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mercredi 27 avril 2016

Histoires Courtes

Gros poisson

Un jour, deux pêcheurs assis sur des rochers se mirent à discuter. Bien sûr,
chacun voulait prouver à l'autre qu'il prenait les plus gros poissons.

- Moi, dit le premier, je pêche des sardines si grosses que je ne trouve
  jamais de poêles assez grandes pour les faire cuire...
- Eh bien moi, dit l'autre, je prends des poissons si énormes qu'ils ne
  pourraient même pas tenir dans une barque !
- Tu ne vas quand même pas me dire que tu pêches la baleine ! dit
  le premier pêcheur en éclatant de rire.
- Bien sûr que non, lui répondit le second. Moi, les baleines, je m'en
  sers comme appât !


Qui est le plus gros ?

Un soir, la lune, bien ronde dans un ciel sans nuage, se mit à dire tout haut
qu'elle était la plus grosse du monde, plus grosse que la terre et le soleil.
Un lac l'entendit fanfaronner et lui répondit :

- Penche-toi et regarde un peu par là... Je suis plus gros que toi, car je peux
  te loger et garder encore de la place pour toutes les étoiles !

La lune, constatant que c'était a vérité, se mit très en colère et commença
à se disputer avec le lac. Ces deux-là firent tant de raffut qu'ils réveillèrent
une souris qui dormait sous les racines d'un arbre. Comprenant la nature de
la querelle, elle interpella les deux ennemis :

- Au lieu de crier comme ça, regardez donc par ici, dans mon œil droit. Je
  peux vous y mettre tous les deux ! Je suis donc beaucoup plus grosse que
  vous !

La souris ne profita pas longtemps de son triomphe. Une chouette fondit
sur elle et l'avala.

- Et voilà, dit l'oiseau. Le plus gros, c'est mon ventre, puisqu'il contient
  la lune, le lac et la souris !

Mille ans de contes pour rire (Milan Jeunesse)

Comment Till l'espiègle planta des graines de fripouilles

Un jour, Till arriva dans une ville située sur les bords de la weser et décida
de s'y installer pour passer l'hiver. Il savait que cette bourgade avait mauvaise
réputation dans tout le pays. Partout, on disait que ses habitants étaient aussi
mauvais que des teignes et aussi médisants que des pintades.

Au bout de quelques jours, Till se rendit compte que cette triste réputation
n'était pas usurpée, tant il était mal accueilli partout. L'envie lui vint de
donner une bonne leçon à ces tristes individus.

Un matin, il partit au bord de la rivière et remplit un grand sac de graviers.
puis il se rendit sur la Grand-Place du marché, où il se mit à creuser des
centaines de petits trous, tous bien alignés, comme s'il s'apprêtait à semer
des carottes ou des radis.

Puis, dans chacun d'eux, il déposa un de ses petits cailloux. Intrigués par
ce manège, les habitants allèrent chercher leur bourgmestre. Celui-ci
s'approcha de Till.

- Peut-on savoir ce que tu es en train de fabriquer ? lui demanda-t-il.
- Je sème des fripouilles, répondit Till.
- Et pourquoi ne sèmes-tu pas de la graine de bonnes gens ? s'offusqua
  l'homme.
- Tout simplement parce qu'ils ne pourraient pas pousser dans un tel endroit !

Bien sûr, le bourgmestre ne goûta pas la plaisanterie et fit chasser Till,
qui, de toute façon, n'était pas mécontent de quitter une telle ville.

Quelques temps plus tard, il apprit par un voyageur de rencontre qu'après
son départ, on avait tout de même fait déterrer tous les graviers, de peur
qu'ils ne donnent naissance à de plus grandes fripouilles que celles qui
habitaient déjà la ville ...

Mille ans de contes pour rire (Milan Jeunesse)

lundi 25 avril 2016

Un voleur sachant voler

Il était une fois, dans les montagnes du pays basque, un voleur. Cet homme
était voleur comme d'autres sont boulanger, charpentier ou maître d'école.
Il se levait de bon matin pour aller chaparder et ne
s'arrêter qu'une fois sa besace bien remplie.

Son métier étant tout de même un peu particulier,
il devait parfois travailler la nuit... Ce voleur, qui
aimait beaucoup le vin, entendit un jour parler
d'un paysan qui venait de s'acheter quelques
tonneaux bien ventrus, et du meilleur cru. L'envie
lui vint d'aller en tirer quelques gourdes.

Oui, mais voilà, ce paysan passait ses journées chez lui,
et la seule chance de notre voleur était donc d'aller lui dérober le vin pendant la nuit. Le soir venu, il se mit en route. Sur son chemin, il rencontra un bâton bien noueux.
Comme à cette époque bêtes, choses et gens parlaient la même langue, ce bâton lui demanda :

- Où vas-tu donc d'un si bon pas et en pleine nuit ?

Le bonhomme ne fit pas de mystère :

- Je m'en vais voler un peu de vin. Veux-tu
  m'accompagner ?
- Avec plaisir !

Un peu plus loin, ils rencontrèrent un limaçon.

- Où allez-vous donc à une heure pareille ?
- Nous allons voler un peu de vin. Veux-tu nous accompagner ?
- Avec plaisir !


Au détour d'un sentier, ils aperçurent un clou long comme la main.

- Où allez-vous donc alors que les poules dorment
  encore ?
- Nous allons voler un peu de vin. Veux-tu nous
  accompagner ?
- Avec plaisir !

A quelques pas de là, ce fut un coq qui les aborda.

- Où allez-vous donc par cette nuit noire comme un four ?
- Nous allons voler un peu de vin. Veux-tu nous accompagner ?
- Avec plaisir !

Juste devant la maison du paysan, ils trouvèrent une crotte d'une taille
impressionnante.

- Où allez-vous donc par cette nuit sans lune ? (Eh
  oui ! même les crottes posaient des questions en
  ce temps-là!)
- Nous allons voler un peu de vin. Veux-tu nous
  accompagner ?
- Avec plaisir !

Et c'est ainsi que ce curieux équipage pénétra dans la maison du paysan. Notre voleur disposa soigneusement ses compagnons. A l'entrée de la maison, il plaça le limaçon. Au coin de
la porte, il installa le bâton. Dans la cheminée, sous la cendre, il déposa la crotte. Dans le mur, il planta le clou et enfin, sur la cheminée, il posa le coq. Ces précautions prises, il descendit dans la cave pour chaparder son vin.

Pendant ce temps, le paysan, qui ne dormait que d'une oreille, crut bien avoir entendu
quelque raffut. Bonnet de nuit sur la tête et chandelle éteinte à la main, il descendit de
sa chambre. Voulant allumer sa bougie, il se dirigea vers la cheminée. De la main, il
fouilla la cendre pour découvrir les braises.

Ce fut une main tartinée de crotte qu'il en retira.
Horrifié, il voulut l'essuyer sur le mur, et crac !
il s'enfonça le clou dans la main ! Le paysan
hurlait de douleur, la bouche grande ouverte,
quand le coq, choisissant bien son moment, lui
fit caca sur les dents !

Affolé, le paysan se rua sur le seuil de sa porte
où il glissa de tout son long sur le limaçon ! Alors qu'il gisait là, les pieds en l'air, le bâton entra dans la danse et le roua de coups !Enfin, le paysan parvint à se traîner un peu plus loin et fila aussi vite qu'il le put vers le village, afin d'en ramener les gendarmes.

C'est alors que notre voleur, un chapelet de
gourdes autour du cou, sortit de la cave. Il
eut le temps de rassembler ses compagnons
(sauf la crotte, qui ne ressemblait plus à
rien) et reprit tranquillement le chemin de sa maison.
.
Quand le paysan parvint à réveiller un gendarme pour l'amener à sa ferme, le voleur, lui, ronflait déjà depuis longtemps au fond de son lit.

Mille ans de contes pour rire (Milan Jeunesse)

Jean le veinard

Il était une fois, nul ne pourrait vous dire exactement combien de temps de
cela, un jeune garçon qui se prénommait Jean. Dès que les premiers poils
lui poussèrent au menton, il partit de chez lui pour s'en aller travailler chez
un forgeron. Il y resta sept ans, et ces sept années écoulées, fut soudain pris
de l'envie de revoir sa mère.

Il demanda donc son congé à son patron, qui, bien que triste de perdre un
si bon ouvrier, décida de le payer comme il le méritait. Pour salaire, il lui
donna donc un lingot d'or aussi gros qu'une bûche de bois et lui souhaita
bon vent et bonne chance.

Jean n'en revint pas de posséder une telle fortune ! Plein d'ardeur et très
impatient de revoir sa mère, il prit la route. Tout aurait été pour le mieux
dans le meilleur des mondes si ce lingot avait été moins lourd à porter !
Plus le jour avançait, plus le pas de Jean ralentissait.

Soudain, il vit venir vers lui un cavalier qui lui souhaita aimablement le
bonjour. Jean admira sa monture et se mit à réfléchir tout haut :

- Quelle chose merveilleuse que de posséder un animal pareil ! En un
  clin d'œil, on peut être transporté où l'on veut, et cela sans en ressentir
  de fatigue !

Le cavalier s'amusa de ce bonhomme qui trainait la savate.

- Et pourquoi donc avales-tu ainsi la poussière du chemin si ton souhait
  est de chevaucher comme tout un chacun ?

La réponse était fort simple et Jean la donna bien volontiers :

- C'est que je dois porter ce lingot chez moi. A dire vrai, le posséder
  m'a d'abord réjoui, mais voilà que je commence à le trouver bien lourd
  pour mes frêles épaules.

Le cavalier arbora un grand sourire.

- Ton embarras fait peine à voir. Je crois que tu as assez transpiré comme
  ça pour aujourd'hui. Que dirais-tu si je t'échangeais mon cheval contre
  ton fardeau ?

Jean ne se sentit plus de joie et remercia tant et plus ce providentiel
bienfaiteur. Après s'y être tout de même repris à plusieurs fois, il parvint
à monter sur le dos de l'animal.

Là, il se trouva bien ennuyé pour le faire avancer. Encore une fois, le
cavalier se montra généreux et lui expliqua la manœuvre. Au moment
de lui dire au revoir, il ajouta que, s'il voulait aller très vite, il lui suffisait
de talonner sa monture pour qu'elle file à toute allure.

Se félicitant de sa bonne fortune, Jean commença par trotter une bonne
heure ou deux puis se dit qu'il ne perdrait rien à accélérer un peu. Il
suivit les instructions du cavalier, joua des talons et se retrouva soudain
emporté au triple galop. C'est à peine s'il réussit à se maintenir en selle
plus de deux minutes.

Il bascula dans un fossé et y resta tout étourdit. Quelle ne fut pas sa
surprise d'apercevoir, au bord du talus, un paysan qui tenait son cheval
par la bride. Jean comprit que l'homme avait réussi à arrêter sa monture
et la lui ramenait. Il escalada le rebord du fossé et remercia l'homme.

Derrière celui-ci, une vache broutait paisiblement l'herbe du chemin. Jean
admira la bête :

- Quel bonheur ce doit être de posséder un si placide animal ! On ne me
  reprendra plus à vanter les mérites des chevaux ! Alors qu'une bonne
  vache en plus de cheminer paisiblement à vos côtés, peut vous fournir
  lait, beurre et fromage en quantité.

Le paysan, qui n'était pas du genre à laisser passer une bonne affaire,
proposa aussitôt à Jean d'échanger son cheval contre sa vache. Jean se
confondit en remerciement et partit aussitôt en tenant fièrement sa
nouvelle acquisition au bout d'une corde.

"Décidément la chance sourie aux audacieux !" pensa-t-il. Pour fêter
cela, il décida de s'arrêter dans une auberge où il dépensa les quelques
pièces qu'il avait au fond de sa poche. Après quoi il reprit la route.

Sur le coup de midi, le soleil se fit assommant. Jean se dit qu'il était
grand temps de profiter des bienfaits de sa vache et de tirer un verre
de lait. N'ayant pas de seau à sa disposition, il utilisa sa casquette de
cuir qu'il posa à terre, juste sous le pis de l'animal. Puis il commença
à le traire.

Mais rien ne vint ! pas une goutte ! Le jeune homme se dit qu'il s'y
prenait sans doute mal par manque d'expérience... Il tira donc plus
fort, et sans doute beaucoup trop fort, car la bête, sans prévenir, lui
décocha un coup de pied qui l'envoya à quatre mètres de là.

Jean voyait encore des étoiles lui danser devant les yeux quand il
se rendit compte qu'on lui parlait. C'était un boucher qui poussait
une brouette dans laquelle était couché un cochon. L'homme s'enquit
de l'état de Jean, qui en profita pour lui raconter ses mésaventures.
Le boucher s'esclaffa :

- Pas étonnant que cette vieille carne ne vous ait pas donner de lait !
  A son âge, elle est tout juste bonne pour la boucherie !

Jean parut très contrarié de cette nouvelle :

- C'est que, voyez-vous, je n'apprécie pas beaucoup la viande de bœuf...
  Cette vache n'a pour moi d'intérêt que si elle peut me donner du lait. 
  Ce serait un cochon, je ne dis pas que je rechignerais à le manger... 
  Mais une vache, non ! Sans façon !

Le boucher se gratta la tête sous sa casquette en faisant mine de
réfléchir :

- Vous m'avez l'air bien embêté et je peux vous aider... Ce cochon s'en
  allait vers l'abattoir... Que j'y conduise à sa place une vache ne me pose
  aucun problème. Si l'échange vous arrange, je veux bien y consentir...

Encore une fois, Jean se perdit en remerciements et prit l'animal qu'on
lui proposait si gentiment. Il cheminait depuis un bon moment en faisant
l'inventaire de toutes les merveilles dont ce cochon le régalerait, quand il
se trouva rejoint par un jeune garçon qui tenait une magnifique oie blanche
sous son bras.

Etant d'un naturel aimable, jean ne put s'empêcher de le complimenter sur
son splendide volatile. Le jeune homme expliqua qu'il l'emmenait à un
banquet où elle allait pouvoir rassasier pas moins d'une vingtaine d'invités.

Jean en parut très impressionné et demanda, par simple curiosité, à la
soulever. Effectivement, l'animal était d'un poids tout à fait exceptionnel !
A son tour, il proposa au garçon de peser son cochon. Le garçon prit un
air gêné et demanda à Jean d'où il tenait cette bête. Jean n'hésita pas une
seconde et lui raconta toute l'histoire. Le garçon se rembrunit :

- J'ai bien peur que l'on vous ait roulé ! Ce cochon ressemble à s'y méprendre
  à celui qui vient d'être dérobé dans l'étable du maire du village d'à côté...

Jean, à cette nouvelle, resta abasourdi. Quoi ? Lui, si honnête, pouvait être
accusé de vol ? C'était une véritable catastrophe ! Le garçon sembla comprendre
son désarroi :

- Je peux, si cela vous arrange, vous échanger mon oie contre votre cochon.
  Dans une heure, il sera mis à la broche, et alors bien malin qui pourra le
  reconnaître...

Tremblant de reconnaissance, Jean mit l'oie sous son bras et reprit sa route, se
disant que sa mère se ferait une joie de la cuisiner et qu'en plus elle ne manquerait
pas de lui faire un oreiller des plus moelleux avec ses plumes.

Il en était là de ses projets, lorsqu'il entendit au loin les cris d'un rémouleur
faisant sa tournée. Jean alla à sa rencontre et lui demanda aimablement si
ses affaires marchaient comme il le souhaitait.

L'homme, qui n'avait pourtant pas l'air de rouler sur l'or, lui répondit qu'il
faisait le meilleur métier du monde et que lorsqu'il mettait la main à sa poche,
il en sortait toujours de l'argent. Jean fut très impressionné par cette réponse.
Comme pour lui rendre la politesse, le rémouleur lui demanda d'où il tenait
une si belle oie.

Jean se fit alors un plaisir de raconter son histoire depuis le début : sept années
de travail, un lingot d'or bientôt échangé contre un cheval, celui-ci échangé
contre une vache, celle-ci échangée contre un cochon et enfin ce dernier échangé
contre cette belle oie. Le rémouleur fit à Jean de grands compliments sur son
sens des affaires.

Il ajouta qu'il allait bientôt prendre sa retraite et qu'il serait fier de laisser sa
meule à quelqu'un d'aussi astucieux que lui. Jean en rougit de plaisir. Le rémouleur
aussitôt lui tendit sa pierre de meule, certes très usée, mais lui dit qu'il ne lui
demandait que son oie en échange. Jean y consentit de bon cœur et lui donna
l'animal.

Le garçon salua l'homme et chargea la pierre sur son épaule en se félicitant de
tomber ainsi sur la bonne fortune à chacun de ses pas. Il ne lui vint pas d'autre
explication que celle d'avoir été, depuis toujours, choisi par la chance.

Malgré d'aussi heureuses pensées, il trouva bientôt que cette pierre pesait
vraiment très lourd. De plus, il avait maintenant très faim et très soif. Il décida
d'aller se désaltérer à un puits qu'il venait d'apercevoir. Une fois à côté, il posa
délicatement sa pierre sur la margelle et tendit la main pour attraper le seau.

C'est alors que son bras heurta la pierre, qui plongea au fond du puits dans un
grand "plouf". Jean resta hébété un instant, puis éclata de rire en remerciant
le ciel qui venait de le débarrasser d'un fardeau qu'il ne pouvait plus supporter.

Alors, il but l'eau fraîche du puits à longs traits et, le cœur léger et les mains
dans les poches, reprit le chemin de la maison de sa mère en se disant que,
décidément, ils devaient être bien peu nombreux sur terre, les garçons aussi
chanceux que lui !

Mille ans de contes pour rire (Milan Jeunesse)

samedi 23 avril 2016

Le marchand d'ailes




Ceci est une très vieille et très belle histoire, du temps où les oiseaux, les
mouches et les papillons n'avaient pas encore leurs ailes, du temps où le
bon dieux venait - tout juste - de créer le monde.

En ce temps-là, il était un petit garçon qui venait d'un pays très lointain
et très inconnu. Il avait un bout de nez rond comme une bille, des joues
plus douces que des pétales de rose, des cheveux bouclés noir de nuit
et des yeux couleur d'étoiles.

Mais comme il marchait par le monde, une petite hotte d'osier au dos,
pour vendre des ailes, ce n'était pas tout à fait un garçon comme les
autres :

Qui veut des ailes, qui veut des ailes ?
Belles mes ailes, belles mes ailes !
Je vends des ailes, achetez-les !
Je vends des ailes, il faut voler !

Sa hotte au dos, le Petit Marchand d'ailes chantait partout sa chanson,
sur les montagnes et dans les champs, dans les forêts et dans les prés,
le long de toutes les routes, près des ruisseaux, près des étang, toujours
et par tous les temps - marchant toujours, toujours chantant.

Ne me demandez pas d'où il venait, ni qui étaient ses parents, ni quel
nom était le sien. Il y a tellement longtemps que plus personne ne
s'en souvient. Peut - être était-il né un matin, dans une corolle d'une
fleur, comme naissent les lutins ?

Peut - être, une nuit d'été, avait-il doucement glissé le long d'un rayon
de lune ? Ou peut - être, était-ce tout simplement le bon dieu qui s'était
aperçu qu'il avait oublié de donner des ailes et qui avait envoyé ce petit
garçon pour terminer la création ?

La petite vieille dans sa cabane


Une petite vieille vivait seule dans sa cabane. Elle s'était toujours contentée de ce
que l'existence lui avait donné et ne s'était jamais plainte de son sort à qui que ce
soit.

Pourtant, au soir de sa vie, elle trouva soudain que sa maison était décidément
bien trop petite. En effet, si elle écartait les bras, elle touchait pratiquement les
deux murs opposés, et en une enjambée, elle se trouvait dans son lit au seuil de
sa porte. Cette situation lui fut bientôt insupportable.

Un matin, elle décida d'aller voir son voisin, un vieux bonhomme qui était
souvent de bon conseil. Elle alla donc frapper à sa porte :

- Voisin, j'ai une question difficile à te soumettre. Ma cabane est trop petite
   et je n'ai pas assez d'argent pour m'en acheter une plus grande. Que
   puis-je faire ?

Le bonhomme lui fit alors une bien curieuse réponse :

- Voilà un problème facile à résoudre, voisine... Fais rentrer ta poule chez toi
   et reviens me voir demain.

La petite vieille, en rentrant chez elle, était tout de même un peu perplexe.
Dans sa maison qui était déjà trop petite pour elle, il fallait qu'elle fasse
rentrer sa poule ? Elle n'y comprenait rien, mais se dit qu'elle allait tout de
même essayer...

Elle alla donc chercher sa poule au poulailler et l'installa chez elle. Comme
cela était prévisible, la poule prit aussitôt ses aises. Elle pondit un œuf au
beau milieu du tapis et fit tomber la pendule en voulant se percher sur
l'étagère.

La petite vieille sortit de sa poche son grand mouchoir et pleura un long
moment. Voilà qu'elle était encore plus à l'étroit qu'avant !

Il fallait retourner voir le voisin. Celui-ci reconnaîtrait son erreur et l'aiderait
certainement. Elle se rendit donc chez lui dès le lendemain matin :

- Voisin, me voilà maintenant encore plus serrée qu'avant ! Un cornichon
   dans son bocal a plus de place que moi ! Dis-moi ce que je dois faire...

Le vieux bonhomme n'hésita pas plus que la veille :

- Tu vas aller chercher ta chèvre et l'installer chez toi.

La vieille dame n'osa pas protester et rentra chez elle. Une fois la chèvre
dans sa cabane, les choses se gâtèrent encore. La chèvre s'assit sur l'œuf
de la poule, se mit à brouter les fleurs dans le vase et finit par se gratter
contre la table, qu'elle renversa. Affolée par tant de remue-ménage, la petite
vieille n'attendit pas le lendemain pour courir chez son voisin :

- Voisin ! Ma maison est maintenant pire qu'une ménagerie ! Dis-moi
   vite ce que je dois faire...

Bizarrement, le vieux parut très satisfait d'entendre ces nouvelles :

- Il faut maintenant que tu prennes chez toi ton cochon. Je te promets que
  les choses vont s'arranger très vite.

Au point où elle en était, la petite vieille ne songeait même plus à protester.
Elle fit donc entrer son cochon dans sa maison. Celui-ci, qui était d'humeur
joyeuse, se mit à jouer à cache-cache avec la poule et la chèvre, puis, comme
ce jeu l'avait mis en appétit, il s'attaqua au garde-manger, qu'il vida
complètement.

La petite vieille, qui s'était réfugiée sur son lit, parvint à sauter par la
fenêtre pour courir chez son voisin :

- Ca ne peut plus durer ! Ma maison était petite pour moi toute seule,
  étroite pour deux, riquiqui pour trois, mais pour quatre, elle est encore
  moins que minuscule ! Je t'en supplie, fais quelque chose !

Le vieux bonhomme se frotta les mains de satisfaction.

- Tout va pour le mieux, chère voisine ! Il ne te manque plus que la vache à
   installer chez toi.

Abasourdie, la petite vieille s'en revint chez elle et suivit malgré tout les
recommandations de son voisin. Elle eut toutes les peines du monde à
faire passer sa vache par la porte, mais y parvint tout de même après
plus d'une heure d'efforts acharnés.

Après avoir dansé sur le tapis, la vache choisit de faire une sieste sur le lit.
C'est à peine si la petite vieille avait encore la place de remuer un orteil.
En larmes, elle courut chez son voisin :

- Je n'en peux plus. Nous sommes si serrés dans la maison que si une mouche
  y entrait, le toit se soulèverait ! Fais quelque chose !

- Ce que tu vas faire, ma chère voisine, est tout simple : tu vas maintenant
  sortir les animaux de ta maison un à un. Demain, je t'attends à l'heure du thé
  pour que tu me racontes ce qui s'est passé.

La petite vieille, qui décidément ne comprenait plus rien, rentra chez elle. Elle
parvint à se faufiler jusqu'à la cheminée où dormait la poule et passa par la
fenêtre.

Avec un peu de sel, elle attira la chèvre dehors. Une bonne platée de bouillie
d'avoine convainquit le cochon de prendre la même direction. Pour la vache,
ce fut plus difficile, car elle trouvait le lit bien plus confortable que la paille de
son étable.

Mais, à force d'arguments et de coups de balai, la petite vieille réussit à la
mettre dehors. Enfin, elle referma sa porte et se retrouva seule à l'intérieur.
Il se passa alors quelque chose d'extraordinaire.

Pour la première fois, sa cabane lui parut... grande ! immense ! Gigantesque !
Le lendemain, à l'heure dite, elle sonna à la porte de son voisin.

A son grand sourire, il comprit que tout s'était bien passé selon ses plans et que
la petite vieille, maintenant, se trouvait fort bien logée dans sa petite cabane.

Mille ans de contes pour rire (Milan jeunesse)