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lundi 9 avril 2012

La grenouille et le génie de la pluie

Le dragon Mua, génie de la pluie, vivait
dans une profonde caverne. L'empereur
du ciel lui avait confié la tâche d'arroser
la terre : dès que le niveau des fleuves et
des rivières baissait, le dragon devait
sortir de sa grotte pour avaler la mer et
recracher l'eau sous forme de pluie
partout sur la terre.

Mais Mua était un dragon capricieux, et surtout très paresseux; il lui
arrivait de recracher toute l'eau avalée sur une seule région, provoquant
ainsi des inondations. Plus grave encore, il paressait dans sa caverne des
semaines durant, et la sécheresse devenait épouvantable dans le monde
entier.

Un jour, alors que tous les animaux s'étaient résignés à mourir de soif, la
grenouille se rebiffa. Elle partit se plaindre auprès de l'Empereur du ciel
des négligences du génie de la pluie. Chemin faisant, elle rencontra le
crabe, le renard, l'ours, le tigre et l'abeille.

- Accompagnez-moi, les amis, leur dit-elle. L'union fait la force. Plus nous
   serons nombreux, plus nous aurons de chances d'être entendus.

Ils arrivèrent aux portes du palais. Là se trouvait un grand tambour.
Quiconque s'estimait victime d'une injustice avait le droit de s'en servir. La
grenouille donna ses instructions :

- Avant que je ne frappe le tambour, il serait
   plus prudent que vous alliez vous cacher,
   au cas où...

Le crabe trouva une petite mare, l'ours, le tigre
et le renard se dissimulèrent derrière de gros
piliers, et l'abeille se faufila sous le tapis
d'entrée. Alors, et alors seulement, la grenouille
frappa le tambour céleste. La grenouille avait
vu juste : l'Empereur du ciel et sa suite étaient partis
en voyage. Seul le dragon Mua, génie de la pluie, paressait dans sa grotte.

- Qui ose ainsi troubler mon repos ? gronda le dragon.
- C'est la grenouille, car tu ne fais pas ton travail. Je suis venue m'en plaindre
   auprès de ton maître, l'Empereur du ciel.
- Insolent, tu me crèves les tympans, tais-toi donc !

Mais la grenouille frappa de nouveau, et de toutes ses forces, pour que le maître
du ciel revienne dans son palais. furieux, le dragon Mua fit venir le coq céleste. Il
lui ordonna de becqueter la grenouille effrontée jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Aussitôt, le renard accourut de derrière le pilier et arracha la queue du coq.

Le dragon, furieux, envoya le chien céleste mordre la grenouille, mais au signal
de celle-ci, l'ours sortit de sa cachette pour griffer et assommer le chien. La
grenouille profita de ce répit pour enfler et tambouriner, encore et encore.

- Garde, va lui régler son compte ! hurla
   le dragon, déchaîné.

Le garde obéit sur-le-champ : il se transforma
en serpent. Or, tandis qu'il rampait vers la
grenouille, l'abeille surgit du tapis et le piqua
à l'oeil. Le serpent siffla si fort de douleur que
les piliers célestes tremblèrent. Il rampa jusqu'à la mare, où le crabe le pinça de toutes parts.

Enfin le serpent ondula péniblement jusqu'au palais où l'ours et le tigre se jetèrent
sur lui pour le déchiqueter. La grenouille continuait à enfler et frappait le tambour
si fort que l'Empereur du ciel l'entendit à l'autre bout du monde. Il rentra dare-dare
au palais avec toute son escorte.

- Que se passe-t-il donc ici ? Qui endure une injustice à ce point insupportable ?
- Pardonne-moi, maître du ciel, pour tout ce vacarme, dit le grenouille. C'est moi
   qui ai tambouriné pour t'avertir.

Et n'écoutant que son courage, elle exposa la situation. Le dragon Mua fut
convoqué par l'Empereur du ciel :

- Redescends immédiatement sur la terre et veille à bien l'arroser, sinon ...

Le génie de la pluie s'en fut, tout penaud, et se remit à la tâche. Se tournant vers la
grenouille, le maître du ciel lui dit :

- Si Mua commet d'autres négligences, plutôt
   que de venir semer la panique dans mon
   palais, contente-toi de coasser le plus fort
   possible, il comprendra...

La grenouille promit et s'en retourna chez elle
avec ses amis. Encore aujourd'hui, quand il fait trop sec sur la terre, toutes les grenouilles coassent pour que Mua, le génie de la pluie, ami de la paresse, n'oublie pas sa promesse... Voilà pourquoi ces vaillantes demoiselles restent très vénérées au Vietnam.

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