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dimanche 29 janvier 2012

Madame Côte et son chien Finaud

Finaud était un chien raffiné et courtois qui
aimait remplir sa pipe de bon tabac.
Poliment il demandait :

- Ma très chère, je meurs de soif, pourrais-je
   avoir une bière ?

Le médecin lui ayant recommandé le grand
air, il se promenait sur sa monture altière.
Lorsque madame Côte sortait parfois, avec
dévouement, il s'occupait de son chat. Lorsqu'il avait besoin d'une nouvelle chemise, il filait, puis cousait de manière exquise. Puis il mettait sur sa tête un chapeau à plumes et posait comme un gentilhomme qui s'assume !

Lorsqu'un jour elle lui apporta du vin, il fit
même des galipettes sur ses mains. Pour
son anniversaire, elle lui offrit des fruits,
et s'aperçut qu'il jouait de la flûte aussi !
En résumé, Finaud était un chien très
intelligent, et elle le traitait conformément
à son rang. Le voici, avec pipe, lunettes
et tresse, qui lui fait, en anglais, une revue
de presse ! Un jour, il s'approcha d'elle, très
galant, pour lui demander sa main, tout en soupirant. Mais peu avant le mariage, quel malheur ! Le pauvre mourut d'un arrêt du coeur...

Le bain

Comme c'est agréable et sain ! de prendre
régulièrement un bain dans un fleuve ou un
étang, pour nettoyer le corps en le
délassant. C'est ce que pensa le paysan
qui aussitôt se mit en chemin. En homme
avisé et prudent, il emporta un drap de
bain. Il entre alors dans la maison, mais,
voilà qui est étrange, discrets, l'observe
deux garçons, qui ne sont assurément pas
des anges. Il va ensuite se changer, pour revêtir la tenue appropriée. Puis il revient en maillot de bain et tout content, entre dans le bassin. L'eau est tiède et agréable ! Heureux, il se met à pédaler, se tourne sur le dos, pour changer. Son contentement est ineffable. Mais les deux garnements se hissent par-dessus la palissade en bois lisse. Le paysan les croit aussitôt repartis, mais les voilà qui se moquent de lui !

Ils le traitent de la pire manière, se mettent à
lui lancer des pierres. Le paysan aussitôt
s'élance, vite ! Il n'y a pas d'autre solution
que la fuite. Il nage ainsi à toute allure pour
se cacher derrière un mur. Les deux
chenapans sont ravis et crient victoire sur
l'ennemi. Le paysan est si contrarié, qu'il
élabore un plan, et le corps tout mouillé,
s'approche des garnements. Les deux fripouilles continuent :

- Où est passé le gros ? Le dauphin de ces eaux ?

Mais l'homme n'est pas en vue. Entre-temps,
il s'est glissé, doucement et sans bruit
derrière les petits roquets : la vengeance est
à lui ! Hop ! Il saute sur le plongeoir en
s'écriant ravi :

 - Pauvres imbéciles, au revoir ! Qui croyait
   prendre, voilà pris !

samedi 28 janvier 2012

Le bouffon du sultan

Il y a de cela bien longtemps, le bouffon du
sultan alla un soir voir un tailleur pour lui
commander un nouveau pourpoint
multicolore. Il plaisanta au sujet de celui
qu'il portait ce soir-là et se mit à rire en se
trémoussant. Le tailleur trouva l'humour du
petit homme très amusant. Et comme sa
femme venait de préparer un bon poisson
pour le dîner, il l'invita à partager leur repas.
Mais le bouffon ri tellement qu'une arête se coinça dans sa gorge. Il mourut étouffé...

Le tailleur se mit à gémir :

- Si le sultan apprend cela, il pensera que j'ai voulu assassiner son bouffon.

Sa femme lui proposa de porter le bouffon chez le médecin puis de déguerpir.
La bonne du médecin vint leur ouvrir, et ils lui demandèrent d'aller réveiller
son maître, car un malade réclamait ses soins. Lorsqu'elle rentra dans la
maison, ils assirent le petit homme sur les marches et s'enfuirent.

Le médecin accourut précipitamment, mais dans l'obscurité, il trébucha sur le petit
homme et tomba sur lui. Il reconnut le bouffon du sultan et crut qu'il lui avait brisé
la nuque. Cela me coûtera la vie, songea le médecin. Il le porta alors sur le toit de
la maison voisine et à l'aide d'une corde, le fit glisser lentement à l'intérieur de la
cheminée. Le boulanger de la cour vit quelque chose bouger dans sa cheminée et
pensa qu'il s'agissait d'un voleur. Il se précipita sur lui et lui asséna un terrible coup
de bâton, de sorte que le corps du bouffon s'étala sur le sol.

Afin de ne pas être soupçonné, il transporta le corps dans la rue. Mais au même
instant, un marchand ivre qui passait par là trébucha sur le corps et ils tombèrent
tous deux par terre. Le marchand se mit à hurler :

- Au secours !

Le garde arriva aussitôt et emmena les deux
hommes devant le juge. Ce dernier déclara
le marchand coupable du meurtre et ordonna
qu'il soit pendu le lendemain matin. Le
marchand était déjà sur l'échafaud, la corde
au cou, lorsque le boulanger de la cour s'écria :

- C'est moi, l'assassin ! C'est la voix de ma
   conscience qui me pousse à l'aveu !

Et il raconta ce qui s'était passé. On libéra le marchand et on mit la corde au cou du
boulanger. A cet instant surgit le médecin qui avoua publiquement être l'assassin. On le plaça aussitôt sous la potence à la place du boulanger.

- Arrêtez ! cria le tailleur. Je ne suis pas un assassin, mais le bouffon est mort chez
   moi, étouffé par une arête de poisson. De peur, j'ai posé son corps devant la
   maison du médecin !

Le peuple réclama alors que le sultan en personne rende la justice, et amena les
quatre hommes ainsi que la dépouille du bouffon devant son trône. Le sultan
déclara :

- Voyons si mon bouffon a bien une arête dans la gorge. Car si c'est le cas, le tailleur
   est innocent.

Un barbier attrapa une pince, la rentra dans la gorge du bouffon et en retira l'arête.

- Je crois qu'il est encore vivant, dit-il.

Il lui pulvérisa alors une poudre dans le nez, le bouffon éternua et se retrouva vivant !
Il sultan en fut très heureux, car il avait une affection toute particulière pour le bouffon
qui était de surcroît l'homme le plus intelligent du royaume. Il offrit mille pièces d'or au
barbier et le nomma archipremier médecin du sultan. Il pardonna avec mansuédtude
aux quatre hommes et leur offrit à chacun cent pièces d'or en compensation de la peur qu'ils avaient eue. Mais il demanda qu'on relate cette aventure dans les livres d'histoire.

Un drôle de crime

Il fait nuit noire, une tempête s'est
levée. Il sonne deux heures à
l'horloge du clocher. Le veilleur
de nuit fait sa ronde habituelle, et
sonne le cor dans les ruelles.
Soudain, il entend des
gémissements et des cris, des
plaintes étouffées qui résonnent
dans la nuit. Le veilleur de nuit
s'arrête - effrayé. Doit-il s'enfuir,
ou plutôt rester ? Mais il s'arme de courage et de volonté, et pour plus de sécurité dégaine son épée. Il avance à pas de loup et prudemment vers le lieu d'où proviennent les gémissements.

Soudain, il aperçoit assis sur un banc un homme d'un certain âge plutôt corpulent.
L'homme le regarde d'un air désespéré. Que peut-il bien avoir à se reprocher ? Le
veilleur de nuit se calme, se radoucit, et lui demande pourquoi tous ces cris,
pourquoi tant de plaintes et de gémissements. A cette heure tardive que fait-il sur
ce banc ? L'étranger est blême, prêt à s'évanouir, se détresse est si grande qu'il va
défaillir. Finalement, il parvient à bégayer :

- Mon - Dieu - si - vous - sa - viez !

Pas un mot de plus, l'homme est à nouveau prostré.

- Allez ! dit le veilleur de nuit, allez ! Racontez-moi
   tout, c'est ma doléance car il commence à
   perdre patience.

Le vieil homme gémit, et à grand peine poursuit :

- Mon Dieu, si vous saviez, j'ai liquidé ...

Le veilleur de nuit est terrifié et décide de réagir sans
plus tarder. Il s'en retourne vers le village pour
appeler du renfort, c'est plus sage. Il souffle dans son cor à s'en époumoner pour donner alerte dans toute la cité.

- Il y a un assassin, là-bas, sur le banc ! Venez me prêter main-forte, maintenant !
   Un tel meurtre doit vite être jugé, il faut que cet individu soit arrêté !

Six poignes de fer le saisissent fermement et l'emmènent sans aucun ménagement
au poste, car il doit comparaître, c'est certain, devant la justice dès le petit matin.
Il entre dans le tribunal d'un pas hésitant. Le veilleur de nuit le suit prudemment.
A la table sont assis le juge, le greffier, et à leurs côtés quelques jurés. On fait
asseoir l'inculpé sur un banc. Le veilleur de nuit raconte pendant ce temps tout ce
qu'il sait des événements. L'homme se met à pleurer lamentablement.

Le juge ordonne que le tribunal pénal examine aussitôt cette affaire peu banale.

- Amenez-moi cet homme ! ordonne-t-il.

Ce dernier s'avance, docile. Le
juge se lève et s'adresse à l'inculpé :

- Vous avez entendu ce qu'on
   vient de me raconter. Est-ce
   que vous reconnaissez les
   faits ?

L'homme, en larmes,
recommence à bégayer. Le juge maintenant admoneste le
coquin :

- Allez-vous avouer votre forfait à la fin ?
- Oui... Répond l'homme qui s'est enfin rassaisi. J'ai liquidé huit bouteilles en une 
   seule nuit !

mercredi 25 janvier 2012

Le chameau et son maître

Une nuit, un chameau passa sa tête dans la
tente où son maître se repose et dit :

- Mon bon maître, m'autoriserais-tu à me
   réchauffer la tête à l'intèrieur de ta tente ?
   Un vent froid souffle cette nuit sur le
   désert...
- Pas de problème, répond le maître. Il y a
   assez de place pour ta tête.

Le chameau tout content, se réjouit :

- Comme c'est bien. Voilà ce que j'appelle être à l'aise.

Au bout d'un court moment, le chameau interpelle à nouveau son maître :

- Mon bon maître, m'autoriserais-tu à me réchauffer le cou à l'intèrieur de
   ta tente ? Un vent froid souffle cette nuit sur le désert...
- Réchauffe donc ton cou. Dès lors que tu n'es pas dans mes jambes...
   répond le maître.

Le chameau tout content ajoute :

- Mon bon maître, m'autoriserais-tu à me réchauffer aussi les pattes avant à
   l'intèreur de ta tente ? Un vent froid souffle cette nuit sur le désert...
- Je le sais qu'un vent froid souffle cette nuit sur le désert, tu me l'as déjà
   dit, répond le maître. Réchauffe-toi les pattes avant à l'intèrieur de ma
   tente.

Le chameau ajoute encore :

- Mon bon maître, m'autoriserais-tu à me
   réchauffer le corps entier à l'intèrieur
   de ta tente ? Ainsi, on pourrait fermer
   hermétiquement la tente au lieu d'en
   laisser le battant ouvert, ce qui permet
   au vent de s'y engouffrer.
- Allez, entre ! soupire le maître. La tente est petite mais on va se serrer un peu...

Le chameau entre dans la tente et fait la moue :

- Mon bon maître, tu as raison, la tente est petite. Je n'ai pas assez de place pour
   me coucher. Tu vas dormir dehors...

Sur ces mots, le chameau pousse son maître hors de la tente, en rabat le battant
hermétiquement, se couche et s'endort.

mardi 24 janvier 2012

Le lion en cage

Il y a longtemps, dans le sud tunisien, vivaient des lions à la lisière du desert.
Le voyageur, au detour d'une dune ou d'une piste caillouteuse, les croisait parfois.
Le malheureux était pris d'une immense frayeur; il arrivait même que la rencontre
tournât mal et que plus jamais personne n'entendit parler du voyageur. De ce
temps, nous est parvenue l'histoire que voici.

Des villageois ont capturé un lion. L'énorme bête
gronde de colère à l'intérieur d'une solide cage
de bois. Tout le Douar défile devant la geôle
pour contempler le roi du désert déchu, hommes,
femmes, enfants, chacun l'observe avec un
mélange de curiosité et d'effroi. L'animal va et
vient. Tantôt se couche, l'air abattu. Tantôt il se
lève d'un bond en rugissant superbement, et tout
le monde s'écarte d'un bond également, en hurlant.

Ce que les spectateurs n'ont pas remarqué, c'est
qu'un petit rat du désert qui s'est mis en tête de le
réconforter tient compagnie au lion. Hélas, le
monarque n'est pas d'humeur à discuter, au
contraire la présence du rat ne fait qu'augmenter son irritation : le fauve, en rage, se met à se jeter de tout son poids contre les barreaux de bois de sa prison en grognant :

- Je sortirai d'ici ! Nul ne me gardera prisonnier, je serai bientôt de nouveau le roi !
- Il faut toujours dire : "avec l'aide de Dieu", lui murmure gentiment le rat.
- Quoi ? Tu oses t'adresser à moi, détritus du désert ? s'époumone le lion. Avec
   ou sans ton aide, je serai libre dans l'heure...

Un craquement retentit : la formidable bête vient d'arracher de ses crocs puissants
un premier barreau. Puis il s'attaque à un deuxième, le barreau rompt, il l'arrache.
Une brèche s'ouvre mais, pour s'extirper de la cage, le lion doit en arracher un
autre. Il entreprend de mordre à belles dents le dernier barreau. Soudain, une
terrible plainte rauque déchire l'air : un gros éclat de bois vient de s'enfoncer dans
la gencive du lion au moment où cède le troisième barreau, lui permettant de
s'extirper de sa cage. Fou de douleur, la bête s'enfuit en direction du désert. C'est
au coeur de son royaume de sable qu'il s'en va mourir. De mort lente. Le rat resta
dans la cage, se disant à lui-même :

- Il faut toujours dire : "avec l'aide de Dieu"

dimanche 22 janvier 2012

Le taureau et le médecin

Lorsque tu te
promènes
dans les prés,
il peut
facilement
arriver qu'un
taureau ou un
bovin croisent
par hasard ton chemin. Lorsque c'est le cas du médecin, il tente gentiment - c'est malin ! d'amadouer le taureau en lui parlant. L'animal le toise alors d'un air menaçant.

La stratégie n'ayant pas fonctionné le médecin décide alors de ruser. Il se cache vite derrière le tronc, mais le taureau le suit, furibond. Le médecin se dit en son for intèrieur : Imbécile, tu verras qui sera le vainqueur ! Il le nargue et grimace tour à tour. Mais le taureau ne connaît pas l'humour.

Par le tronc, il est bien protégé, lorsque l'animal vient s'y planter. Puis il grimpe, de plus en plus haut, mais ce faisant, perd son chapeau.








Le taureau, dans sa fureur, le taille en pièce avec ardeur. Le médecin, très offensé, descend de l'arbre, l'air décidé. Armé de son parapluie, il fonce droit sur l'ennemi. Mais le taureau est fou de rage, et après le chapeau, c'est l'homme qu'il charge. D'un coup de cornes bien asséné, il envoie le médecin s'envoler.


L'homme garde son sang-froid, et
ne réfléchit pas deux fois. Il tient bien haut son parapluie pour voler doucement
ainsi. Grâce à cela, il échappa au taureau, qui capitula !







 
Saisissant sa seringue, il
tomba en arrière dans
une flaque ! patatras !
Mais l'eau est son
élément préféré, car il
en connaît tous les effets.
Il remplit aussitôt son
instrument et le dirigea
adroitement


vers l'oreille du taureau, qui reçut un violent jet d'eau. Fou de rage, l'animal s'enfuit... Le médecin était sauvé - son chapeau aussi !




Etre compétent dans sa profession est utile en toute occasion.

Till l'espiègle

De tout temps, il y eut de drôles de zigotos,
qui s'amusaient à jouer des tours, mais
aucun d'eux ne fut comparable à Till
l'espiègle, ni loin ni même dans les alentours,
car déjà le jour de sa naissance, tout
commença étrangement.

Alors que son père et son parrain rentraient
du baptême et discutaient, la nourrice laissa
tomber le bébé dans une flaque sur le sentier.
L'enfant fut ainsi baptisé une seconde fois, de manière accidentelle, et ainsi, face à une mort précoce et mouillée, l'échappa belle.

Till devint un petit garçon comme on n'en
avait jamais vu dans son pays. D'ailleurs
on n'en a jamais revu de semblable depuis.
Sa petite tête était pleine de fantaisie et de
choses extraordinaires, a tel point que
souvent, au moment de le punir, sa mère
en riait et sa colère tombait. Lorsque son
père allait au marché, petit Till était assis
avec lui sur le cheval, mais pas devant,
toujours derrière, où il faisait des grimaces dignes du carnaval. Il se moquait, sans que son père ne s'en aperçoive, des passants. Qu'ils fussent pauvres, dignitaires ou marchands.

Devenu plus grand, il s'ennuyait tellement qu'il joua, devant un public incrédule,
sur une corde où il faisait le funanbule.

- Les jeunes ! cria-t-il à la foule qui l'entourait, curieuse et en émoi, les jeunes,
   enlevez vos chaussures et vos bottes, et passez-les moi ! Je vais vous
   apprendre un tour, fort amusant et pourtant très facile.

Il attrapa les chaussures et les bottes, et les
attache sur un fil.

- Maintenant attention !

Il détacha le noeud; chaussures et bottes
tombèrent sur le sol. Tous cherchaient et se
chamaillaient, ce qui déclencha bagarre et
panique folles. Par une nuit silencieuse,
alors qu'il dormait dans une ruche vide,
arrivèrent deux voleurs qui rêvaient de miel
- des hommes cupides -. Parmi les ruches, ils choisirent rapidement la plus lourde,
après l'avoir soupesée, et l'emportèrent. Till fut tiré de ses rêves, le balancement
l'ayant réveillé. Il tendit le bras et saisit par les oreilles et par le nez les deux
hommes en même temps. Les voilà qui s'arrêtèrent de marcher. Le premier
regarda le second avec méfiance, le second toisa le premier. Till sauta du panier
et fila, laissant les coquins s'injurier et se quereller.

Till alla travailler comme apprenti chez un fourreur, le maître cherchant justement
un jeune garçon travailleur.

- Sais-tu faire de véritable loups ? demanda le
   maître, dis-moi !

Aussitôt dit, aussitôt fait. Till remplit les
fourrures de paille, raidit les pattes,
écarta les mâchoires, et son rire
résonna, canaille. Lorsque les dix loups
furent prêt - un spectacle vraiment
affreux ! - le maître fut pris d'une rage
folle et hurla à qui mieux mieux.

- Que dois-je faire cuire ? demanda Till, qui était apprenti pâtissier.
- Des hiboux et des macaques, répondit le maître en riant, ce sera parfait !
- Bien, répondit Till en songeant : je vais exécuter très exactement ce que le maître
   m'a demandé de faire, alors qu'il ne parlait pas sérieusement.

Il pétrit vite une bonne pâte avec 6 mesures
de farine bien fine, le coquin, et en fit des
hiboux et des macaques au lieu de bretzels
et de petits pains. Puis il aligna devant le
four, en une rangée, cette bien étrange
fournée. Le maître arriva et n'en crut pas
ses yeux. Il resta sans voix, tant sa colère
était déchainée.

- Monseigneur, profitez donc de votre argent
   dit Till, achetez mon cheval. 100 florins, oui 100 florins seulement,
   sa queue à elle seule en vaut déjà 20. Voyez comme il est beau,
   et puis admirez sa prestance, aucun animal sur terre ne porte parure d'une telle
   élégance !

L'étranger attrapa le cheval par la queue, comme le font tous les connaisseurs.
Mais la queue dans les mains, il tomba par terre, quel malheur ! Il dut payer 20
florins pour rembourser la queue arrachée que Till, le farceur, sur l'animal avait
auparavant attachée.

Till avait été engagé comme guetteur par un chevalier, qui vint lui dire :

- Si un ennemi approche du château, tu sonneras le cor pour me prévenir !

A peine le chevalier et ses hommes s'étaient-ils installés à table pour déjeuner, qu'ils
entendirent depuis la tour le cor de Till fortement résonner. Ils se précipitèrent
tous dehors pour scruter, mais ne découvrirent aucun ennemi à l'horizon.
Pendant ce temps, Till s'était assis à table et dégustait ce festin en fier larron. Le
chevalier gronda :

- Où est donc l'ennemi que tu as débusqué, pauvre petit gueux ?
- C'est la fin qui m'a débusqué, expliqua Till, et de tous les ennemis, c'est le plus
   dangeureux !

- Un âne qui sache lire, nul n'a jamais rien vu
   de tel ! Entrez donc, messieurs, les savants,
   et découvrez cette merveille !

Ainsi parlait Till, et les savants entrèrent dans
l'étable. En effet, il y avait là un vieil âne,
debout devant une table. Sur la table était
posé un livre ouvert, déjà prêt. Till y avait
mis de l'avoine entre toutes les pages, en
secret. L'âne se mit à feuilleter le livre et lorsqu'il aperçut l'avoine, d'émoi, il se mit à braire : Hi ! Han ! Hi ! Han ! Les savants étonnées en restèrent pantois.

- Il me faut 20 mesures de lait, et que
   personne ne me contrarie ! Chaque
   laitière ici présente versera 3
   mesures dans le tonneau, ici !

Ainsi parlait Till, et bientôt le tonneau fut
rempli à ras bord.

- Oh non ! Oh non ! S'exclama-t-il alors.
   Votre lait est inutilisable, votre lait est
   bien trop mouillé ! Que chacune
   reprenne sa part, dit Till, qui s'en allait.


- Monseigneur ! dit Till un jour, s'adressant à un prélat, puis je me permettre de
   vous inviter à un spectacle qui vous étonnera ? Lorsque je dirais abracadi !
   abracada ! vous n'en reviendrez pas - sûr que non ! - de voir ce que fera
   cette marchande de vaisselle sans la moindre hésitation.

Le coquin s'écria : abracadi ! abracada ! et la
marchande, sans nullement hésiter, se mit à
taper, comme folle de rage, sur les pots et les
bols pour les casser. Le prélat rit aux éclats,
mais ne sut comment prendre cela. Il ignorait
en effet que Till était de mèche avec la
marchande - quelle blague, ma foi !.




Un jour, Till vendit à un métayer un jeune lapin bien apprivoisé. Le métayer voulut
laisser l'animal manger l'herbe dans son jardinnet. Qu'il se gave durant quelques
semaines de chou rouge et de chou blanc,
meilleur en sera le rôti à la prochaine fête
de l'église, assurément. Et le lapin se sentit
très vite à l'aise et heureux dans le jardinet.
Cependant, il y a une chose qu'il ne put
endurer : l'aboiement des chiens du
métayer. Il se réfugia sur le pommier tout
en miaulant, le coquin ! Car le lapin n'était
en réalité qu'un chat, vêtu d'une peau de lapin.

samedi 21 janvier 2012

Sous l'eau, sur l'eau


Dame Araignée avait mitonné un succulent repas. L'eau lui venait à la bouche à l'idée qu'elle serait la seule à savourer tous ces petits plats. A l'instant même où Dame Araignée s'apprêtait à avaler la première bouchée, on frappa à la porte.

C'était Dame Tortue. Couverte de poussière, épuisée d'avoir fait tant de kilomètres à pied, elle demanda :

- Puis-je me reposer un instant chez vous, Dame Araignée ? Et boire un verre
   d'eau ?

A vrai dire, Dame Araignée avait bien envie de dire non, mais cela n'aurait pas été
très courtois. Alors elle invita Dame tortue à partager son repas. Dame Tortue
voulut s'installer sur-le-champ, mais Dame Araignée l'arrêta en disant :

- Oh ! Mais vous êtes pleine de poussière ! Allez donc prendre un bain dans la
   crique avant de vous mettre à table.

Quand Dame Tortue revint, Dame Araignée, qui avait commencé à manger, dit
d'un air agacé :

- Dame Tortue, voyez tout ce sable sur vos pattes. Nous autres araignées, lavons
   toujours nos mains avant de nous mettre à table. Retournez laver les vôtres et,
   en revenant, prenez bien soin de marcher dans l'herbe sur la pointe des pattes.

Pauvre Dame Tortue ! Marcher avec précaution sur la pointe des pattes lui prit
beaucoup de temps... Et lorsqu'enfin elle arriva chez Dame Araignée, elle avait
les pattes propres mais il ne restait plus rien sur la table. Du repas, Dame
Araignée n'avait laissé que des miettes !

Le lendemain, Dame Araignée alla faire ses courses au marché. Soudain, elle
s'aperçut qu'elle avait oublié pièces et billets. Impossible d'acheter quoi que ce
soit à manger ! Que faire ? Et si Dame Tortue avait la bonté de lui prêter quelque
argent ? Mais Dame Tortue eut une meilleure idée.

- Je viens de préparer un succulent repas, dit-elle, et c'est avec plaisir que je vous 
   invite à le partager avec moi. J'habite ici, dit Dame Tortue. Voyez, le couvert 
   est déjà mis.

Elle sauta dans l'eau, et Dame Araignée plongea à son tour. Cependant,
malgré tous ses efforts, Dame Araignée n'arrivait pas à toucher le fond. Elle n'était pas assez lourde, elle flottait. Son estomac, lui, gargouillait. Alors, pour pouvoir atteindre cette si belle table, Dame Araignée décida de se laisser couler. Elle sortit de la mer en marchant sur l'eau, revint vêtue d'un manteau, en remplit les poches de cailloux, aspira profondément et plongea...

- Mais voyons, Dame Araignée, dit Dame Tortue. Quelle drôle d'idée vous
   avez de gardez votre manteau à table ! Chez nous, les tortues, cela ne se fait
   pas !

- Oh ! Je vous prie de m'excuser, dit Dame Araignée, et sans réfléchir, elle se
   déshabilla.

Pauvre araignée... Elle remonta d'un seul coup à la surface et les vagues l'entraînèrent très loin des mets espérés. Dame Tortue rit de bon coeur et cria à Dame Araignée :

- Si vous voulez, gourmande, manger dans mes assiettes, laissez donc à vos hôtes 
   un peu plus que des miettes.

La méthode du serpent

Un hiver, voici qu'un pauvre berger conduit son
troupeau de moutons vers le sud, à la lisière du
Sahara. Arrivé à destination, le berger fait paître
le troupeau pendant que sa femme dresse la
tente et vaque à ses occupations.

Un matin, près de l'Oued le plus proche, le berger
aperçoit une grenouille qui bondit sur la tête d'une
brebis. La brebis, tout en paissant, s'approche
d'un palmier. Là, est lové un serpent, il redresse la
tête et écarte les mâchoires. Soudain, la grenouille
saute de la brebis droit dans la gueule du reptile,
qui la gobe. Le berger songe "la nourriture vient toute seule dans la bouche du serpent qui dort et attend. Je m'en vais mettre en pratique sa méthode". De retour à la tente, il prévient sa femme :

- Je me couche et ne me lèverai plus. La fortune doit venir à moi. Tant pis
   si je meurs.

La femme a beau pleurer, le mari ne se lève pas. Quelque temps après,
deux hommes guidant un âne chargé d'un sac se présentent à l'entrée de la
tente. L'un demande de l'eau, l'autre du pain, puis ils s'assoient à l'ombre
d'un arbre pour prendre leur repas. Mais l'un a empoisonné l'eau, l'autre a
empoisonné le pain.

- Tiens, bois, propose celui qui a empoisonné
   l'eau.
- Tiens, mange, fait celui qui a empoisonné le
   pain.

L'un mange et l'autre boit. Tous les deux
meurent sur-le-champ. Le lendemain, la
femme aperçoit l'âne, chargé de son sac.
Inquiète, elle secoue son mari, allongé :

- Va voir, c'est bizarre, l'âne est toujours là mais ses maîtres ont disparu.
- Je n'irai pas, répond le mari. J'ai juré de ne pas bouger avant que la fortune
   ne vienne à moi.

La femme s'avance vers l'âne, et elle tombe
sur les deux cadavres. Elle fouille le sac :
il contient des pièces d'or en quantité. Elle
en puise une pleine poignée, court à la tente
et verse le butin sur son mari. Ce dernier
s'étire, se lève et déclare, satisfait :

- Ainsi, j'ai eu raison de mettre en pratique
   la méthode du serpent.

VIOLETTE

Je m'appelle Violette. Parfois, quand je suis un
peu fâchée, je viens ici pour rêver à comment
c'est ailleurs. Je crois toujours qu'ailleurs, c'est
mieux. Ensuite, je remonte et je me mets à la
fenêtre pour regarder les chiens passer. Si j'en
vois un gentil, je partirai avec lui, peut-être.
Tiens, en voilà un avec deux taches. Les taches,
c'est bon signe ! Tous les héros ont des taches.

Hé, Duchien ! Attends-moi ! Et maintenant qu'est-ce qu'on fait ? Viens, on part tous les deux ! On dirait qu'on serait perdus dans le blizzard ! Bizarre, ce blizzard, bizarre, bizarre ! On dirait que le bizarre blizzard soufflerait très fort, mais alors très très fort, d'accord ? Si fort qu'on aurait décollé, toi et moi, hein Duchien ? Si fort que toutes les choses et les maisons et les cochons auraient décollé. Et même les arbres.

On tournerait tout autour de la terre,
Duchien, si fort, si vite que c'est la
terre qui aurait l'air de perdre la
boule. Hé Duchien ! Qu'est-ce qui
m'arrive ? Où es-tu ? On dirait que
le bizarre blizzard est tombé. Mais
toi, ne me laisse pas tomber, Duchien !
Bête de branche cassée qui m'a
laissée sur le carreau avec un drôle
d'oiseau !

Duchien, je me sens seule, très seule. Oh, où
es-tu ? Que fais-tu ? Prenons l'air de rien
pour ne pas nous faire remarquer. Au fait, ça
a l'air de quoi, l'air de rien ? Raté. Ils m'ont
vue ! Maman le dit bien, que je me fais
toujours remarquer... Hé là, Durouge ! Tu me
fais mal ! Au secours ! Ouf ! il est parti ! 
N'empêche, j'aimerais bien voir Duchien.
Duchien ! Du-chien !

Te voilà ! Enfin ! Comme tu es beau, mon Duchien. Je voudrais rester avec toi toute la vie. Au fait, Duchien, tu sais que c'est bon de rentrer à la maison ?