publicité

mercredi 31 décembre 2014

Bonne nuit, Monsieur Nuit

Quand le soleil se couche lentement, derrière la colline, Monsieur Nuit
se réveille. Parfois, je l'entends qui marche dans la forêt.


Monsieur Nuit ferme les fleurs. Il apaise les animaux. Il calme la mer.
Monsieur Nuit veille sur les étoiles.


Quand je le vois à la fenêtre, je sais qu'il est l'heure de me coucher.
Il ferme doucement mes yeux et je m'endors bien vite. Il m'inspire
des rêves et joue de la musique que je n'entends qu'en dormant.


Puis, quand le soleil commence à se lever, Monsieur Nuit se sent
fatigué. Il se couche juste de l'autre côté de la colline et s'endort.


Alors je me réveille et je murmure :


- Bonne nuit, Monsieur Nuit.




Bonne nuit, Monsieur Nuit  -  Dan Yaccarino - Circonflexe

Bonne Année 2015













Bonsoir,
Nous vous souhaitons de passer une merveilleuse année !
Qu'elle vous apporte son lot de bonheurs,
un florilège de petites et grandes surprises,
une kyrielle de liens d'amitié et d'amour sans cesse renforcés ;
et cerise sur le gâteau, une santé d'enfer !



lundi 27 octobre 2014

Gâteau de riz ou grenouilles ?

Jadis, au Japon, une vieille femme vivait avec sa belle-fille, qu'elle détestait.
La vieille ne lui donnait jamais à manger et gardait tout pour elle.

Un jour qu'elle était seule à la maison, une voisine lui apporta des gâteaux à
la pâte de haricot rouge. Comme d'habitude, la vieille s'empiffra en cachette.
Obligée de sortir faire une course, elle enferma dans une boîte laquée le
reste des gâteaux et leur ordonna ceci :

- Si ma bru vous voit, prenez la forme de grenouilles, et si c'est moi, 
  redevenez gâteaux !

Puis elle déposa la boîte près de la niche du Bouddha et s'en alla. Mais la
bru, rentrée plus tôt que de coutume, avait entendu les paroles de la vieille.
Affamée, elle ouvrit la boîte et se régala des gâteaux et, à leur place, elle
enferma de vraies grenouilles... Et fit mine de rien au retour de sa belle-mère.


Celle-ci, heureuse à l'idée de déguster les derniers gâteaux, attendit que la
jeune femme ait le dos tourné pour ouvrir la boîte... En sortirent de véritables
grenouilles qui lui sautèrent à la figure. La vieille s'enfuit en criant :

- Imbéciles, vous vous trompez, c'est moi, je ne suis pas ma bru, laissez-moi 
  tranquille !

Les grenouilles la poursuivirent jusqu'à la mare voisine.

Contes de grenouilles - Muriel Bloch, Géraldine Kosiak - Albin Michel Jeunesse

dimanche 26 octobre 2014

Les mots doux

 
Ce matin, Lola se réveille avec des mots doux dans la bouche.

- Ils sont là, dit-elle, je les sens gonfler sous mes joues.

Lola voudrait dire ses mots doux à papa. Mais il est trop tard.
Papa s'en va. Lola voudrait dire ses mots doux à maman. Mais
maman est très pressée.

- Maman, je voudrais te dire ..., chuchote Lola.
- Tout à l'heure, ma chérie, répond aussitôt maman, tu vas
   être en retard à l'école.

Dans l'autobus, il y a trop de bruit pour dire des mots doux.
Dans la cour de l'école, Lola, s'approche de la maîtresse. Mais
Madame câline déjà un petit dans ses bras. Son voisin de banc
n'est pas assez mignon.

Il n'aura pas ses mots doux. A midi, dans la salle orange, tout
le monde mastique. Lola se tait. Les mots doux, pense-t-elle,
cela ne se mastique pas.

C'est la récré. L'ambiance est à la ronde. Lola n'arrive pas à
placer un mot, surtout pas un mot doux. A la sortie, voilà
Frankie, le roi du skate, qui déboule dans la rue. Frankie est
l'amoureux de Lola. C'est à lui qu'elle veut offrir ses mots doux
les plus doux.

Le mufle ! Il passe sous le nez de Lola sans s'arrêter, sans lui parler,
sans attendre ses mots doux. Dans l'autobus, il y a toujours trop de
bruit. De toute façon, maintenant, Lola boude.

A la maison, en tournant en rond dans le salon, Lola boude. Quand
ses parents arrivent, Lola boude encore. Elle n'a plus envie du tout
de dire ses mots doux...

Au repas du soir, la viande lui parut dure, la salade semble dure,
les pommes sont dures et la limonade est sans goût.

- Qu'est-ce que tu as Lola ? Dis-le nous ! lui demandent Maman et
   Papa.

Lola pense très fort : Je ne dirais rien, ce n'est pas la peine, je ne
dirais pas mes mots doux. Mais ses joues gonflent, gonflent et,
soudain, Lola s'écrie...

- Maman, Papa, je vous adore ! Je vous adore ! Je vous adore !

Lola à enfin réussi à dire ses mots doux. Les mots doux en
 s'envolant font leur effet. Aussitôt, Lola reçoit des câlins et des
bisous...

Mais, en montant vers la chambre, elle est un peu inquiète : et
si demain les mots doux ne revenaient plus...

Dès que Lola éteint la lumière, elle se sent rassurée. Les mots
doux de demain sont déjà dans sa chambre.

Les Mots Doux - Carl Norac, Claude K. Dubois - Pastel

Un jour mon prince viendra

Talonnant son bouc, Marguerite
galopait à travers champs. La
sorcière était furieuse : le prince
Matuvu venait de lui dire non.
Ficelé et bâillonné, il gigotait
dans le vide. Arrivée à l'étang,
elle le libéra. Douze autres
crapauds s'approchèrent
aussitôt. Le plus gros coassa :

- Encore un, maudite sorcière !
   Maintenant, ça suffit ! Je
   t'ordonne de nous délivrer du
   sort que tu nous as jeté !
- Mon cher Igor, tu parles
   encore comme un prince mais
   tu n'es plus qu'un sac à
   verrues ! C'est moi qui commande désormais ! Adieu, mes trésors ! Faites de doux
   rêves...

Ecrasant ronces et chardons, la sorcière fonça droit vers sa maison.

- Alors, tu lui as plu ? questionna Potin
- Non. Et c'était le dernier prince de la région... soupira Marguerite.
- Mais pourquoi diable veux-tu à tout prix un prince pour mari ? Pourquoi
   ne pas épouser simplement un sorcier ?
- Cervelle de radis ! As-tu déjà entendu quelqu'un chanter Un jour mon
   sorcier viendra ?
- Je crois que oui...
- Tu mens, machine à mots ! C'est d'un prince qu'il s'agit et moi, j'en veux
   un aussi !

Le lendemain, Marguerite scia des bûches toute la matinée, alluma un feu de
verveine et fit mijoter une soupe de racines. Puis elle alla ramasser plantes et
champignons pour préparer les potions qu'elle vendait au marché.

Après le diner, elle fonça dans son grand lit en serrant très fort l'oreiller
contre son cœur et s'endormit. Il n'avait jamais neigé dans cette région.
Pourtant cette nuit-là, le ciel s'ouvrit et des milliers de flocons en
profitèrent pour descendre sur la terre. Le matin, Marguerite bondit de joie :

- Potin, réveille-toi ! Tu vois ce que je vois ? Mon prince est là ! Il porte
   un manteau blanc et un chapeau noir; la pipe entre les dents, il est joli
   à voir !
- C'est sûrement un mirage, ma pauvre amie, ronchonna Potin.
- Jaloux ! cria la sorcière. Tu vas tout faire rater ! Au placard, sale
   bavard !

Marguerite enfila sa plus belle robe, s'installa dans son fauteuil et attendit.
Comme rien n'arrivait, elle regarda par la fenêtre : son prince n'avait pas
bougé d'un pouce.

Elle le crut timide et pensa qu'il fallait patienter encore. Mais les heures
s'écoulaient et la colère monta dans son cœur.

- Le gredin a sûrement rendez-vous avec une autre ! se dit-elle.

Quand le soir tomba, Marguerite sortit et hurla :

- Pourquoi restes-tu là à me tourmenter ? Tu ne réponds pas ? Tant pis
   pour toi ! Marguerite la sorcière sait se venger de ceux qui ne veulent
   pas l'aimer... Par le pouvoir du grand caribou, que les loups t'avale d'un
   coup !

Elle claque la porte d'un coup de pied et grimpa quatre à quatre l'escalier.
Les loups se mirent à hurler. Alors, Marguerite s'effondra en larmes sur
son lit. Elle pleura, pleura beaucoup, puis elle s'endormit pour des jours
et des nuits.

Au bout d'une semaine, on s'étonna au village de la disparition de la
sorcière. On ne la voyait plus au marché et on regrettait ses tisanes qui
faisaient du bien. Mais le plus chagriné, c'était Marco, le boulanger.

Marguerite était sa cliente préférée. Il était
même amoureux d'elle en secret. Ce
jour-là, il se décida. Il enveloppa deux gros
pains frais dans du drap blanc et traversa le
village. A l'orée de la forêt, il trouva une
pipe, un balai et un chapeau noir dont il se
coiffa.

Au loin, quelques crapauds se
chamaillaient. Le cœur battant, Marco se
retrouva devant la porte de Marguerite.
La maison était plongée dans le silence. Il
frappa une fois. Rien ne bougea. Il frappa
alors trois gros coups qui résonnèrent très
fort... Marguerite s'éveilla.

Elle s'étira et sourit. Elle remit de l'ordre
dans ses cheveux... puis elle ouvrit la porte.

- Monsieur Marco, c'était donc vous ! Où avez-vous laissé votre grand
   manteau blanc ? Ne dites rien, je comprends tout : ce sont les loups...
   Pardonnez-moi ! Je vous ferai d'autres manteaux, encore plus beaux !
   Entrez vous installer. Cela fait si longtemps que je vous attends.

Marco déposa les pains sur la table et alluma un feu dans la cheminée.
Alors, Marguerite ouvrit la porte du placard et chuchota à l'oreille de son
perroquet :

- Tu vois que je n'avais pas rêvé : mon prince est arrivé !

Un jour, mon prince viendra - Andréa Nève, Kitty Crowther - Pastel 

Maman Quichon se fâche

Un soir où personne n'avait
envie d'aller se coucher (et
pourtant il était très tard,
pour des petits Quichon),
Maman Quichon annonça :

- Je vais me fâcher.

Mais personne n'y fit
attention. Alors Maman
Quichon dit :

- Je vais me transformer en
   pierre.

Là-dessus, elle se transforma
en pierre. Et personne n'y fit attention. C'est Annabella Quichon qui s'inquiéta la première :

- Maman, hé, maman ! dit-elle.

Mais Maman Quichon ne répondit pas. Ensuite, Virgile Quichon
et Léa Quichon lui firent quelques petites chatouilles. Mais Maman Quichon
ne répondit pas.

Alors les soixante-treize enfants Quichon décidèrent de lui donner tous
ensemble un très gentil bisou. Mais Maman Quichon ne répondit pas.

- Qu'est-ce qu'on va faire ? se lamentèrent les enfants Quichon;

 
Déjà les plus jeunes commençaient à pleurer.

- Maman, maman, arrête d'être une pierre, suppliait la petite Florence Quichon.

Et soudain, Maman Quichon s'étira, soupira, sourit et dit :

- Allez, ça suffit ! Et maintenant, tout le monde au lit !

Les soixante-treize enfants Quichon se jetèrent sous les couvertures.

- Maman, promets que tu ne te transformeras plus jamais en pierre, demanda
   la petite Florence Quichon.
- D'accord, je le promets, répondit Maman Quichon;

et, pour leur souhaiter bonne nuit, elle fit un gros, gros bisou à ses
soixante-treize enfants chéris.

Maman Quichon se fâche - Anaïs Vaugelade - L'école des loisirs

Pierre Lapin

 
Il était une fois quatre petits lapins qui s'appelaient Flopsaut, Trotsaut,
Queue-de-Coton et Pierre. Ils habitaient avec leur mère sur un banc
de sable à l'abri des racines d'un grand sapin.

- Mes enfants, dit un jour Madame Lapin, vous pouvez vous promener
   dans les champs ou le long du chemin, mais n'allez pas dans le jardin
   de Monsieur MacGregor. Votre père a eu un accident là-bas, Madame
   MacGregor en a fait un pâté. Allez vous amuser, mais ne faites pas de
   bêtises. Je vais faire des courses.

Madame Lapin prit son panier et son parapluie et s'en alla, à travers bois,
chez le boulanger. Elle acheta une miche de pain bis et cinq petits pains
aux raisins.

Flopsaut, Trotsaut et Queue-de-Coton, qui étaient de bons petits lapins,
descendirent le long du chemin pour cueillir des mûres. Mais Pierre qui
était très désobéissant courut tout droit au jardin de Monsieur MacGregor
et se glissa sous le portail.

Tout d'abord, il mangea des laitues puis des haricots verts et enfin des
radis. Alors, ne se sentant pas très bien, il chercha du persil. Mais autour
d'une serre où poussait des concombres, il tomba sur Monsieur MacGrégor.

Monsieur MacGrégor était à quatre pattes, en train de planter des choux,
mais il se releva aussitôt et courut après Pierre en brandissant un râteau
et en criant :

- Au voleur !

Pierre était terrifié. Il courut en tout sens dans le jardin, car il ne retrouvait
plus le chemin de la sortie. Il perdit une de ses chaussures parmi les choux
et l'autre parmi les pommes de terre.

Après avoir perdu ses chaussures, il se mit à courir à quatre pattes. Il
courait de plus en plus vite et je crois qu'il aurait réussi à s'enfuir s'il ne
s'était pas pris les pattes dans le filet qui protégeait les groseilliers. Les
boutons de sa veste s'accrochèrent dans les mailles et il ne pouvait plus
s'en dépêtrer. C'était une veste toute neuve avec des boutons en cuivre.

Pierre se crut perdu et il versa de grosses larmes. Mais des moineaux,
entendant ses sanglots, vinrent se poser auprès de lui et le supplièrent
de se ressaisir.

Monsieur MacGregor surgit. Il tenait à la main un tamis pour capturer
Pierre. Mais celui-ci parvint à se dégager juste à temps, abandonnant
sa veste derrière lui. Alors il se précipita dans la cabane à outils et
sauta dans un arrosoir. L'arrosoir aurait été une très bonne cachette
s'il n'avait pas été plein d'eau.

Monsieur MacGregor était sûr que le lapin se cachait dans la cabane
à outils, peut-être sous un pot de fleurs renversé. Il retourna tous les
pots de fleurs et regarda sous chacun d'eux. Un instant plus tard, Pierre
éternua : ! Atchoum !

Monsieur MacGregor se précipita sur lui. Il essaya de poser son pied sur
le lapin mais Pierre sauta par une fenêtre, renversant au passage trois
pots de fleurs. La fenêtre était trop petite pour Monsieur MacGregor
et, d'ailleurs, il était fatigué de courir après Pierre. Aussi retourna-t-il
travailler dans son jardin.

Pierre s'assit pour se reposer. Il était hors d'haleine et tremblait de peur.
Il n'avait pas la moindre idée du chemin à prendre pour rentrer chez lui.
Et, en plus, il était tout mouillé à cause de l'arrosoir.

Peu après, il commença à explorer les environs, à petits pas, regardant
tout autour de lui. Il trouva une porte dans un mur. Mais elle était fermée
et il n'y avait pas moyen pour un petit lapin dodu de se glisser dessous.

Une vieille souris allait et venait sur le pas de la porte emportant des pois
et des haricots pour nourrir sa famille qui habitait dans le bois. Pierre lui
demanda le chemin à prendre pour rejoindre le portail, mais elle avait un
si gros pois dans la bouche qu'elle ne pouvait pas lui répondre. Elle se
contenta de le regarder en hochant la tête. Pierre se mit à pleurer.

Puis il essaya de retrouver son chemin en parcourant le jardin mais il
était de plus en plus perdu. Bientôt, il arriva près d'un bassin ou Monsieur
MacGregor avait l'habitude de remplir ses arrosoirs. Un chat blanc
observait attentivement des poissons dorés.

Il était assis, tout à fait immobile, mais de temps en temps le bout de sa
queue remuait. Pierre estima plus prudent de passer son chemin sans
parler au chat. Son cousin Jeannot l'avait mis en garde contre les chats.

Pierre revint vers la cabane à outils et soudain, tout près de lui, il entendit
le bruit d'une binette raclant la terre, cric, cric, cric... Pierre se cacha sous
un buisson. Mais bientôt, ne voyant rien venir, il reparut, grimpa dans une
brouette et observa ce qui se passait.

Il vit d'abord Monsieur MacGregor qui sarclait les oignons. Il tournait le
dos à Pierre et là-bas, au fond, il y avait le portail. Pierre descendit de la
brouette le plus silencieusement possible, puis il se mit à courir aussi vite
qu'il le put le long d'une allée derrière les groseilliers.

Monsieur MacGregor l'aperçut au coin de l'allée, mais Pierre ne s'en
soucia guère. Il se glissa sous le portail et parvint à s'échapper dans les
bois. Monsieur MacGrégor se servit de la veste et des chaussures de
Pierre pour fabriquer un épouvantail et faire peur aux corbeaux.

Pierre courut sans s'arrêter ni même jeter un coup d'œil derrière lui
jusqu'au grand sapin où il habitait. Il était si fatigué qu'il se laissa tomber
sur le sable douillet qui recouvrait le sol du terrier et ferma les yeux.
Sa mère était en train de faire la cuisine. Elle se demanda ce que Pierre
avait fait de ses vêtements. C'était la deuxième veste et la deuxième
paire de chaussures qu'il perdait en quinze jours !

Je dois vous dire que Pierre ne se sentit pas très bien pendant toute la
soirée. Sa mère le mit au lit, lui prépara une infusion de camomille et lui
en fit boire une bonne dose ! C'était comme un médicament : une
cuillerée à soupe le soir avant de se coucher !

Flopsaut, Trotsaut et Queue-de-Coton, en revanche, eurent du pain, du
lait et des mûres pour leur dîner.


Pierre Lapin - Beatrix Potter - Folio Benjamin

samedi 25 octobre 2014

Le rire de la grenouille

C'est l'histoire d'une petite grenouille verte, discrète, ordinaire. Un jour,
elle en eut marre, vraiment marre, d'être verte, discrète et ordinaire. Elle
rêvait d'accomplir de grands exploits, elle voulait devenir extraordinaire.
Elle habitait avec d'autres grenouilles au bord  d'un trou rempli d'une eau
pas très claire...

Un matin, elle décida d'avaler d'un coup l'eau du trou, rien que pour se
faire remarquer. Gloups !

Alors elle grossit, mais pas assez pour être extraordinaire. En quelques
bonds, elle gagna le bord de la rivière. Là, au vu des oiseaux s'y baignant,
elle avala toute l'eau de la rivière. Gloups, en une seule gorgée ! Alors,
elle grossit davantage, mais pas assez pour être extraordinaire.

La rivière rejoignit le fleuve. La grenouille suivit son cours en sautillant.
Là, au vu des poissons nageant et des pêcheurs pêchant, elle avala toute
l'eau du fleuve. Gloups, gloups ! Alors elle devint énorme, mais elle
avait encore soif, soif de grandir, soif de devenir extraordinaire.

Le fleuve se jetait dans la mer. La grenouille se traîna jusqu'au rivage.
Gloups et gloups, elle avala toute l'eau de la mer. Monstrueuse, salée, les
yeux globuleux et embués, la grenouille décida d'avaler toute l'eau de la
terre. Et elle la but jusqu'à la dernière goutte.

Son corps gorgé d'eau dépassait les plus hautes montagnes, sa tête touchait
le ciel : la grenouille verte s'immobilisa. Elle était devenue enfin
extraordinaire.

Mais la terre avait soif, les animaux avait soif et les hommes aussi. Pour
la première fois, les uns et les autres se réunirent pour chercher ensemble
une solution. Une solution pacifique pour récupérer l'eau de la terre
engloutie par l'abominable grenouille.

- Faisons-la rire ! proposèrent les humains.

Les animaux approuvèrent. Malgré la soif qui les tiraillait, des clowns
s'approchèrent du monstre et lui firent toutes sortes de grimaces. En vain :
la grenouille ne bougeait pas, malgré les efforts des hommes, devenus si
petits à ses yeux énormes.

Les animaux prirent le relais : les singes, du ouistiti au macaque, de l'orang-
outan au gorille, grimacèrent mieux que les clowns. Mais la grenouille réussit
à leur tourner le dos. La terre craquelait et fendillait, les hommes et les
animaux crevaient de soif. Que faire ?

Soudain, le ver de terre, surgi de nulle part, proposa ses services. Il monta en
direction du ciel, et suspendu devant les yeux globuleux de la grenouille, il
fit des nœuds avec son corps mou, visqueux, transparent.

Et de le regarder ainsi s'agiter, lui, le minuscule, le ridicule, le dégoûtant, la
grenouille esquissa un sourire. Ensuite, voyant le petit recommencer ses
nœuds, elle rit franchement et, ce faisant, recracha l'eau du trou, puis la
rivière... En bas, sur la terre, tous se précipitèrent.

Là-haut, perdu dans l'espace, le petit ver continuait ses contorsions dérisoires
et la grenouille l'encourageait en se moquant. Du coup, elle recracha l'eau
du fleuve, puis la mer tout entière. Alors, son corps se dégonfla et retomba
sur le sol !

La grenouille était redevenue petite, discrète et ordinaire.

- Quel fiasco ! soupira-t-elle.

Mais l'eau ainsi recraché sauva la terre, les hommes et les animaux. Nous
devons une fière chandelle au ver de terre : grâce à sa souplesse, une grande
sécheresse fut évitée de justesse...


 
Contes de grenouilles - Muriel Bloch - Albin Michel Jeunesse

L'histoire du jour et de la nuit














Peu de gens connaissent la véritable histoire du jour et de la nuit.
Une histoire vieille comme le monde, perdue au fil du temps.
Laissez-moi vous la conter.

De ce temps là, il y avait au beau milieu de la Terre une colline.
Elle était haute et poussiéreuse, elle traversait tout le ciel, et le
divisait en deux. D'un côté s'installa le jour, de l'autre la nuit.

De ce temps là, les habitants de la Terre prirent l'habitude de
travailler là où il faisait jour et de dormir là où il y avait la nuit.

Côté jour, vivait le Baron d'Aubeclair. C'était un coq très fier et
très prétentieux. Il aimait cultiver la lumière et veillait à ce qu'elle
ne manque jamais. Il accomplissait sa tâche avec tant de zèle,
qu'il ne tolérait aucune ombre sur son territoire.

De l'autre côté, là où il faisait nuit, vivait le Duc d'Encrenoire.
C'était un mystérieux hibou, peu fréquentable.

Il était le gardien des ombres, il semait l'obscurité et traquait la
lumière jusqu'aux moindres recoins de ses contrées.

De ce temps là, le Baron d'Aubeclair et le Duc d'Encrenoire
étaient voisins mais ne s'appréciaient guère. Ils se disputaient la
colline et chacun la voulait pour lui seul.

Lorsqu'ils se rencontraient, ils se griffaient, s'arrachaient les plumes,
se jetaient des sorts... Ils se battaient souvent au sommet de la colline,
pour que tout le monde puisse les voir. En bas, les habitants étaient
inquiets, car les disputes étaient de plus en plus violentes. Et la colline
en souffrait beaucoup. Mais personne n'osait rien dire.

A chaque bataille, la colline se faisait piétiner, balayer, écraser,
aplatir... Elle s'usait de plus en plus. Elle se mit à rétrécir à vue d'œil.
Mais le Baron d'Aubeclair et le Duc d'Encrenoir n'en avait cure. Ils
continuèrent à se battre pendant de longues semaines, de longs mois,
peut-être même des années. Personne ne sait exactement combien
de temps cela dura. Mais ce qui est sûr, c'est que la colline finit par
disparaître.

Il n'y avait plus de frontière entre le jour et la nuit. Alors ils se
mélangèrent. Des morceaux de nuit envahirent le jour. Les fleurs
se refermèrent, les moutons qui broutaient l'herbe s'endormirent,
les oiseaux perdirent leur chemin.

Et le jour devint gris...

De l'autre côté, des petits bouts de jours attaquèrent la nuit. Les
insectes n'eurent plus d'endroits où se cacher, les grillons se turent,
des ombres furent déformées...

La nuit perdit son mystère...

Les habitants n'en purent plus de cette situation. Parfois, ils ne voyaient
plus que la moitié des arbres et des rochers. Ils se cognaient la tête et
marchaient dans les flaques d'eau.

D'autres fois, lorsqu'ils essayaient de s'endormir, un filet de lumière
surgissait de nulle part, les réveillait et s'en allait aussitôt. Les habitants
se réunirent et demandèrent au Duc et au Baron de trouver une solution.

- Si seulement ce satané Duc d'Encrenoir arrêtait de faire tomber la nuit,
   je pourrais éclairer la Terre entière, d'Est en Ouest, sans qu'aucune
   ombre n'apparaisse nulle part. Nous n'aurions plus de problèmes ! dit
   le prétentieux Baron aux habitants de la Terre.

A ces mots toutes les petites lucioles paniquèrent :

- Non, non, non ! Nous n'irons plus danser s'il fait toujours jour !
- Et où allons-nous dormir ? demanda un paresseux.
- Ne fera-t-il pas un peu trop chaud ? dit un ours polaire.

Alors, le Duc d'Encrenoir s'exclama fièrement :

- Moi, si on me laissait faire, je peux définitivement faire tomber la
   nuit et chasser la lumière à jamais. Ainsi, la paix régnera dans le
   monde.

Mais un oiseau contesta :

- Alors je ne chanterai plus ?
- Eh moi, comment pourrais-je butiner si toutes les fleurs restent
   fermées ? demanda une abeille.
- Et puis plus personne ne verra mes jolies plumes dit le paon.

Au milieu de ce vacarme, une voix s'éleva dans le pénombre :

- Vous n'aurez qu'à faire tomber la nuit et lever le jour à tour de
   rôle.

Et tout le monde trouva l'idée si brillante que le Baron et son rival
le Duc se sentirent obligés de travailler ensemble. Le Baron
d'Aubeclair inspira profondément et cria de toutes ses forces :

- Coccoricooooo

Et le nuit impressionnée par ce cri strident, s'en alla très loin.
Le jour revint plus éclatant que jamais et s'étendit sur toute la
Terre. Les habitant se dirent bonjour, travaillèrent et profitèrent
du beau temps.

Plus tard dans la journée, lorsqu'ils furent fatigués, ils demandèrent
au Duc d'Encrenoir de faire tomber la nuit.

- Hou hoooouuuuuu dit le Duc d'Entrenoir.

Le jour, effrayé par ce bruit mystérieux, pris la fuite. Il ramassa
tous les petits bouts de lumière, tout ce qui brillait, luisait et
étincelait. Il prit aussi sa chaleur et ses bruits. Puis partit.

La nuit revint, plongea la terre dans une douce obscurité. Elle
ramena avec elle quelques rêves et de petites berceuses. Les habitants
s'endormirent paisiblement.

C'est ainsi que, depuis ce temps-là, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il
fasse beau temps, la Baron d'Aubeclair et le Duc d'Encrenoir ne
cessèrent de se relayer. L'un levait le jour et réveillait les habitants,
l'autre les endormait en faisant tomber la nuit.


Aujourd'hui encore, à l'aube et au crépuscule, si l'on tendait bien
l'oreille, on pourrait entendre le Duc et le Baron accomplir leur
tâche. Par contre, on ne saurait dire s'ils continuent encore à se
battre. En tout cas, depuis ce temps-là, on ne vit plus aucune
colline disparaître.


L'histoire du jour et de la nuit - Karim Maaloul - Editions du Rocher

vendredi 26 septembre 2014

Blague Carambar

Pourquoi le foot c'est rigolo ?
Parce que Thierry en rit !

Quel est le comble d'un juge gourmand ?
Manger des avocats

Qu'est-ce qui tombe sans faire de bruit ?
La nuit !

Que dit un vitrier à son fils pour qu'il reste sage ?
Tiens-toi à carreaux et t'auras une glace.

Quel super héros donne le plus vite l'heure ?
Speed heure man ! ( spider man )

Quel sont les lettres qui se voit le moins ?
FAC (effacer)

Quelle sont les lettres qui bougent tout le temps ?
AJT (agiter)

Qui du marin ou de l'aviateur écrit le moins ?
Le marin car il a jeté l'ancre !

Que se fait un Schtroumpfs quand il tombe ?
Un bleu !

C'est une feuille de papier qui avance dans l'eau.
Et qui dit au secours j'ai pas pieds ! (Papier)

Pourquoi les pêcheurs sont-ils maigres ?
Parce qu'il surveille leurs lignes.

Un enfant dit à un vendeur :
- Je voudrais cet avion s'il vous plaît.
L'enfant lui donne un billet de Monopoly.
- Le vendeur lui répond : mais ton billet, il n'est pas vrai...
- L'enfant lui répond : bah oui, comme ton avion

Un sucre tombe amoureux d'une cuillère. Le sucre dit à la cuillère :
Nous pourrions peut-être nous rencontrer dans un café ?

A l'école, le maître rend les copies et prend à part l'un de ses élèves :
- Allez, mon petit Stéphane, avoue que ton père t'a aidé à faire ce devoir !
- Pas du tout, M'sieur, je vous le jure...
- C'est bien vrai, tu es sûr ?
- Oui, j'en suis sûr. Il l'a fait tout seul...

lundi 22 septembre 2014

Le Printemps, le Vieillard et le Petit Oiseau de fer

 
Il était une fois une petite mésange. Elle souffrait du froid et de la faim pendant
l'hiver glacé du Nord. Un jour, voletant, elle aperçut une maisonnette. Elle se
posa sur le toit et vit par la cheminée un vieux qui forgeait une hache. Elle
interpella le vieillard :

- Grand-père, grand-père, dis, n'as-tu pas froid ?

Le vieux regarda autour de lui, ne vit rien, leva la tête et dit :

- Qui me parle ? Rentre par la porte si tu es un homme !

- Je ne suis pas un homme, je suis une mésange. Je suis venue te voir car j'ai un
grand service à te demander. Je vois que tu vis dans le froid et que tu n'as pas
grand chose à manger. Fabrique-moi dans ta forge des ailes en fer, un bec en fer
et des pattes en fer. Je les mettrai et je volerai chez le maître des nuages.

Il a sept filles. Les sept filles ont sept sacs. Dans chaque sac, il y a des nuages
chauds qui apportent le beau temps aux hommes. Je volerai un des sacs pendant
que les filles des nuages dormiront.

Ainsi fut fait. La mésange mit les ailes en fer, le bec et les pattes en fer et s'envola
à tire-d'aile vers le sud. Le voyage dura longtemps.

Un jour, elle vit apparaître devant elle un grand nuage blanc sur lequel étaient
assises sept jeunes filles. Aux pieds de chacune d'elles était posé un sac rempli
de nuages chauds. La mésange se mit à faire une prière :

- Maître des nuages, aide-moi à prendre un sac de nuages chauds. Fais que les
   jeunes filles s'endorment au plus vite.

La mésange avait à peine fini sa prière que l'aînée des jeunes filles déclara en
bâillant :

- Ah, mes sœurs, qu'est-ce que j'ai sommeil !

Les sœurs se dirent la même chose :

- Ah, nous aussi, qu'est-ce que nous avons sommeil !

Et elles s'endormirent. La mésange s'approcha aussitôt du sac de la cadette et l'ouvrit.
Une multitude de nuages se répandirent dans le ciel, et la mésange s'envola en
direction de la maison du vieux.

Arrivée à destination, elle vit le vieux se promener dans le jardin derrière sa
maison, vêtu d'une simple chemise, pendant qu'un soleil radieux apparaissait
derrière les nuages.

- Alors, grand-père, as-tu chaud maintenant ? demanda l'oiseau.

- Très chaud ! Bravo, petite mésange !

C'est depuis cette aventure que l'on dit que le beau temps nous est apporté du ciel
par la mésange.


Histoires des quatre saisons - Marilyn Plénard - Flies France

dimanche 21 septembre 2014

Le sac de vent

Conte indien d'Amérique du Nord


Il y a des siècles et des siècles, le vent causait
beaucoup de ravages. Il soufflait avec violence
sur le territoire des Indiens. Il tuait même des
gens et détruisait leurs biens.

En ces temps lointains, vivait un homme du
côté de Spences Bridge. Cet homme avait trois
fils. Le plus jeune était un garçon très ambitieux, qui rêvait de réaliser des exploits formidables. Un beau jour, il dit à son père et ses deux frères aînées :

- Je vais tendre un piège au vent.

- Et comment vas-tu t'y prendre ? on ne voit pas le vent, lui répondirent-ils
   en riant.

Néanmoins, le plus jeune des fils de l'homme qui vivait près de Spences Bridge
s'en alla fabriquer un piège pour le vent. Ce travail délicat lui prit plusieurs nuits
car, quoi qu'il fit, le nez du piège était toujours trop large. Chaque nuit, le jeune
homme la passait à son ouvrage, rapetissant encore et toujours le nez du piège.

Un beau matin, allant vérifier son piège, le garçon vit qu'il avait piégé le vent.
Le plus jeune fils de l'homme de Spences Bridge s'empressa d'enrouler le vent
dans une couverture et courut chez lui, où il annonça à son peuple qu'il avait
capturé le vent.

A ces mots, tous rirent de bon cœur. Alors, pour
faire taire les moqueurs, le garçon entrouvrit un
tout petit bout de couverture, le vent se déchaîna
immédiatement, tant et tant que tout
tourbillonnait alentour.

Finalement, ils se mirent d'accord avec le vent pour
que désormais il souffle moins fort sur la contrée, condition pour lui rendre sa liberté. Quant au vent, il tint sa promesse.

Histoires des quatre saisons - Marilyn Plénard - Flies France 

samedi 20 septembre 2014

Le conteur aux grands yeux et aux grandes oreilles

Conte des indiens d'Amérique du nord

Iagloo, le conteur, est vieux et rabougri, et son visage est de la couleur de la
coquille de noix. Ses yeux, deux fois plus grands que ceux des autres hommes,
contemplent les plumes brillantes du ventre de l'oiseau en vol.

A ses oreilles, deux fois plus grandes que celles des autres hommes, tonnent
les notes les plus ténues. Ses jambes souples et ses bras sont forts : il court
plus vite et plus longtemps que les autres hommes et il porte dans ses bras
des charges plus lourdes, que n'en portent les autres hommes.

Au temps où les rivières et les lacs sont gelés, au temps, où les pêcheurs ne
prennent plus le poisson, au temps où la neige engourdit les forêts, au temps
où les chasseurs ne prennent plus le gibier, au temps où les flocons dansent,
Iagoo conte et chacun boit ses paroles.

Puis, durant plusieurs lunes, il disparaît du monde des autres hommes. Au
cours de son dernier voyage, il a rencontré un ours aux griffes d'acier et aux
yeux de feu, des moustiques dont les ailes étaient larges comme les voiles
miroitantes d'un bateau, des lézards dont les crêtes étaient aussi denses que
la crinière des chevaux.

Il a cueilli un nénuphar à la feuille si large qu'il s'est est fait un manteau, il
s'est aventuré au cœur d'un buisson si épais qu'une journée entière n'a pas
suffi pour la traverser.

Le visage de Iagoo est de la couleur de la coquille de noix, et il est si vieux
et rabougri qu'il se souvient des ans où les chênes étaient des fruits. Au
cours de son dernier voyage, il a croisé le sentier des guerriers, et, quand
il sera encore plus vieux et toujours plus rabougri, toujours et encore
Iagloo contera leurs rudes exploits


Histoires d'arts et métiers - Marilyn Plénard - Flies France

Le petit garçon de neige

 
 
Conte du Limousin

Un paysan et une paysanne n'avaient pas d'enfants. Tous les deux en concevaient
beaucoup de tristesse. Ils avaient épuisé tous les pèlerinages qui existaient alors,
s'adressant sans succès à toutes les saintes et à tous les saints, nombreux dans le
Limousin. Ils avaient fini par désespérer car la vieillesse était venue leur interdire
tout espoir.

Or, un jour que le paysan était sorti pour aller fumer la pipe chez un voisin, la
neige se mit à tomber à flocons épais et à former une couche sur les toits, dans
les jardins et les rues.

Notre homme vit à son retour les enfants du village qui roulaient de gros blocs de
neige, les empilaient, leur façonnaient une tête tant bien que mal, et en faisaient
des hommes de neige. Vite, vite, il courut trouver sa femme :

- Femme, femme, viens donc dans la rue ramasser la neige comme font les enfants.
   Nous en feront un petit garçon de neige. Ne pouvant en avoir un vivant, nous
   aurons au moins le plaisir de conserver celui-là quelques jours.

- Tu as raison, mon cher mari, allons faire un petit garçon de neige.

Le vieillard et sa femme firent un tas de neige et façonnèrent un petit garçon.
Tous les enfants avaient cessé leurs jeux pour contempler les deux vieux, et les
voisins étaient sortis de leur maison se demandant si l'homme et la femme
avaient perdu la raison.

Mais voilà que le petit bonhomme de neige est bientôt achevé. Il est charmant
au possible. Les enfants admirent l'œuvre et ne pensent plus à rire. Les voisins
sont stupéfaits de voir le petit bonhomme de neige se mette à agiter bras et
jambes et embrasser le vieillard et sa femme. Le Bon Dieu avait enfin accompli
le souhait des pauvres gens et leur avait accordé un petit enfant de neige.

Ce fut une merveille dans tout le pays. On venait de partout voir le petit garçon
né d'une façon si extraordinaire et l'on reconnaissait unanimement qu'il était d'un
caractère unique et d'une douceur sans égale. Seulement, on disait qu'il n'avait
point de sang, que son corps était froid comme glace et qu'il ne pouvait
supporter la grande chaleur du foyer.

Tout l'hiver, l'enfant de neige resta gai, jovial et de fort belle humeur. Mais, dès
que le soleil printanier reparut, le garçon se montra triste et on le vit moins
souvent. Puis, vers la fin du printemps, il rechercha l'intérieur des bois et tous
les endroits ombragés.

Sa tristesse augmentait et il pleurait presque toujours, ce qui désolait ses vieux
parents et ses camarades du village.

Lors de la Saint-Jean, les enfants réunirent du bois et de la paille, et ils firent
un grand feu de joie, autour duquel ils se mirent à danser. Mais le petit garçon
de neige n'était pas là. Ses amis allèrent le chercher et l'entraînèrent dans leur
ronde autour du foyer allumé en l'honneur de Saint-Jean.

L'enfant dansa fort joyeusement. Mais, quand le feu fut à moitié éteint, l'on
s'aperçut que le petit garçon de neige avait disparu, fondu à la flamme, et
qu'il n'avait laissé qu'un peu d'eau qui coula entre les doigts de ses petits
camarades.

Histoires des quatre saisons - Marilyn Plénard - Elies France

Le repos bien mérité de la vache

Un homme possédait une vache. Pendant la période des labours, il la
faisait travailler depuis le petit matin jusqu'à la fin du jour.  La vache,
épuisé, s'adressa au ciel :

- La journée est longue, le travail est pénible, je n'en puis plus.

Le ciel lui répondit :

- Pendant les labours, désormais, les jours seront cours et les nuits
   seront longues. Tu travailleras moins le jour, tu te reposeras plus
   la nuit.

Voilà pourquoi, l'hiver, les nuits sont longues et les jours sont courts

 
 
Histoires des quatre saisons - Marilyn Plénard - Flies France

Petit Jean et le Géant

Petit Jean était le fils d'une pauvre femme. On
l'appelait Petit Jean parce qu'il était faible et
chétif; mais il était rusé, savant et très
courageux. Il avait un grand frère, Grand Jean,
qui était fort, mais aussi bête que fort.

Un jour, un géant, on ne sait pourquoi, avait
enlevé le père des deux pauvres enfants. C'était
un bon bûcheron, et le Géant le garda chez lui
pour qu'il abattit des arbres.

L'aîné des fils, Grand Jean, dit à sa mère :

- Maman, je vais aller combattre le Géant, et je ramènerai notre père.

La mère savait qu'il était fort, et pensait que peut-être, par sa force, il pourrait
vaincre le Géant; elle le laissa donc partir. Depuis ce jour là, on ne revit plus
Grand Jean.

Petit Jean, resté près de sa mère, lui dit :

- C'est moi qui vais délivrer papa.

Mais sa mère ne voulut pas le laisser partir, parce qu'il était si petit et si faible.
Mais Jean ne se laissa pas décourager et partit à la recherche de son père.

La route le conduisit à travers un grand bois. Là, il
vit tout à coup devant lui un lion. Il eut très peur et
monta dans un arbre. Du haut de l'arbre, il regarda
l'animal et le vit se lécher une patte de derrière
d'où  coulait du sang. Alors il descendit de l'arbre,
et le lion lui laissa toucher sa patte, et Jean en
retira une épine qui avait blessé la bête. Et le
lion lui donna un de ses poils fauves, et lui dit :

- Si tu as jamais besoin d'être fort, tu n'as qu'à dire : par ce poil, que je devienne
   lion !

Petit Jean prit le poil de lion, remercia l'animal, et
continua sa route. Il rencontra un chasseur qui
s'apprêtait à tuer un aigle. Il toucha le bras du
chasseur, et ce mouvement lui fit rater son coup.
Et l'aigle qu'il avait sauvé suivit Petit Jean à travers
la forêt.

Quand ils furent loin du chasseur, l'aigle descendit
vers l'enfant, lui donna une de ses plumes, et lui dit :

- Si jamais tu as besoin d'aller plus vite, tu n'as qu'à
dire : par cette plume, que je devienne aigle !

Petit Jean remercia l'oiseau, et continua son chemin, et voilà qu'une fourmi
passait sur le sentier, et Petit Jean allait l'écraser quand il l'aperçut. Il retint
son pied et la laissa passer, puis il repartit. Mais la fourmi l'appela d'une toute
petite voix, lui donna une de ses pattes, et lui dit :

- Si jamais tu as besoin d'être petit, tout petit, si petit qu'on ne te voit pas,
   tu n'auras qu'à dire : par cette patte, que
   je devienne fourmi !

Petit Jean remercia la fourmi, et continua
son chemin. Après avoir marché plusieurs
jours, il vit le château du Géant. Lorsqu'il
y entra, le Géant, qui était un mangeur
d'hommes, n'était pas là. Il n'y avait que
sa femme.  Craignant que le Géant, en
rentrant, n'eût envie de dévorer Petit
Jean, elle lui défendit d'entrer dans la
maison.

Petit Jean compris et la remercia. Il sortit
donc, puis il prit dans sa main la petite patte
de fourmi et dit :

Par cette patte, que je devienne fourmi !

Immédiatement, il fut changer en fourmi. Il put entrer dans le château sans
que personne ne le vit. Il y prit un peu de vivre pour sa mère, puis, prenant
la plume d'aigle dans sa main, il dit :

- Par cette plume que je devienne aigle !

Il fut transformé en aigle et ainsi, muni d'ailes rapides, alla porter du secours
à sa pauvre mère. Mais il en revint aussitôt et, de nouveau changé en fourmi,
retourna dans le château du Géant. Puis il reprit sa forme humaine et attendit.

Lorsque le Géant rentra, il s'assit à
sa table et ne pensa qu'à manger.
Alors, Petit Jean sortit de sa
cachette, se planta devant lui et dit :

- Je suis venu pour délivrer mon
   père que vous avez enlevé, et mon
   frère que vous n'avez pas laissé
   repartir chez notre mère.

Le Géant, étonné de ce discours, le
regarda, et, voyant Petit Jean si
petit, il trouva bien fort qu'il osât
lui parler sur ce ton-là. Il étendit la
main pour le saisir et le manger,
mais Petit Jean se transforma en lion. Alors, le Géant eut tellement peur qu'il tomba évanoui.

Dans une chaîne autour de son cou, il portait une petite pierre qui lui donnait
toute sa force. Petit Jean savait cela. Il lui prit sa pierre magique, et le Géant
devint faible, aussi faible qu'un homme ordinaire.

Puis, Petit Jean délivra son père et son frère qui vivaient encore, sans tuer le
Géant. Et le père reprit son travail, et tout le monde continua à vivre sa vie
tranquille comme auparavant.


Quelques Contes créoles - Collecte de Madame Schont - Editions Silène

mercredi 18 juin 2014

Les larmes d'Emma

Emma pleure depuis des heures. Elle piétine les fleurs.
Papa est occupé.Maman est à côté, elle câline le bébé.
Emma compte pour du beurre.

Le ciel est noir. Et le monde, pas toujours rose. Emma
l'arrose, avec vacarme, d'une grosse pluie de larmes. Elle
en remplit des bols et d'énormes casseroles.

- N'en perdons pas une goutte, dit maman en riant. Courons
à la cuisine, cuire les pâtes du dîner et la soupe de bébé.

Emma pleure de plus belle. Rince ainsi la vaisselle. Le poisson tourne
en rond. Vive l'inondation et sa libération ! Bientôt, ça fait des flaques, des
petits lacs. Les pieds nus font flic flac. Les plantes partent en balade, le
petit chat est malade.

Il rouspète. Toute cette eau, il déteste ! Du haut de l'étagère, il surveille Emma
qui ruisselle et la montée des eaux à l'ourlet des rideaux. Papa est agacé :

- Emma, c'est assez ! Regarde mes souliers ! J'ai les pieds tout mouillés.

Emma crie :

- Au secours !

Maman accourt. Elle console et cajole, mais c'est bien trop court. Trois
minutes de bisous, ça ne dure pas longtemps. Ce n'est pas suffisant pour
arrêter le torrent.

On lance un SOS. On appelle le docteur qui arrive sur l'heure.

- Quelle mouche l'a piquée ? Voyons ! Ses larmes sont trop salées. Ne perdez
   pas de temps, donnez donc du sucré à cette pauvre enfant.

Trop tard ! Les montagnes de douceurs n'arrêtent pas le malheur. Un millier
de gâteaux, un million de bonbons sont partis à vau-l'eau. Emma pleure de
plus belle et les vagues s'amoncellent.

Alerte ! C'est le déluge. Vite ! Il faut s'enfuir. Il nous faut un radeau...
Ce sera le lit-bateau. Hisse et ho ! Embarquons sans délai ! Tout le monde
est prêt ? Maman et papa, le bébé et Emma, sans oublier le chat.

Ouf ! Sauvés ! Tous ensemble serrés, sur le même voilier, dans la chaleur
des baisers. Et là, le miracle s'accomplit : Emma sourit ! Elle est guérie.
Finies les larmes, finis les drames. Larguons les amarres ! dans

Au clair de la lune, marins de fortune, on vogue toute la nuit. Le vent dans les
voiles, la tête dans les étoiles, la famille s'assoupit dans un doux clapotis...
C'est comme ci qu'Emma tarit, c'est comme ça qu'Emma chanta.


Diane de Bournazel - Pastel (l'Ecole des loisirs)

Petit chou


Angèle Duboulard prit son sac à provisions et partit au village. La matinée était
très belle mais, comme le vent avait soufflé toute la nuit dans les grands bois, le
sol était entièrement jonché de feuilles, de branches cassées... Et, par terre, il
y avait aussi...

- Oh, mon dieu ! s'écria Angèle. Ce petit oiseau est tombé du nid ! Il va avoir
   besoin de quelqu'un pour s'occuper de lui.

Elle l'enveloppa soigneusement dans son écharpe et l'emporta chez elle. Aussitôt
arrivée, elle lui ajouta un châle et un vieux chandail pour qu'il n'ait pas froid et
qu'il se sente en sécurité. Après quoi, elle l'installa dans un vieux panier d'osier.
Elle lui fit boire du lait chaud à la cuillère.

- Il lui faut un nom, décréta Angèle. Je vais l'appeler Auguste.

Rien n'était trop bon pour auguste. Elle lui donna de la purée de carottes, des
éclairs au chocolat, une forêt-noire, et des boîtes de chocolats assortis. Auguste
mangea tout.

- Mais c'est mon petit chou à moi ! s'exclama Angèle.

Le lendemain matin, Angèle alla acheter une belle poussette toute neuve, avec une
espèce d'ombrelle en cas de soleil ou de pluie. Et tous les matins dès lors, Angèle
emmitouflait soigneusement Auguste pour qu'il n'attrape pas froid et lui faisait
faire le tour du village.

En chemin, ils rencontraient Elise Nicolet et les jumeaux près de la mare aux
canards... Melle Aucassin et ses poupées dans la grand-rue... Edouard et son frère
Gérard, en compagnie de leur chien Wellington, devant la bibliothèque.

A l'épicerie du village, Angèle achetait toujours ce qu'il y avait de meilleur...
Auguste mangeait, mangeait, et chaque jour grossissait un peu plus. Jusqu'au jour
où il fut trop gros pour rentrer dans sa poussette avec tous ces chandails et ces
couvertures pour ne pas attraper froid.

Alors Angèle acheta un abri de jardin tout neuf rien que pour Auguste. Tous
les matins, elle lui apportait un plateau chargé de mets délicieux.

Mais une nuit, il y eut encore une terrible tempête accompagnée de vents très
violents dans les grands bois. Angèle se leva au petit matin, enfila sa robe de
chambre et alla voir comment son petit chou avait passé la nuit. Et que
découvrit-elle ?

L'abri de jardin avait été carrément soufflé par la tempête et, dressé au beau
milieu des chandails, des couvertures et des pots cassés, Auguste battait des
ailes.

Angèle tomba raide évanouie. Auguste la recouvrit soigneusement d'un édredon
à fleurs. Puis, dans un léger grincement d'ailes (dû au manque d'entraînement),
il prit son vol.

Il passa au-dessus du village, au-dessus d'Elise Nicolet et des jumeaux... Et
au-dessus d'Edouard et de son frère Gérard, et ainsi que de leur chien Wellington.
Puis il vola vers les arbres des grands bois, où il se régala de divers insectes et
des restes d'un petit écureuil.

Puis il s'envola haut, très haut dans la ciel bleu. Il monta de plus en plus haut,
se laissant porter par les vents chauds au-dessus des nuages. Très loin tout en bas,
il apercevait Angèle  Duboulard, paisiblement endormie sous son édredon rose
à fleurs, tandis que s'étendaient autour de lui des perspectives infinies ! des
horizons extraordinaires !

Angèle Duboulard mit longtemps à se remettre de ses émotions, mais six mois
plus tard elle avait fait reconstruire son abri de jardin. Elle y commença une
formidable collection de cactus de toutes formes et toutes tailles.

Et, de temps en temps, au moment où elle s'y attend le moins, Auguste apparaît
dans un froissement d'ailes sur le toit de l'abri. Il lui apporte un cadeau : une
souris morte, ou quelque gros insecte.

Angèle ne les mange jamais.


Quentin Blake - Gallimard Jeunesse