil, lançait un retentissant
"cocoricooooo" ! du haut d'une barrière. Une renarde d'âge respectable avait
résolu de s'en régaler. Elle s'approcha et, s'inclinant bien bas, lui fit compliment
de sa superbe voix :- Il y a longtemps que je n'avais entendu une voix aussi parfaite ! Tu chantes
divinement ! Mais saurais-tu le faire comme faisait ton père ?
Surpris et flatté, le jeune coq s'enquit :
- Et comment faisait-il, mon père ?
- Ton père était un artiste. Il levait d'abord une patte, puis fermait un oeil pour
chanter.
- Oh ! Ce n'est pas facile, mais je sais le faire aussi !
Et le jeune orgueilleux joignit le geste au chant. La renarde applaudit. Elle
renchérit :
- Bravo, tu es vraiment sur les traces de ton père ! Seulement lui, il poursuivait
en soulevant les deux pattes et en fermant les deux yeux. Cela, tu ne pourras
pas le faire !
Le jeune bravache, tout excité, laissa aller sa fougue :
- Bien sûr que je peux faire cela aussi ! Regarde-moi bien !
Ce qui devait arriver arriva. Le coq perdit l'équilibre et chuta lourdement. La
renarde s'en saisit et l'emporta dans la forêt. Parvenue devant son terrier, elle
s'installa sur un banc pour le plumer. Le coq poussa un énorme soupir. La
renarde s'en étonna :
- Pourquoi soupires-tu ainsi ? J'ai été plus maligne que toi, tu as perdu et je
dois te manger. Il faut bien que je te plume !
Le coq dit alors, avec une feinte modestie :
- Oh je ne me plains pas de mon sort ! J'ai été sot et je paie le prix de ma
sottise. Ce qui me peine, c'est la façon dont tu t'y prends ! Ta mère ne t'a
donc rien appris ?
- Quelle façon ?
- La mienne m'a toujours dit qu'une renarde bien élevée mettait un tablier
propre avant de plumer un coq.
- S'il n'y a que cela qui te tracasse, c'est facile, j'ai un tablier dans mon armoire,
je vais le chercher, c'est l'affaire d'un instant !
La renarde, sans plus réfléchir, entra dans son terrier. Le coq en profita pour
s'envoler aussitôt sur une branche, hors d'atteinte de sa ravisseuse. A sonretour, la renarde ne put qu'écouter avec dépit le chant de victoire de la proie
qui venait de lui échapper. Elle retourna au fond de son logis, se bouchant les
oreilles pour mieux ruminer une prochaine vengeance.
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