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mercredi 28 septembre 2011

Un flocon d'amour

Ce matin-là, quand Nouit ouvre les volets de sa
cabane, une épaisse couche de neige recouvre
la forêt. Un vent froid souffle dehors.

- Brrr, je n'irai pas à la chasse aujourd'hui, se dit
   Nouit.

Au moment de refermer sa fenêtre, il aperçoit
Kouma, derrière ses carreaux. Quelque chose lui
chatouille alors le ventre, comme un flocon glacé.
Ca lui picote tellement l'estomac qu'il en a des frissons des pieds jusqu'au menton.

- Je dois avoir un peu faim, pense Nouit.

Kouma, de son côté, se rechauffe les mains près du feu. Elle vient de voir
Nouit, son voisin, et c'est comme si, tout à coup, tous les vents du monde
étaient entrés dans sa maison.

- Avec un chocolat brûlant, je ne serai plus gelée, songe Kouma.

La matinée s'écoule. Chacun a beaucoup à faire. Nouit répare son arc,
Kouma découpe ses peaux de castor et, de temps en temps, ils se regardent
par la fenêtre...

- Tiens, j'aimerais bien inviter Kouma pour le goûter, se dit Nouit. Depuis le
   temps que nous sommes voisins...

Il s'installe donc à son bureau et commence une
lettre d'invitation. Quand soudain... Chplof !
Une boule de neige s'écrase sur sa vitre. Nouit
ouvre sa porte, mais il n'y a personne. Juste
Kouma qui lui sourit de derrière sa fenêtre.

- C'est sans doute de la neige tombée d'une
   branche.

Et Nouit rentre chez lui. Sa lettre n'avance pas.
Le petit flocon qu'il a dans le ventre lui fait
trembler les doigts. Nouit remet une bûche dans
le feu, quand il entend gratter à sa porte. Un coup d'oeil à droite, à gauche, mais il
n'y a toujours personne. Juste un petit tas de noisettes posé dans une écorce
d'arbre sur son paillasson, et Kouma qui lui sourit de sa maison.

- C'est sans doute un écureuil qui aura oublié ses provisions.

Et Nouit rentre chez lui. Qu'il y fait froid ! Nouit s'enroule dans une couverture
pour continuer sa lettre. Mais les mots ne sortent pas. On dirait qu'ils sont
prisonniers dans un tiroir de sa tête. Quand, tout à coup, il entend comme des
pas dans la neige. Vite il s'empresse d'ouvrir la porte et découvre une superbe
paire de gants en peau de castor. Un coup d'oeil à droite, à gauche, mais il
n'aperçoit que les arbres géants de la forêt.

- C'est sans doute un trappeur qui les a perdus en se promenant.

Décidément, chez lui, Nouit a froid, très froid. Il n'arrive pas à se réchauffer.
Soudain, on frappe trois petits coups à sa porte. Nouit s'énerve, soupire :

- C'est sûrement le vent...

Pourtant, les trois petits coups retentissent à nouveau. Trois petits coups qui font
battre son coeur. Nouit se lève, ouvre... C'est Kouma !

- Bonjour, voisin, dit-elle, je peux entrer ? C'est qu'on s'ennuie un peu tout seul
   chez soi !

Nouit rougit, bafouille, grelotte, c'est encore
ce flocon qui lui joue un vilain tour. Peu à
peu, la nuit recouvre la forêt. Nouit et
Kouma ont mille choses à se raconter.
Kouma explique à Nouit comment elle
cueille les noisettes... Nouit raconte à
Kouma ses grandes chasses dans le froid.
Kouma le trouve très courageux, Nouit la
trouve très jolie...

Tout deux écoutent le feu qui craque de bonheur, et c'est drôle comme tout à coup
la cabane s'est réchauffée. Pourtant, ils tremblent encore un peu. C'est à cause de ce
petit flocon glacé qu'ils ont dans le ventre, un petit flocon d'amour qui grandit,
grandit... Alors, Kouma s'approche doucement de Nouit et frotte son nez contre le
sien. C'est un baiser d'Esquimau, un baiser d'Esquimau pour avoir encore plus chaud.

Monsieur Monsieur et Mademoiselle Moiselle

                                                        Les montres molles

Monsieur Monsieur se promène. Sur le chemin, il
trouve des montres molles. Aussitôt, Monsieur
Monsieur devient tout mou. Il s'étale comme une
flaque. Ca le met en boule. Il pense à un cube, et
il prend la forme d'un cube. Il pense à une
pyramide. Et il prend la forme d'une pyramide. Il
essaie de penser à lui-même, mais il pense à un
champignon. Ou à un éléphant. Ou à un chapeau
à secrets. Ca le fait penser à Mademoiselle
Moiselle. Et soudain il redevient lui-même.

- C'est tout moi ! Tout entier, tout partout, je suis moi ! dit Monsieur
   Monsieur.


                                   Le chapeau à secrets

Mademoiselle Moiselle a besoin d'un chapeau à secrets.
Ses graines sont mélangées, elle ne sait plus laquelle est
la bonne. C'est pourquoi elle décide de les planter
toutes. Elle les arrose. Elle les chauffe. Dans le premier
pot, un arbre à peluches a poussé. Dans le deuxième,
c'est un spaghetti bolognaise. Dans les suivants, des
glaces. Puis une girafe. Et une forêt profonde, un
monstre enchaîné, un chou Dordedans, une
montagne... Monsieur Monsieur rend visite à
Mademoiselle Moiselle.

- Qu'est-ce que c'est ? demande Monsieur Monsieur.

- C'est un chapeau à secrets, répond Mademoiselle Moiselle.

- Il est très grand !

- C'est exprès. Je vais vous dire un secret, dit Mademoiselle Moiselle.

- Moi aussi répond Monsieur Monsieur.



                                                   Les chaussures neuves

Monsieur Monsieur s'est acheté des chaussures neuves.
Pendant les trois premiers jours, il les admire. Ensuite,
comme il fait beau, il les promène. Un soir, il les essaie.
Monsieur Monsieur s'occupe beaucoup de ses
chaussures neuves. Il les brosse, les cire et les frotte
jusqu'à ce qu'elles brillent comme des miroirs. La nuit,
il dort avec. Monsieur Monsieur sort avec ses
chaussures neuves pour la première fois. Celle de
gauche, qui va plus vite, s'en va à droite. Celle de
droite, qui va moins vite, s'en va à gauche. Monsieur
Monsieur décide de leur apprendre à sauter par-dessus
une flaque d'eau. Elles préfèrent jouer à la baleine. A la deuxième sortie, elles quittent aussitôt les pieds de Monsieur Monsieur pour aller jouer dans les arbres. Toute la journée, Monsieur Monsieur court après ses chaussures neuves.

- Ce n'est pas grave, pense Monsieur Monsieur, elles sont jeunes, elles
   apprendront.

samedi 24 septembre 2011

3 sorcières

Il y avait une fois trois soeurs qui ne riaient
jamais. L'un s'appelait Scoliose, ou Scolly,
parce qu'elle était un peu tordue... la
deuxième s'appelait Squelette, ou Squelly,
parce qu'elle était aussi raide, petite et laide
que le cadavre desséché d'une souris
embaumée par des Egyptiens depuis
quarante siècles... et la troisième Scorie, ou
Scory, parce qu'elle trouvait ce nom affreux
tout à fait à son goût.

Comme elle s'ennuyaient, elles décidèrent de fonder une association qu'elles
appelèrent "3S". S comme Scolly, Squelly et Scory, bien sûr. S comme soeurs,
mais surtout, S comme sortilèges, strychnine et séquestration, ou comme serpents,
soupiraux et sépultures, ou scorpions, sarcophages et sanglots, ou encore
salissures, scolopendres et scarabées, ou même : subjonctifs, satisfaisant-mais-
peut-mieux-faire et suppositoires.

Personne ne les voyait jamais. Tout le monde en avait peur. Le maire avait même
décidé que le bus scolaire ne devait pas s'arrêter à proximité de leur maison. Ce qui
n'était pas très malin, car les enfants du voisinage étaient obligés de marcher un bon
moment à découvert pour rentrer chez eux. D'ailleurs ils ne marchaient pas, ils couraient.

Un après-midi, alors qu'elles observaient les enfants du haut de leur colline, les trois soeurs
en remarquèrent deux qui ne couraient pas.

- Ces deux-là sont horriblement mignons,
   non ? chuchota Scolly en faisant la
   grimace. Si on les transformait en poux ?

- Et si on les mangeait ensuite ? fit Squelly.

- Regardez-moi ça ! Ils se tiennent par la main, c'est incroyable ! mumura Scory.
   Donnons-leur une raclée !

- Ecoutez-moi ça ! continua Squelly. On les entend rire d'ici. Ca me dégoûte.

- Allons-y ! dit Scolly en crachant par terre.

Elles se précipitèrent sur les deux enfants, les enveloppèrent dans des couvertures
avant même qu'ils s'en aperçoivent, les ligotèrent et les emportèrent dans une
brouette.

Arrivées chez elles, elles jetèrent les deux enfants sur un divan et se mirent à leur
poser les questions qu'elles se posaient depuis toujours - en se cachant pour ne pas
trop les effrayer avec leurs yeux qui semblaient prêts à sortir de leurs trous comme
des crapauds gluants.

- Premièrement, dit Squelly en se retenant à peine de vomir, pourquoi êtes-vous si
   gais ?

- A quoi ça sert de se tenir la main ? gémit
   Scory.

- Qu'est-ce que ça eut dire : de bonne
   humeur ? demanda Scolly.

- On ne peut pas répondre à ces questions
   quand on est ficelés comme des rôtis !
   dit la petite fille, calmement.

- On peut à peine respirer. Et montrez-vous,
   au moins, ajouta le garçon. Qu'on fasse connaissance.

Après un rapide conciliabule, elles décidèrent de les détacher. Car elles devraient
peut-être les garder plusieurs jours, et l'idée de les nourrier à la cuillère leur
soulevait le coeur. Lorsque les enfants les virent, ils trouvèrent Scory vraiment
drôle, avec son regard furieux, Scolly avait l'air plus malheureuse que méchante et
Squelly leur sembla si maigre et si petite que non seulement ils ne pensèrent pas
une seconde qu'elle pût leur faire mal, mais ils la trouvèrent mignonne. Ce qui était
un peu exagéré.

- Qui êtes-vous ? demandèrent les enfants qui le savaient très bien.

- Les trois S !!! s'écrièrent d'une seule voix Scolly, Scory et Squelly.

- Ah bon ! On a cru un instant que vous étiez des sorcières ! plaisantèrent les
   enfants.

Les trois soeurs se regardèrent, interloquées, puis se mirent à rire bruyamment.
Elles s'arrêtèrent aussitôt car elles avaient mal aux côtes et aux mâchoires : C'était
la première fois qu'elles riaient depuis qu'elles étaient petites. Le calme revenu, les
enfants se présentèrent : Didi et Lolo. Ensuite ils réclamèrent un goûter, comme
s'ils étaient chez leurs grand-mères.

Elle acceptèrent, impatientes de connaître les réponses aux questions qu'elles se
posaient depuis toujours. Elles se rendirent à la cuisine.

- Je vous ai vues rire ! dit Squelly. Vous avez dû
   attraper la rigolade. Je crois que c'est 
   contagieux.

- Tu as ri ! dirent les deux autres.

- C'est bien ce que je disais, c'est contagieux !
   dit Squelly.

Comme elles n'en avaient jamais préparé de toute leur
vie, le goûter fut un peu bizarre : il y avait des biscuits
à la rose et au citron, du jus de tomates sucré, des scones à la pomme de terre et d'autres choses bien plus étranges encore. Ensuite, elles posèrent pour la seconde fois leurs questions :

- Eh bien..., dit Lolo. On se tient par la main parce que ...  Et il se mit à rire.

- Oui ? dit Squelly.

Les deux enfants se regardèrent et se mirent à nouveau à rire.

- Mais pourquoi êtes-vous si joyeux, à la fin ? explosa Scory.

- Parce que le goûter est bon ! répondit Didi.

Les trois sorcières restèrent muettes.

- On ne peut répondre à toutes vos questions en une seul fois, reprit Didi.

- Et là, il faut qu'on rentre chez nous, dit Lolo, sinon nos parents vont s'inquiéter.

- On peut revenir demain ? demanda Didi.

Les trois soeurs devinrent rouges comme trois vieilles tomates. C'était la première
fois que quelqu'un avait envie de les voir. Lorsque les enfants furent partis, elles
regardèrent leurs joues colorées et cela leur donna une idée : dorénavant, elles
allaient mettre des robes plus gaies, ainsi les enfants n'auraient plus peur d'elles
et elles pourraient les attirer très facilement.

Elles se rendirent immédiatement en ville pour acheter des habits de toutes les
couleurs. Sur le chemin du retour, Squelly vit Scory et scolly se tenir par la main.

- Qu'est-ce que vous faites ? s'écria-t-elle.
   Vous êtes folles ?

- Oui, répondit Scory. On est folles !

- Comme toi, hurla Scolly, espèce de vieux
   cornet de glace !

- Cornet de glace toi-même, vieux sapin de
   noël, dit Squelly.

Et les trois éclatèrent de rire. Mais cette fois, en mille morceaux. Ce qui arrive,
malheureusement, quand on ne rit pas assez souvent. Et comme c'étaient de vraies
sorcières, les morceaux se recollèrent, mais pas exactement comme avant. Leurs
bouches se mirent à l'envers, et elles riaient tout le temps.

dimanche 11 septembre 2011

Conte pour s'endormir

Quelqu'un m'a raconté ce conte : Il était une fois un
petit berger qui gardait mille moutons. Un jour un
oiseau doré vint se poser à côté de lui et lui dit :

- Berger, veux-tu faire ton bonheur ?

- Bien sûr ! répliqua le berger, qui ne le veut pas ?

- Eh bien ! viens avec tous tes moutons et suis-moi,
   dit le petit oiseau d'or en s'éloignant.

Il s'envola pour lui montrer le chemin. Le berger poussa ses milles moutons.
Il les fit marcher par les prairies, les forêts, les collines et les vallées. Enfin,
il vit dans le lointain un merveilleux château. Le berger si dit :

- C'est peut-être là-bas que mon bonheur m'attends ?

Et il fit accélérer les milles moutons car il
était fort curieux de savoir ce qui
l'attendait dans ce magnifique château.
Mais avant il fallait traverser un fleuve.
Sur la rive échouée une toute petite
barque où ne pouvaient tenir que le berger
et un seul mouton.

- Faut-il vraiment que j'amène tous mes moutons ? demanda le berger.

- Oui, tous, répondit l'oiseau d'or.

Alors le berger porta le premier mouton dans la petite barque, et traversa le
fleuve à la rame, fit descendre son mouton sur l'autre rive et retraversa le fleuve
dans l'autre sens. Il porta le deuxième mouton dans la barque et traversa le
fleuve à la rame, fit descendre son mouton sur la rive et retraversa le fleuve
dans l'autre sens. Il porta le troisième mouton dans la barque et traversa le
fleuve à la rame, fit descendre son mouton sur la rive et retraversa le fleuve
dans l'autre sens. Il porta le quatrième mouton dans la barque et traversa le
fleuve à la rame, fit descendre son mouton sur la rive et retraversa le fleuve
dans l'autre sens. Il porta le cinquième mouton dans la barque et traversa le
fleuve à la rame, fit descendre son mouton
sur la rive et retraversa le fleuve dans
l'autre sens. Il porta le sixième mouton
dans la barque et traversa le fleuve à la
rame, fit descendre son mouton sur la rive
et retraversa le fleuve dans l'autre sens.
Septième, huitième, neuvième, dixième. Il
porta le onzième mouton dans la barque et...

Hélas, je ne sais pas comment finit ce conte. Je n'ai pas pu l'écouter jusqu'au
bout car je me suis endormi avant.

Le géant

Il était une fois un garçon qui n'avait plus ni père ni mère. Il n'avait plus
personne au monde. Il se dit :

- Il doit bien y avoir une place pour moi quelque part !

Et il s'en alla dans le vaste monde. Une voisine lui donna un fromage
et c'est tout ce qu'il emporta avec un bâton
pour cheminer. Il marcha longtemps et
trouva un oiseau à terre qui était si faible, si
faible, qu'il pouvait encore à peine agiter les
ailes ! Le garçon le ramassa, le mit dans sa
poche et se dit :

- Comme cela, je ne suis plus vraiment seul au
   monde !

Après avoir encore marché un peu, il arriva à une colline, il y monta
et se dit :

- Je vais bien voir si je trouve une maison où je pourrais dormir cette
   nuit.

Mais, hélas, il ne vit ni ferme ni maison à perte de vue.

- Hélas ! s'écria-t-il, faut-il donc que je reste toujours seul au monde ?

Et il tapa avec colère trois fois le sol, de son bâton. D'un seul coup,
voilà que la colline se mit à bouger et remuer. C'était le pied d'un
géant et le garçon venait juste de taper sur son gros orteil.

- Ne t'énerve donc pas, dit le garçon, qui n'avait aucune peur du géant,
   tu souffrirais bien plus si c'était ton dos que j'avais frappé !

- Dis donc, moustique, gronda le géant, dont la tête était
   presque dans les nuages, espèce de puceron insolent,
   tu me menaces ? Attends, je vais te montrer combien
   je suis fort ! Je suis le plus fort de tous les géants !

Il empoigna un tronc d'arbre et le serra si fort que du jus
en coula à grosses gouttes.

- Espèce de m'as-tu-vu, dit le garçon, pas difficile de tirer
   du jus d'un arbre ! Regarde un peu, moi je tire de l'eau
   d'un caillou !

Il ramassa un caillou et en se penchant, il l'échangea habilement avec
son fromage. Il pressa le fromage et en fit couler de l'eau. Le géant
était stupéfait :

- Vraiment, tu es assez costaud, grogna-t-il, mais tu ne pourras jamais
    lancer un caillou aussi loin que moi !

Il souleva un rocher et le lança loin, loin, loin,
là-bas où le ciel et la terre se rejoignent.

- C'est tout ? dit le garçon, moi je peux lancer
   encore plus loin !

Il ramassa un caillou et l'échangea avec l'oiseau
qui s'était réchauffé dans sa poche. Il lança
l'oiseau en l'air et l'oiseau s'enfuit à tire-d'aile.
Le géant ne vit rien retomber et fut effrayé :

- Tu es vraiment incroyablement fort ! mumura-t-il, et il invita le garçon :
   Viens chez moi, mange avec moi et dors dans mon lit.

Le garçon fut bien content d'avoir un toit
pour la nuit et suivit le géant. Le géant
avait une maison géante. Il servit des
plats géants sur une table géante. Comme
le garçon n'avait rien mangé depuis
longtemps, il avait une fain de géant et en
avala plus que le géant lui-même. Le géant
se dit :

- Ce gaillard est dangereux, il doit disparaitre !

Il lui donna son lit de géant. Mais la nuit, il se glissa dans la chambre et donna
un coup de poing géant là où dans le lit se trouvait la tête du garçon. Il frappa
si fort que le lit craqua.

- Ca suffira comme cela ! grogna-t-il.

Mais le garçon n'avait pas fait confiance au géant. Il avait mis un pot de terre
dans le lit et s'était caché dans un coin. Il sauta alors sur ses pieds et cria :

- Qui m'a chatouillé ? Il va sentir mon bâton !

Alors le géant eut très peur. Il s'enfuit à bonds de géant et ne revint jamais. Le
garçon resta dans la maison géante. Plus tard, il trouva une femme. Ils se marièrent
et habitèrent la maison géante. Ils eurent beaucoup d'enfants qui ne manquèrent
jamais de rien.

vendredi 9 septembre 2011

Pourquoi le chien alla habiter chez l'homme

Il y a longtemps le chien vivait encore seul. Mais à
un moment il en eut assez de la solitude et
souhaita se trouver un ami. D'abord il demanda
au lièvre :

- Veux-tu être mon ami ?

- Je le veux bien, répondit le lièvre.

Et ils se
mirent à vivre ensemble. Ils couraient le jour
à travers les prés et les bois. Et la nuit ils dormaient ensemble dans les buissons. Une fois, le chien fit un rêve et aboya en dormant. Le lièvre le secoua et dit :

- N'aboie pas ! Le loup pourrait nous trouver
   et il nous mangerait.

- Tu as peur ? dit le chien. Celui qui veut être mon ami ne doit pas être
   peureux.

Et il laissa là le lièvre. Puis, il rencontra l'ours.
Le chien lui demanda :

- Veux-tu être mon ami ?

- Je le veux bien, répondit l'ours.

Ils gambadaient ensemble le jour dans les
fourrés et dormaient l'un avec l'autre la
nuit dans les buissons. Une fois le chien
fit un rêve et aboya en dormant. Alors
l'ours l'empoigna, le réveilla et dit :

- N'aboie pas ! l'homme peut nous trouver et nous tuer !

- Mais tu as peur, dit le chien. Celui qui veut être mon ami ne doit pas
   connaître la peur.

Et il quitta l'ours. Le lendemain, il rencontra
l'homme :

- Veux-tu être mon ami ? demanda le chien.

- Je le veux bien, répondit l'homme.

Ils chassaient ensemble le jour, et la nuit ils
dormaient l'un prés de l'autre dans la
maison. Une fois le chien fit un rêve et
aboya en dormant. Alors, l'homme lui
posa sa main sur la tête et dit :

- Aboie donc ! Si le lièvre ou le loup ou l'ours t'entendent, ils auront peur
  et ils se sauveront.

Le chien pensa :

- L'homme n'a pas peur. Je vais rester avec lui.

Et depuis, le chien et l'homme vivent ensemble et sont amis.

lundi 5 septembre 2011

Le petit pain

Il était une fois un homme qui avait grand-faim. Il alla dans une auberge et
commanda une soupière pleine de soupe qu'il avala jusqu'à la dernière
cuillerée. Après, il avait encore faim. Il commanda un rôti avec des frites
et de la sauce bonne et bien épaisse. Et il ne laissa pas une bouchée dans
son assiette. Pourtant, il avait encore faim. Il commanda alors du poisson
arrosé de beurre chaud avec des pommes de terre et de la salade, des
fromages et des gâteaux. Et il mangea tout jusqu'au dernier morceau.

Mais il avait toujours faim. Il demanda alors
une glace géante avec de la crème fouetté
et des gaufrettes. Et il n'en laissa pas une
miette. Puis il paya l'addition qui était fort
élevée. Il ne lui resta plus que deux sous.

En sortant dans la rue, il s'aperçut qu'il avait
encore faim et entra dans une boulangerie.
En voyant tout ce qui était à l'étalage, il se sentit encore l'estomac bien creux. L'odeur du pain frais, tout chaud, lui chatouilla les narines.

Mais pour deux sous, il ne pouvait pas acheter grand-chose d'autre qu'un
petit pain sec. Il l'acheta et le mangea. Tout d'un coup, il n'eut plus faim.
Il n'aurait plus pu avaler une seule bouchée !

- Je suis un imbécile, se dit l'homme. Je vais dans un restaurant et je dépense
   presque tout mon argent pour quatre plats qui me laissent sur ma faim !
   Alors que ce petit pain sec aurait amplement suffi à me rassasier !

jeudi 1 septembre 2011

Le pont des menteurs

C'était un petit garçon de la ville qui allait pour la première fois
à la campagne. Son oncle l'attendait à la gare et après il fallait
marcher un bon moment pour arriver à la ferme de l'oncle. En
chemin l'oncle montra à son neveu ses champs et ses prairies
à droite et à gauche. Dans l'une des prairies, il y avait des
vaches en train de paître.

- Eh bien, mon garçon, savais-tu qu'une vache
   était aussi grande que ça ? demanda l'oncle.

 Le petit garçon de la ville secoua la tête :

- Peuh, chez nous à la ville, les chiens sont aussi
   grands que ces vaches-là !

- J'espère
que tu n'exagère pas, dit l'oncle, car nous allons passer bientôt sur le pont. Et si quelqu'un ment, il trébuche, il tombe et se casse une jambe en passant sur ce pont.
Le petit garçon marcha en silence. Puis après un moment il dit :
- Bien sûr, tous les chiens ne sont pas aussi
   grands qu'une vache, certains sont un peu
   plus petits, à peu près comme un veau ou
   comme un poulain.

L'oncle ne répondit rien. Le petit garçon dit :

- Et puis il y a aussi des chiens qui sont
   seulement de la taille d'une petite chèvre...

L'oncle allait plus vite. Il marchait tout droit
vers le pont. Le petit garçon avait du mal à le suivre, il cria :

- Des fois, j'ai vu un chien, qui était seulement gros
   comme une chat !

L'oncle marchait devant et ne se retournait pas.
Le petit garçon courait tout essouflé derrière :

- Il doit y avoir des chiens,
   haletait-il, qui ne sont
   pas plus gros qu'une
   souris !

Voici que l'oncle était arrivé sur le pont.

- Pour dire vrai, cria le petit garçon, les chiens sont aussi
   petits que les fourmis !

Et voilà qu'il trébucha et s'étala de tout son long. L'oncle le releva et lui demanda :

- T'es-tu fait mal ?

- Un peu, dit le petit garçon, mais c'est bien ma faute !

Alors l'oncle le prit par la main et ils continuèrent leur chemin ensemble.

Celle qui ne voulait pas se marier


Mon histoire se passe il y a très longtemps, dans un pays blanc balayé par la
neige et le vent : le Toit du Monde. Le long de la banquise, un petit village
d'iglous s'est construit pour l'hiver. Et tout au bout de ce village, dans le plus
petit iglou, un chasseur vit seul, avec sa fille, Sanna. Éclairés par la lampe à
huile, ils se partagent une nageoire de phoque.

- Regarde-moi, Sanna. Je suis vieux et je reviens toujours bredouille de la
  chasse. Nous mangeons ce soir nos dernières provisions. Il faut que tu te
  maries. Il y a beaucoup de bons chasseurs qui rêveraient de t'épouser et qui
  pourraient t'apporter chaque jour un nouveau phoque à dépecer. Pourquoi
  ne veux-tu pas te marier ?
Mais, une fois de plus, sa fille ne lui répondit que par un silence gêné. Un jour,
lassé de la voir refuser tous les hommes qui se présentaient, son père finit par lui
dire :

Épouse donc notre chien et partez tous les deux loin du village, sur cette île que
  l'on aperçoit là-bas !
La jeune femme, résignée, s'exila sur l'île avec son mari chien. Très vite, la
nourriture vint à manquer. Le chien avait été un précieux atout pour son maître,
mais maintenant qu'il était seul, il était incapable de rapporter du gibier.
Les jours passèrent ainsi. Sanna tentait tant bien que mal de se nourrir de
quelques poissons pêchés, mais cela ne contentait pas son estomac qui criait
famine de plus en plus souvent. Les choses s'aggravèrent lorsqu'elle tomba
enceinte puis accoucha d'une portée de petits chiens. Sanna ne parvenait
plus à pêcher suffisamment de poissons pour nourrir toute la famille.
Un matin, elle demanda à son mari d'aller chez son père chercher de la
nourriture. Elle lui accrocha sa petite bourse en peau de phoque autour du cou
et lui dit de nager jusqu'au village. Le chien arriva très affaibli sur le rivage, où
il trouva le père de Sanna, occupé à dépecer un phoque :

Bonjour maître. C'est ta fille qui m'envoie. Elle a deux choses importantes à te
  dire. La première, c'est que tu es devenu grand-père. La seconde, c'est que ta
  fille et tes petits-enfants ont très faim. Je suis venu demander ton aide.
Le père emplit la bourse de viande de phoque et invita le chien à revenir chaque
jour chercher de la nourriture. Ainsi, chaque matin, le mari chien quittait l'île pour
le campement paternel et chaque soir, il revenait avec quelques victuailles : du
phoque, du caribou, du poisson, et parfois même de la viande d'ours.
Un jour, le père décida d'aller rendre visite à ses petits-enfants. Il ne les avait
jamais vus et avait hâte de les rencontrer. Dès qu'il accosta sur l'île, les chiots
accoururent à sa rencontre, pour fêter son arrivée. Ils l'accueillirent comme le
font souvent les chiens avec leur maître : en lui mordillant les mollets et en lui
donnant des grands coups de langue. Mais le père de Sanna n'apprécia pas du
tout cet accueil. Il réalisa qu'il ne souhaitait pas avoir des chiots comme
petits-enfants. Il aurait mille fois préféré être accueilli par des enfants qui lui
auraient sauté au cou et qui l'auraient couvert de vrais baisers. Puis il trouva sa
fille dans un état déplorable. Comme son mari chien ne pouvait pas chasser,
elle mangeait rarement à sa faim et elle n'avait pas de peaux d'animaux pour
se coudre des vêtements chauds. Le père de Sanna déposa la nourriture qu'il
avait apportée et reprit la mer. Tout en ramant, il réfléchissait à une manière de
mettre fin à cette situation intolérable.
Le lendemain, lorsque le mari chien vint à nouveau chercher de la nourriture, le
père remplit la petite bourse accrochée à son cou en y introduisant non pas de la
viande mais de lourdes pierres. Le chien repartit à la nage, mais, alourdi par le
poids de la bourse, il s'épuisa rapidement et se noya.

Le père devait désormais approvisionner lui-même quotidiennement sa fille et
ses petits-enfants. Mais Sanna craignait qu'il tue également ses bébés. Elle
voulut le dissuader de revenir les voir et conseilla à ses enfants :

La prochaine fois que votre grand-père arrivera, allez à sa rencontre sur le
  rivage, léchez et mordillez son kayak puis donnez-lui des petits coups de dents
  de plus en plus féroces. 
Son plan fonctionna à merveille : apeuré par l'accueil des chiots, le père de
Sanna fit demi-tour et ne revint plus jamais sur l'île. Mais à peine ce danger
écarté, un autre survint aussitôt : le spectre de la famine revint hanter la petite
famille. En renonçant à leur principale source d'approvisionnement, Sanna et
ses chiots étaient de nouveau confrontés à la faim. Alors, pour sauver ses
enfants chiens, Sanna décida de les envoyer au loin. Elle les répartit en trois 
groupes et donna à chacun des consignes précises. Elle fit d'abord partir un
premier groupe, muni d'arcs et de flèches, vers la forêt boréale, en lui disant :

Partez vers le sud et restez dans la forêt, vous y trouverez toujours de quoi
  vous nourrir ! 
C'est ainsi que ces bébés chiens devinrent les ancêtres des Amérindiens.
Sanna prit ensuite une semelle de ses bottes et prononça des paroles si
puissantes que la semelle se transforma en umiaq, une très grande
embarcation en peau de phoque. Elle y déposa les chiots du second groupe
en leur disant :

Partez vers l'est, au-delà de cette grande mer, et ne revenez que sur de grands
  navires ! 
Ils partirent sur les flots et devinrent les ancêtres des Européens. Quant aux
chiots du troisième groupe, elle préféra finalement les garder près d'elle, sur le
territoire des Inuits. Ils restèrent donc sur place et se transformèrent en ijiqqat,
les esprits invisibles de l'intérieur des terres.
Sanna, elle, retourna vivre dans le campement familial, sous l'iglou paternel.
Elle resta veuve très longtemps, refusant à nouveau les hommes qui la
demandaient en mariage, jusqu'au jour où un bel étranger vint au village pour
la séduire…