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dimanche 24 juillet 2011

La cigogne

Dans un petit village de Norvège, on voit
l'image d'une cigogne sculptée au-dessus
de la porte de l'église et de plusieurs maisons.
Et voici l'histoire que les gens racontent.

Il y a longtemps vivait dans ce village un petit
garçon appelé Conrad. Sa mère était veuve,
et n'avait que lui comme enfant. Chaque été,
une cigogne venait bâtir son nid sur le toit de
leur maison. Le petit Conrad et sa mère étaient
très bons pour la cigogne. Ils lui donnaient à
manger et la caressaient, de sorte qu'elle devint tout à fait familière et venait manger dans leur main.

Lorsque  Conrad fut grand, il alla en mer, comme beaucoup d'autres garçons
de son pays. Mais à cette époque, il y avait encore des pirates et il arriva
qu'ils prirent le vaisseau norvégien et vendirent l'équipage aux turcs.

Les mois passèrent. Conrad avait des chaînes aux pieds, et travaillait sous le
grand soleil d'Afrique, et sa mère l'attendait toujours. A la fin, elle perdit espoir
et prit le deuil; mais, pour l'amour de son fils, elle continuait à s'intéresser à
la cigogne, qui revenait fidèlement à son nid chaque été.

Un jour que le pauvre Conrad travaillait péniblement dans les champs, une cigogne,
qui planait dans l'air depuis un moment, se mit à voler autour de lui en poussant de
petits cris de plaisir. Soudainement, Conrad songea à
sa chaumière de Norvège et, il se mit à siffler comme
il en avait l'habitude autrefois pour appeler la cigogne.

Aussitôt, celle-ci se posa près de lui en allongeant
son long bec. Conrad aurait presque pleuré de joie
en reconnaissant sa vieille amie. Chaque jour, il
cachait une portion de son maigre repas pour le
partager avec elle et, quand le moment fut venu
pour les cigognes de repartir vers le nord, le pauvre
garçon pensa qu'il pourrait peut-être faire savoir où il était.

Il trouva moyen d'écrire quelques lignes sur un morceau de papier, disant le
nom de l'endroit où il travaillait, et celui de son maître, puis il l'attacha fortement
autour de la patte de l'oiseau.

En Norvège, le printemps revint, et la cigogne avec lui. La veuve regardait l'oiseau
avec tendresse en pensant à son fils, et elle l'appela pour lui donner à manger. Et
comme la cigogne s'approchait, la pauvre mère remarqua le chiffon de papier
attaché autour de sa patte. Elle reconnut l'écriture de Conrad, et courut chez le
ministre de la paroisse.

Avec bien de la peine, il finit par lire ce qui
était écrit sur le papier et appela ses
paroissiens, pour leur en faire part. Le
dimanche suivant, les gens apportèrent tout
l'argent qu'ils avaient pu recueillir, en disant
qu'il fallait racheter le fils de la veuve.
Le pasteur prit l'argent, et partit pour aller
raconter au roi ce qu'il en était, et le prier
d'envoyer un vaisseau chercher Conrad et ses compagnons.

Dans ce temps-là, il fallait beaucoup de temps pour se rendre en Afrique et
obtenir la libération des esclaves des Maures. Cependant, avant que la cigogne
fût repartie pour Alger, Conrad était dans les bras de sa mère.

Les trois filles

Il était une fois une brave femme qui travaillait dur le
jour et peinait tard la nuit pour nourrir et vêtir ses
trois petites filles. Les trois petites filles grandirent et
devinrent trois jeunes filles vives comme des
hirondelles et belles comme le jour.

L'une après l'autre, elles se marièrent et partirent
chacune avec leur mari. Les années passèrent. Et
la brave femme, qui était devenue très vieille, tomba
gravement malade. Elle voulut revoir ses enfants et
envoya à leur recherche le petit écureuil roux.

- Dis-leur, petit écureuil gentil, dis-leur qu'elles viennent vite !

Le petit écureuil courut, courut et arriva chez l'aînée des filles. Elle était
en train de récurer des bassines.

- Oh ! soupira-t-elle, en écoutant les mauvaises nouvelles, oh ! j'irais
   bien tout de suite, mais il me faut avant tout récurer ces deux bassines...

- Ah ! vraiment, tu dois AVANT TOUT récurer ces deux bassines ?
   répondit l'écureuil en colère. Eh bien, ma belle, tu ne t'en sépareras
   plus jamais...

Et les deux bassines, quittant soudain la table, sautèrent, l'une sur le dos,
l'autre sur le ventre de la jeune femme, l'enfermant comme une coquille.
La mauvaise fille tomba par terre et sortit de la maison à quatre pattes,
transformée en une grosse tortue.

Le petit écureuil roux courut, courut encore
et arriva chez la cadette des filles. Elle était
en train de tisser de la toile.

- Oh ! soupira-t-elle en écoutant les mauvaises
   nouvelles, oh ! j'irais bien tout de suite, mais
   il me faut tout tisser ma pièce de toile pour
   la vendre à la foire...

- Ah ! vraiment, tu dois AVANT TOUT tisser
   une pièce de toile pour la vendre à la foire ? répondit l'écureuil en colère. Eh bien, ma belle, tu fileras toute ta vie, tu fileras à jamais...

Et en un instant, la cadette des filles se trouva transformée en une grosse
araignée tissant sa toile. Le petit écureuil courut, courut de nouveau et
arriva chez la troisième fille. Elle était en train de pétrir de la pâte.

Elle  écouta les mauvaises nouvelles, ne répondit rien,
mais, sans même prendre la peine d'essuyer ses mains,
elle partit chez sa mère.

- Tu es une bonne fille, dit l'ecureuil, content.
   Désormais, tu apporteras au monde
   douceur et bonheur. Les hommes te
   soigneront et t'aimeront. Il en sera de
   même pour tes enfants, tes petits-enfants et
   arrière-petits-enfants.

Et il en fut vraiment ainsi. La troisième fille vécut longtemps, aimée et choyée
de tout le monde. Puis, quand vint son heure de mourir, elle se transforma en
une belle abeille dorée. C'est depuis ce temps-là que, durant les longs jours
d'été, la petite abeille dorée ramasse du matin au soir le miel dans les fleurs
et que ses pattes de devant pétrissent continuellement la pâte sucrée. Aussi
pendant l'hiver dort-elle paisiblement dans une ruche tiède, et quand elle se
réveille, elle se nourrit de sucre et de miel.

vendredi 22 juillet 2011

Les deux grenouilles

Il était une fois deux petites grenouilles qui vivaient dans le même étang.
L'une d'elles était courageuse, travailleuse et
gaie, tandis que l'autre était paresseuse et de
caractère maussade. Pourtant elles
s'entendaient très bien, ces deux grenouilles,
et vivaient en bonnes camarades. Un soir,
elles sortirent faire un petit tour. Et tout en
se promenant, elles aperçurent une
maisonnette.

- Allons voir de plus près, proposa la première grenouillette.

Sous la maison il y avait une cave. Et de cette cave venait une odeur délicieuse :
cela sentait le moisi, l'humidité, les champignons; juste une odeur pour plaire
aux grenouilles !

- Hum ! que ça sent bon ! dit le seconde grenouille.

Elles passèrent par le soupirail et se mirent à jouer. Elles sautaient sur les tonneaux,
jouaient à cache-cache parmi les bouteilles et les pots et s'amusaient vraiment
beaucoup, quand tout d'un coup, elles glissèrent et tombèrent toutes les deux dans
une jarre pleine de crème.

Les grenouilles sont bonnes nageuses, comme chacun sait, mais elles avaient beau
agiter leurs pattes, elles ne parvenaient pas à se dégager de la crème ni à grimper 
contre les parois lisses et glissantes de la jarre; elles retombaient continuellement.
La grenouille paresseuse et peureuse se découragea vite.

- A quoi bon lutter ? dit-elle. Je vais me fatiguer
   en vain. Autant en finir tout de suite.

- Mais non ! disait l'autre. Nage, ne perds pas
   courage ! On ne sait jamais, tâchons de
   gagner du temps...

- Non, non, disait la paresseuse. Tant pis,
   j'abandonne... Et puis, cette crème
   est écoeurante...

Et elle se laissa couler et se noya. L'autre grenouille continuait à se débattre de
toutes ses forces. Elle essayait de grimper sur la paroi de la jarre, glissait, puis
recommençait sans se lasser. La courageuse petite bête frappait, frappait la
crème en détendant ses longues cuisses.

- Je ne veux pas me noyer, se répétait-elle, je ne veux pas me noyer... Allons
   encore un peu de courage... 

Mais ses forces diminuaient. La tête commençait à lui tourner.

- Vais-je vraiment me noyer ? se disait-elle. Allons, encore un petit effort...
   Je vais quand même arriver à me sauver... On n'a jamais vu une grenouille
   périr dans un pot de crème !

Et elle agitait, agitait ses pattes, malgré la fatigue qui l'envahissait, l'engourdissait,
l'affaiblissait de plus en plus. La grenouille semblait
perdue. Et quelque chose changea soudain. La
crème n'était plus molle ni liquide, la crème
n'était plus crème, les pattes de la grenouille ne
s'enfonçaient plus, mais pouvaient prendre
appui sur une base solide.

- Ouf ! soupira la grenouille à bout de forces.

Et elle regarda autour d'elle :
ELLE ETAIT ASSISE SUR DU BEURRE !

C'était un loup si bête

Il avait très faim, ce loup. Alors il partit chercher quelque chose à manger.
Chemin faisant, il rencontra une chèvre. Le loup s'arrêta et lui dit :

- Chèvre, chèvre, je vais te manger !

Et la chèvre répondit :

- Mais ne vois-tu donc pas, bon loup, que je
suis maigre comme un clou ! Tu n'y songes pas ! Attends plutôt que je fasse un saut jusqu'à la maison, et je te ramènerai un de mes chevreaux ! cela fera bien mieux ton affaire !

Le loup consentit et la chèvre s'enfuit. Il attendit longtemps, longtemps...
Puis perdant patience, il reprit son chemin. Et voilà qu'il rencontra un mouton.
Le loup en fut tout content, et il lui cria :

- Où cours-tu donc, mouton ? Arrête-toi, je vais te manger !

Et le mouton répondit :

- Ne pourrais-tu choisir quelqu'un d'autre pour ton repas ? Ne sais-tu pas que je
   suis le meilleur danseur du monde ? Il serait vraiment dommage que je périsse...

- Tu sais réellement danser ? s'étonna le loup.

- Comment donc, seigneur le loup ! Je vais te le prouver à l'instant, répondit le
   mouton.

Et il se mit à tournoyer et à décrire des cercles de plus en plus grands, de plus en
plus grands, si bien qu'à la fin il disparut. Le loup fut très fâché de s'être laissé
prendre et continua son chemin. Et voilà qu'il rencontra un cheval. Le loup courut
à lui et lui dit :

- Cheval, je te mange sur-le-champ !

Et le cheval répondit :

- D'accord, d'accord... mais il faut que tu te
   renseignes d'abord pour savoir si tu as
   vraiment le droit de me manger...

- Comment ça ? demanda le loup.

- Sais-tu lire ? demanda le cheval.

- Mais, bien sûr ! dit le loup.

- Alors, dit le cheval, c'est très simple. Passe
   derrière moi et tu verras un écriteau sur lequel il est écrit si tu as le
   droit de me manger ou non...

Le loup passa donc derrière le cheval qui lui décocha un tel coup de pied sur la  
tête qu'il en resta étourdi... pour le restant de sa vie.

jeudi 21 juillet 2011

Mon mini-roi à moi

Le petit prince Jean-benoît ressemblait
beaucoup à son papa, le roi Jean.
Tout le monde était d'accord là-dessus.
Les courtisans disaient :

- C'est tout le portrait de son père !

ou bien :

- Ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau.

ou encore :

- C'est son père en miniature.

La grand-mère du petit prince montrait de vieilles photos. On y voyait le roi
quand il était petit.

- C'est fou comme le prince et le roi se ressemblent au même âge, disait la
   grand-mère.

La mère du petit prince en était tout attendrie. Quelquefois, le soir, elle serrait
tendrement son fils dans ses bras en murmurant :

- Mon mini-roi à moi.

Ceux qui s'occupait du petit prince
Jean-Benoît étaient aussi de cet avis.
Il y avait d'abord son maître de calcul.
La nuit, il l'emmenait tout en haut de la
grande tour du château. Là, il lui
apprenait à compter les étoiles. Le maître
s'extasiait toujours :

- Oh, prince Jean-Benoît, mais vous savez
   compter jusqu'à cent... Je vois que vous
   êtes aussi fort en calcul que le roi votre
père. Plus tard, vous ferez comme lui : vous pourrez compter tous les habitants de votre royaume, qui sont aussi nombreux que les étoiles dans le ciel.

Il y avait aussi son professeur de cheval. Tous les matins, il l'emmenait faire
une promenade dans les bois. Et tous les matins, le professeur était émerveillé :

- Prince Jean-Benoît, vous galopez presque aussi vite que le vent. Vous serez
   un grand cavalier, comme le roi votre père, qui est plus rapide que toutes
   les tempêtes du monde...

Il y avait encore sa gouvernante, une vieille dame qui s'était occupée du roi
quand il était petit. Parfois, le prince Jean-Benoît s'amusait à lui mettre une
araignée sur la tête, un faux sucre dans sa tisane, ou un bonbon au poivre
dans sa bonbonnière. Au lieu de se fâcher, elle souriait avec indulgence :

- Il est farceur... hi ! hi ! hi ! comme le roi son père. N'est-ce pas adorable ?

Un jour, on servit au petit prince un délicieux
gâteau fourré au chocolat et à la crème
chantilly. Le petit prince en reprit trois fois,
car il était très gourmand. Puis il dit :

- Ce gâteau est délicieux. Je voudrais savoir
   qui l'a fait.

- C'est Hanna, la cuisinière.

- Eh bien, j'aimerais qu'elle m'apprenne à faire des gâteaux.

- Mais mon prince, vous n'y pensez pas ! ce n'est pas une occupation
   pour un fils de roi. Jamais votre père, à qui vous ressemblez tant, n'a
   eu envie de faire un gâteau. C'EST IMPOSSIBLE !

Le petit prince Jean-Benoît réfléchit : tout le monde tenait à ce qu'il ressemble
au roi son père. Si bien qu'il n'avait même plus le droit d'agir différemment de lui.
Alors il se fâcha tout rouge et décida :

- Et bien, puisque tout le monde veut que je ressemble à mon papa, je vais lui
   ressembler tout à fait ! On va voir ce qu'on va voir !!!

Le lendemain matin, pendant sa promenade à cheval, il perdit son chapeau dans
les branches d'un arbre et oublia d'aller le rechercher. Son professeur fut surpris.
A midi, il repoussa son assiette d'endives en déclarant qu'il détestait ça, les
endives. Et il ajouta :

- J'exige qu'à l'avenir on ne me serve plus jamais d'endives.

Sa gouvernante en fut choquée. Le soir, dans
la grande tour, il compta les étoiles jusqu'à
102, puis partit sans rien ranger, ni ses livres,
ni ses cahiers, ni ses crayons. Son maître n'en
revenait pas ! Enfin, au moment de lui dire
bonsoir, sa maman, la reine, le trouva en train
de lire des bandes dessinées en cachette dans
son lit. Cela l'étonna beaucoup.

Le lendemain, tous se présentèrent devant le roi : Le professeur de cheval, la gouvernante, le maîte et la reine. Ils dirent :

- Sire, le prince doit être malade. Lui qui d'habitude est si sage, a été hier fort
   désobéissant. Il a : 
   - Oublié d'aller rechercher son chapeau
   - Refusé de manger ses endives
   - Négligé de ranger ses cahiers
   - Lu des B.D. en cachette.

- Oh ! oh ! dit le roi Jean. Tout cela me surprend fort. Prince Jean-Benoît,
   est-ce possible, est-ce vrai, ce qu'on me raconte là ?

- Oui, dit Jean-Benoît. C'es possible et vrai, puisque je suis tout le portrait de mon
   papa. Est-ce qu'on ne dit pas toujours en souriant dans le palais : "que c'est drôle,
   le roi est tête en l'air, il perd toujours sa couronne ! Attention, il ne faut pas servir
   d'endives au roi : il déteste ça. Oh, le roi n'est pas très ordonné, il ne range jamais
   rien. Chut ! il ne faut pas ennuyer le roi. Ce soir, il travaille tard.

Le roi rougit et tira sur sa courte barbe, d'un air perplexe. Finalement, il dit :

- Alors, tu me ressembles tant que ça ? Je ne savais pas que tu avais mes qualités.
   Après tout, tu peux bien avoir aussi mes
   défauts.

- Je veux bien avoir un peu de vos qualités et
   un peu de vos défauts. Mais je ne veux pas
   vous ressembler tout à fait. Il y a quelque
   chose que j'aimerais faire et que vous n'avez
   jamais fait.

- Quoi donc mon fils ?

- Je veux apprendre à faire des gâteaux.

- Apprendre à faire des gâteaux ? Mais, à ton âge, jamais je n'ai fait ça, jamais je...

Brusquement, le roi s'arrêta. Il réfléchit :

- Mon fils a raison. Il n'est obligé de me ressembler complètement.

Alors, il ordonna :

- Appelez Hanna, la cuisinière.

Et il décréta :

- A partir d'aujourd'hui et dorénavant, je décide qu'Hanna, la cuisinière, apprendra
   à mon fils à faire des pâtisseries.

Ainsi fut ordonné et fait. Tous les jours, le roi se régalait des nouveaux et délicieux
gâteaux préparés par le prince Jean-Benoît. Il en était émerveillé :

- Quand même, heureusement qu'il ne me ressemble pas tout à fait, ce petit !
   Autrement, je n'aurais jamais goûté toutes ces merveilles...

mercredi 20 juillet 2011

Le petit sapin

Il était une fois un petit sapin. Seul, dans la
forêt, au milieu des autres arbres qui
avaient des feuilles, il avait des aiguilles, rien
que des aiguilles. Comme il se plaignait !

- Tous mes camarades ont de belles feuilles
   vertes. Moi j'ai des piquants ! je voudrais
   avoir, pour leur faire envie, des feuilles
   tout en or !


Et le lendemain, quand il s'éveilla, il fut ébloui :

- Où sont mes piquants ? je ne les ai plus. Mais les feuilles d'or que je demandais,
   on me les a données. Que je suis content !

Et tous ses voisins qui le regardaient se mirent
à dire :

- Le petit sapin, il est tout en or !

Mais voilà qu'un vilain voleur vint dans la
forêt et les entendit. Il pensa en lui-même :
"un sapin en or, voilà mon affaire!". Mais
il avait peur d'être rencontré et revint le
soir avec un grand sac. Il prit toutes les
feuilles sans en laisser une. Le lendemain,
le pauvre sapin, qui se vit tout nu, se mit à pleurer.

- Je ne veux plus d'or, se dit-il tout bas. Quand les voleurs viennent, ils vous
   prennent tout et on n'a plus rien. Je voudrais avoir des feuilles tout en verre !
   Le verre brille aussi.

Or, le lendemain, quand il s'éveilla, il avait les feuilles qu'il souhaitait. Il fut bien
content et se mit à dire :

- Au lieu de feuilles d'or, j'ai des feuilles de verre, je suis bien tranquille, on me les
   laissera.

Et tout ses voisins qui le regardaient dirent à leur tour :

- Le petit sapin, il est tout en verre !

Mais, quand vint le soir, voilà la tempête qui
souffle bien fort. Le petit sapin a beau
supplier, le vent le secoue et, de toutes ses
feuilles, n'en laisse pas une. La nuit est
passée, maintenant c'est le jour. Voyant le
dégât, le pauvre sapin se met à pleurer :

- Que je suis malheureux ! encore une fois, me voilà tout nu. Toutes mes feuilles
   d'or, on les a volées, et mes feuilles de verre, on les a brisées. Je voudrais
   avoir, comme mes camarades, de belles feuilles vertes.

Or, le jour suivant, quand il s'éveilla, il avait reçu ce qu'il souhaitait.

- Que je suis content ! Me voilà tranquille, je
   ne crains plus rien.

Et tous ses voisins qui le regardaient se
mirent à dire :

- Le petit sapin ! Tiens, tiens, tiens, tiens ! Il
   est comme nous !

Mais, dans la journée, voilà que la chèvre avec ses chevreaux vient se promener.
Quand elle aperçoit le petit sapin, elle se met à dire :

- Venez, mes petits, venez mes enfants ! Régalez-vous bien et ne laissez rien.

Les petits chevreaux viennent en sautant et dévorent tout en moins d'un instant.
Puis, quand vint le soir le petit sapin, tout nu, frissonnant, se mit à pleurer comme
un pauvre enfant.

- Ils ont tout mangé, dit-il tout bas, et je n'ai plus rien. J'ai perdu mes feuilles, mes
   belles feuilles vertes, comme mes feuilles de verre et mes feuilles d'or. Si on me
   rendait toutes mes aiguilles, je serais content !

Et le lendemain, en se réveillant, le petit sapin ne sait plus que dire, il a retrouvé
tous ses vieux piquants ! Comme il est heureux ! Comme il s'admire ! Il est bien
guéri de tout son orgueil. Et tous ses voisins qui l'entendent rire se mettent à dire
en le regardant :

- Le petit sapin, il est comme avant !

mardi 19 juillet 2011

Le serpent et la grenouille


Un serpent et une grenouille, un jour se
rencontrèrent.

- Où allez-vous ainsi, vénérable frère ?
   demanda la grenouille

Le serpent répondit avec colère :

- Je vais droit mon chemin.

Le serpent n'ajouta rien, et la grenouille, qui était très curieuse et très
bavarde, demanda :

- Pourquoi est-ce que vous changez de peau de temps en temps ?

- Pour me faire beau, grogna le serpent.

- Pourquoi remuez-vous la queue comme si vous étiez en colère ?
   reprit l'imprudente grenouille. Pourquoi est-ce que votre langue
   s'allonge comme une flèche ? Pourquoi jetez-vous la tête en avant,
   comme pour effrayer les gens, et pourquoi rampez-vous sur le ventre
   tout le long de l'année ?

Le serpent trouva ces questions fort
impertinentes et, se retournant vers
la grenouille, il lui dit :

- Et vous, pourquoi vos yeux sont-ils à
   fleur de tête ?

- Parce que je suis une grenouille de belle
   espèce, dit-elle.

- Et pourquoi tenez-vous la bouche si grande
ouverte ?

- Parce que j'ai toujours des messages à porter, et que je prends part à
   beaucoup de conversations.

- Qu'est-ce que vous faites tout le long du jour ?

- Le soir je chante; à minuit j'appelle : "Qui va là ?" et le matin je crie :
   "Qui êtes-vous ?"

- Eh bien ! je vais vous faire qui je suis ! dit le serpent et, ouvrant la bouche,
   il avala la pauvre grenouille.

C'est depuis ce temps-là que les serpents poursuivent les grenouilles et les
mangent.

vendredi 8 juillet 2011

La drôle de maison

D'une voiture tomba un jour une grosse
cruche qui roula jusque dans un champ.
Passe en trottinant une petite souris;
elle aperçoit la cruche.

- Oh ! la jolie maison, dit-elle. Qui peut bien y
   habiter ? Cruchon, cruchette qui habite dans
   la cruche ?

Personne ne répond. La souris pousse alors
son museau dans la cruche; elle ne voit rien.

- Eh bien, donc, dit-elle, je vais y habiter moi-même.

Et la voilà qui s'installe. Passe en sautant une petite grenouille.

- Oh ! la jolie maison, dit-elle. Cruchon,
   cruchette, qui habite dans la cruche ?

- Moi, la souris grise. Et toi, quelle bête es-tu ?

- Je suis la grenouille qui se mouille...

- Eh bien, entre, on va vivre ensemble, dit la
   souris.

- Avec plaisir, répond la grenouille.

Et la grenouille entre dans la cruche pour vivre avec la souris. Un
lièvre passe, tout courant.

- Oh ! la jolie maison, dit-il. Cruchon,
   cruchette, qui habite dans la cruche ?

- Moi, la grenouille qui se mouille, avec la
   souris grise. Et toi, qui es-tu ?

- Je suis le lièvre et je cours aussi vite
   que le vent. On peut entrer ?

- Tu peux entrer et tu peux rester.  
   Il y a la place !

Les voilà trois dans la cruche, quand passe le renard.

- Oh ! la jolie maison, dit-il. Cruchon,
   cruchette, qui habite dans la cruche ?

- Moi, coasse la grenouille. Il y a aussi la souris grise et le lièvre rapide comme le
   vent. Et toi, qui es-tu ? 

- Je suis un renard à la queue touffue...

- Et bien, viens avec nous, reprit la grenouille.

- Soit, dit le renard.

Et les voilà quatre dans la cruche. Le loup s'approche à son tour, méfiant, la queue
basse.

- Oh ! la jolie maison, dit-il. Cruchon, cruchette, qui habite dans la cruche ?

- Moi, dit le renard, avec le lièvre aussi rapide
   que le vent, la souris grise, la grenouille qui
   se mouille. Et toi, qui es-tu ?

- Je suis le loup gris des taillis...

- Viens avec nous !

- Bien, dit le loup.

Et les voilà cinq dans la cruche. Ils vivaient là, tous en paix, quand arriva l'ours.

- Oh ! la drôle de maison, grogna-t-il. Cruchon,
   cruchette, qui habite dans la cruche ?

- Nous sommes toute une bande, cria la souris
   de sa petite voix pointue; il y a le renard à la
   queue touffue, avec la grenouille qui se
   mouille, et le loup gris des taillis, et le lièvre
   aussi rapide que le vent, et moi, la souris
   grise. Mais toi, qui es-tu ?

- Je suis l'ours velu...

- Viens avec nous ! crièrent-ils tous.

- Non, je suis bien trop gros, répondit l'ours.

Et ce lourdaud, s'asseyant sur la cruche, la mit en morceaux. Et tous les  
habitants de la cruche se sauvèrent dans toutes les directions.