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mardi 22 novembre 2022

Des vacances quatre étoiles



Bachir regardait les rayons du soleil entrer par la fenêtre. Il faisait un

temps magnifique, mais il était obligé d'attendre ici, dans l'ombre du

grand réfectoire de l'internat du collège des Mimosas.


L'endroit était calme. Un souffle de vent poussait par moments la porte

du bâtiment dans un grincement sourd. Une jeune surveillante attendait

également, un peu plus loin. A part eux, le bâtiment était vide. Un à un,

amis comme surveillants, tous étaient partis avec leur famille.


Où sont mes parents ? se demanda Bachir, m'ont-ils oublié ? Il serra contre 

lui son sac au dessin d'astronaute. 


- Tu vas bien ? demanda la surveillante en s'approchant. Tu attends tes parents ?

- Oui, répondit-il tristement. Et toi ?


La jeune fille eut un sourire triste.


- Oh, je n'attends plus personne maintenant. Mais tu vas voir, je suis sûre qu'ils

   vont vite arriver !

- J'espère, dit Bachir. Je commence à avoir faim !

- Tu es un vrai estomac sur pattes, dis donc ! Regarde dans le ciel, dit-elle pour

   changer de sujet, une étoile vient d'apparaitre !

- C'est vrai... Il n'est pas un peu tôt ?

- Ce doit être une étoile très matinale !

- Elle est vraiment grosse, cette étoile, remarqua Bachir fasciné.

- Oui. Et elle grossit... de plus en plus... Attention !


La jeune fille sauta à terre mettant Bachir à l'abri alors que l'étoile s'écrasait dans

la cour !


La fumée se dissipa et Bachir et la jeune fille se relevèrent, tout poussiéreux, pour

se retrouver devant... une fusée ! Sa porte s'ouvrit, et deux cosmonautes en sortirent.

Bachir les reconnut aussitôt.


- Maman, Papa ! s'exclama-t-il.

- Quel retard ! dit maman. Des embouteillages tout autour de Jupiter !

- Oui, confirma Papa. Nous avons dû prendre une pluie d'étoiles filantes, et nous voilà !

- Tu viens Bachir ? les mers gazeuses de Trappist-1e sont les plus belles à cette période

   de l'année, toi qui aimes tant te baigner !

- Bien sûr ! s'exclama Bachir en attrapant son sac à dos. Il se retourna vers la jeune 

   fille. Tu viens avec nous ? lui demanda-t-il.

- Pourquoi pas, dit-elle dans un sourire. Je n'ai jamais vu la mer !


Et tous les quatre, ils partirent vers les étoiles.


Des vacances quatre étoiles - Tanguy Mandias - illustration Pablo Vasquez

Histoire offerte par l'association Robert Debré

mercredi 31 août 2022

Gulliver chez les géants

Il y a toujours eu de grands explorateurs pour nous faire rêver avec leurs récits 
de voyages extraordinaires en Amérique, en Chine ou aux Indes... Mais, l'un
deux, Gulliver, a découvert des pays bien plus fabuleux encore. Il passait sa vie
sur les mers au temps où seul le bateau permettait d'atteindre de nouveaux 
mondes lointains. 

Un jour, il s'embarqua sur un grand navire baptisé "l'aventure", et ce voyage 
l'entraîna justement dans une incroyable aventure !

Une terrible tempête avait éclaté et poussé le navire tantôt vers l'Est, tantôt
vers l'Ouest. L'équipage et même le capitaine ne savaient plus du tout où ils
se trouvaient. Chacun observait l'horizon avec autant d'inquiétude que d'espoir,
lorsqu'enfin on cria :

- Terre ! Terre !

Quelques matelots sautèrent aussitôt dans une chaloupe pour se rendre sur cette 
île inconnue, et Gulliver, impatient, partit avec eux. Tandis que les autres 
restaient près du rivage, il préféra explorer l'intérieur des terres. 

Très vite, il s'arrêta, stupéfait : une immense prairie s'étalait devant lui, mais
l'herbe qui y poussait était étrangement haute, aussi haute que des arbres !

Il revint sur la plage pour en parler à ses compagnons, mais ne les trouva
plus. Il aperçut seulement leur chaloupe au loin sur la mer.

Il se demandait ce qui avait bien pu les faire fuir ainsi, lorsqu'il vit un homme,
grand comme une maison venir dans sa direction. Un seul pas de géant en 
valait dix des siens. Gulliver, paniqué, recula, recula, mais il se trouva bientôt
coincé contre un rocher.  

La chaussure du géant, aussi grosse qu'une barque, allait l'écraser; Gulliver
hurla de terreur. Le géant l'entendit, s'arrêta net, regarda autour de lui et finit 
par l'apercevoir à ses pieds. Il le prit entre deux doigts pour le hisser jusqu'à
ses yeux. 

Gulliver, craignant de tomber de si haut, cria de toute ses forces :

- Noble étranger, je vous en supplie, ne me faites pas de mal ! 

Le géant le déposa délicatement dans la paume de son autre main et l'observa
avec de grand yeux ahuris, mais lorsque Gulliver lui fit une profonde révérence,
il en fut sidéré. 

Il mit vite sa trouvaille dans son énorme mouchoir et se hâta de rentrer chez 
lui. Sa femme poussa d'abord un cri de frayeur comme elle l'aurait fait devant
un gros insecte, mais, peu à peu, elle s'habitua à cet homme minuscule, puis
finit par le regarder avec curiosité et même avec une certaine tendresse.

L'heure du repas arriva, et les trois enfants de la famille vinrent s'asseoir à 
table. 

Leur père leur montra alors la toute petite créature, et ils furent si surpris et
amusés qu'ils applaudirent. Puis on servit une sorte de ragoût dans un plat
de la taille d'une baignoire. Gulliver y goûta avec plaisir. On lui versa du cidre
dans le plus petit verre, qui ne contenait que six litres, et, en essayant de le 
soulever, il lança bien fort :

- A votre santé !

Les géants éclatèrent tous de rire, ce qui fit plus de bruit que cinq coups de 
tonnerre à la fois. En se bouchant les oreilles, Gulliver se dit qu'à l'avenir 
il essaierait d'être moins drôle !  Un chat de la grosseur d'une vache sauta
soudain sur les genoux de la femme. Heureusement pour Gulliver, elle le 
garda bien serré contre elle. 

- Bradinyouchcluckmoutouh, caluzianaroumtraloukernizizi ! 

Ce qui semblait vouloir dire : "c'est qu'il l'avalerait comme une vulgaire
souris !"

Imaginez l'inquiétude que devait ressentir Gulliver devant tous ces nouveaux
dangers qui le guettaient...

Cheval Fou

 


- Papa, demande Billy un matin, est-ce que tu connais un indien ?

- Un indien ? non, répond son père. Les indiens habitent de l'autre côté 

  de la montagne. Un hamster cow-boy n'a rien à faire là-bas.

Billy va trouver son ami Jean-Claude, le ver de terre. 

- Jean-Claude, tu viens avec moi chez les indiens ? Ils habitent de l'autre

  Côté de la montagne.

Jean-Claude hésite.

- J'aimerais bien, dit-il, mais c'est trop loin pour moi.

- Je te porterai, dit Billy, si toi tu portes la bouteille d'eau.

- Alors d'accord, dit Jean-Claude.

Mais la route est longue et la montagne est haute. Arrivé à la maison

de Barbichette, Billy ne peut plus faire un pas de plus, tellement il est

fatigué. Curieuse, Barbichette sort de sa maison.

- Qu'est-ce que vous faites par ici, les enfants ?

- Nous voulons voir les indiens, dit Billy. Mais c'est trop loin. 

- Oh, mais vous êtes presque arrivés ! dit Barbichette. Je vais vous aider

  pour le dernier bout de chemin.

Et Barbichette porte Billy, qui porte Jean-Claude, qui porte la bouteille

d'eau.

En haut de la montagne, la vue est grandiose, mais ils ne voient aucun

indien nulle part. Barbichette a une idée, d'abord ils doivent allumer un feu.

- Les indiens se parlent avec des signaux de fumée, explique Barbichette.

Elle a l'air de s'y connaître. Elle jette l'herbe sur le feu pour faire beaucoup

de fumée.

- Billy, aide-moi à tenir mon châle. Voilà. Regardez. Je fais trois petits

  nuages. Ca veut dire : "Venez, nous sommes des amis". Les indiens

  vont les voir de loin et ils viendront vers nous. Maintenant, il faut juste

  un peu de patience, dit Barbichette. 

Ils attendent. Billy croit entendre un bruit, mais non. Le silence s'installe.

- Ils vont venir ? chuchote Jean-Claude. Tu n'as pas un peu peur ?

Mais Billy n'a pas le temps de répondre, car soudain FFFFVVVVVOUIT !

Une flèche venue de nulle part transperce son chapeau. 

- Ooooh ! crie Jean-Claude, et il s'évanouit.

Vite, Billy traîne Jean-Claude à l'abri.

- Arrêtez ! Ne tirez pas !! crie Barbichette. 

Un indien surgit de derrière les buissons.

- Comment ça, ne tirez pas ? dit-il. Mais madame, vous avez fait trois nuages !

  Ca veut dire "au secours" ! Je pensais que le cow-boy vous voulait du mal, moi !

- Oups, fait Barbichette, je me suis trompée. Je voulais faire le signal de l'amitié.

- Ah. Eh bien, vous avez tout faux, dit l'indien. Pour l'amitié, il faut faire deux

  nuages, pas trois.

- Je suis encore vivant, dit Billy, mais regardez Jean-Claude ! Il est à moitié mort !

L'indien s'approche. 

- Pauvre petit, dit-il. Il s'est évanoui de peur. 

- Evanoui ? dit Billy, tu crois ? Passe-moi la bouteille d'eau.

Jean-Claude ouvre les yeux.

- Un indien ! crie-t-il, terrifié, et il manque de s'évanouir à nouveau.

- Ne t'inquiète pas, dit l'indien, je suis un ami. Je m'appelle Moineau Tranquille.

- Moineau Tranquille ? Drôle de nom pour un coyote, remarque Billy.

- On m'appelle comme ça parce que je me cache dans les buissons, comme les

  moineaux , mais sans faire de bruit, explique Moineau Tranquille.

- Moi, c'est Jean-Claude, dit Jean-Claude, d'une petite voix. Parce que j'ai un

  grand-père qui s'appelle Jean et l'autre qui s'appelle Claude. 

Pour se faire pardonner de lui avoir fait si peur, Moineau Tranquille veut faire

un cadeau à Jean-Claude. Barbichette éteint le feu et ils suivent Moineau

Tranquille jusqu'à son Tipi. 

Moineau Tranquille offre à Jean-Claude un cadeau de grande valeur : une

plume d'aigle.

- Voilà, dit Moineau Tranquille, tu es un indien, maintenant. Il te faut un nom

  d'indien. Que dirais-tu de... Petite Herbe au Vent ? Parce que tu es si délicat ?

Jean-Claude fait la moue.

- Je préférerais un nom plus... plus fort, comme, euh, Cheval Fou.

- Bon d'accord, dit Moineau Tranquille. Tu t'appelles Cheval Fou.

- Oui, eh bien, Cheval Fou, il va falloir rentrer, dit Billy. Sinon papa va

  m'attendre.

Barbichette reste encore un peu avec Moineau Tranquille. Il veut lui montrer

comme faire de beaux signaux de fumée. Billy et Jean-Claude prennent le

chemin du retour. 

- Je te porte, Cheval Fou ? demande. Ou est-ce que tu préfères rentrer au galop ?

- Très drôle, dit Jean-Claude. 

- Papa, dit Billy en arrivant à la maison, me revoilà ! Et regarde qui est avec moi !

Son père se retourne.

- Un indien ! s'écrie-t-il, stupéfait. Comment est-ce que... ?

- Il s'appelle Cheval Fou, dit Billy. Regarde-le bien, il ne te fait pas penser à

  quelqu'un ? 

- Ca alors... mais... c'est Jean-Claude ! Depuis quand es-tu un indien, Jean-Claude ?

- Depuis aujourd'hui. 

- On aura tout vu, dit le père. Tu aimes toujours les noisettes grillées, j'espère ?

- Ah ça oui, dit Jean-Claude.

- Regardez ! s'exclame soudain Billy, là-bas, le signal de fumée !!

- Ooooh ! s'écrie Jean-Claude...

Mais cette fois il ne s'évanouit pas, il avale juste un peu de travers, tellement il

est ému.


Cheval Fou (Les Lutins de l'Ecole des Loisirs - Catharina Valckx)

Petit Noun







C'était au temps lointain et heureux des hippopotames bleus. 

Partout en ce temps-là, du fond des marécages qui bordaient

les cités, leur gros dos rond marquait l'horizon. 


En bons maîtres du fleuve qu'ils étaient, ces pachydermes se 

prélassaient avec délices dans les eaux tranquilles du Nil. 

Autour d'eux, des fleurs poussaient et au fil du temps, leur

feuillage avait gravé son empreinte sur leur peau qui brillait

au soleil. Les poissons les frôlaient, les papillons s'y posaient

et les oiseaux picoraient sans crainte ces étranges rochers d'azur.


Un jour, le plus jeunes d'entre eux, qu'on nommait Petit Noun, 

devint l'ami d'Antef, un grand vieillard aux cheveux blancs. 

Chaque soir, côte à côte, ils admiraient le soleil couchant.


- Le soleil meurt chaque jour pour renaître chaque matin, disait

le vieil homme. Moi aussi, bientôt, je me coucherai comme lui.

Commencera alors pour moi un bien long voyage...


Quand Antef partit pour ce royaume inconnu et qu'on le coucha

dessous la terre, le petit hippopotame s'allongea près de lui et tomba

dans un profond sommeil. Le temps passa, des jours, des mois, des

siècles...


L'oubli semblait les avoies ensevelis pour de bon lorsqu'un beau

matin, dans les premières lueurs du jour, des pelles se mirent à

creuser la terre. Puis des mains commencèrent à la fouiller doucement.

Elles en sortirent un à un une foule d'objets, plus précieux les uns que

les autres. Réveillé en sursaut, Petit Noun fila se cacher sous une pierre.

C'est là seulement qu'il remarqua sa taille : au lieu d'avoir grandi au fil 

des ans, il était devenu petit, tout petit...


A la première occasion, Petit Noun se glissa à l'air libre. Dehors, plus

rien ne ressemblait au pays d'autrefois. La cité s'était comme volatilisée 

et dans le fleuve, les monts bleus avaient disparus. 

Où était ses frères, ses amis, ses parents ?

Plus une fleur ne poussait alentour, plus un oiseau ne volait dans le ciel.

Le vent, le temps avaient tout emporté.


- Il faut que se retrouve les miens, se dit Petit Noun. Peut-être sont-ils

partis pour les pays lointains dont Antef m'a si souvent parlé...


Et il se mit en route, minuscule point bleu dans le grand désert doré. Il

trottina ainsi des jours durant. Plus il marchait, plus le sable lui collait 

à la peau, recouvrant la belle couleur turquoise de son dos. Bientôt, il se

mit à briller autant que le soleil...


Peu à peu sous ses pattes, une terre argileuse finit par remplacer le sable

chaud du désert. Cà et là, des maisons bordaient la route. Au premier

coup de vent, Petit Noun prit des allures de soleil couchant.


Au loin, une forêt apparut. Petit Noun la traversa de bout en bout, se roula

dans les feuilles dont il se régala. Il en ressortit... vert prairie.


Un jour enfin, à l'autre bout du temps, Petit Noun aperçut de hautes

silhouettes à l'horizon. Un épais brouillard flottait dans l'air lourd de

poussière et de fumée. Epuisé, Petit Noun se coucha et s'endormit.


Lorsqu'il se réveilla, il était gris souris. Petit Noun soupira. Il 

voyageait depuis si longtemps, jamais il ne retrouverait ses ancêtres

disparus !


Lorsqu'il vit l'eau qui coulait calmement dans les méandres du

fleuve, il s'y glissa pour y pleurer tranquille. Et là, soudain, tandis que

le courant lavait pour de bon son dos rond, il les aperçut... Ses parents !

Ses frères ! Ses amis ! C'étaient bien eux qui l'attendaient, là, dans leur

pyramide de verre ! Fou de joie, Petit Noun courut les rejoindre de toute

la force de ses petites pattes.


Depuis, il dort près d'eux dans la longue nuit du temps tandis que, un

peu partout sur terre, tous les hippopotames se baignent, inlassablement,

dans l'espoir de retrouver un jour leur dos turquoise d'antan.


PETIT NOUN, (GERALDINE ELSCHNER, ANJA KLAUSS) L'ELAN VERT 

samedi 26 février 2022

La trompette enrhumée

 


C'est l'histoire d'une trompette qui trompette tout le temps.

Le matin sous la douche, elle trompette. Pendant la sieste ? elle trompette.

A quatre heures sur sa trottinette, et même la nuit sous sa couette... elle trompette

Sa mère tempête :

- Arrête, arrête, je vais perdre la tête !

Or la trompette a un problème... Elle est enrhumée.

Quand elle joue, disons-le franchement, on dirait une vache qui a avalé un klaxon.

C'est embêtant parce que... La trompette rêve de jouer dans un grand orchestre.

- Attends un peu, dit sa mère. Quand tu seras grande, tu iras voir un imprésario.

- C'est quoi un imprésario ?

- Une personne qui s'occupe d'un artiste, lui trouve du travail et veille sur sa carrière.

  Comme Monsieur Yashimoto, notre voisin.

La trompette s'en va sonner chez l'imprésario. 

- Bonjour, Je suis la trompette de l'appartement d'en haut.

- Ah... c'est toi ! dit-il en se bouchant les oreilles.

- Je voudrais jouer dans un grand orchestre.

- Tu n'as pas le niveau. Et... tu n'aurais pas le nez bouché ?

- Allez, s'il vous plaît, faites-moi engager.

- Il faut que tu fasses des progrès d'abord. Et maintenant laisse-moi, je dois 

  me préparer. Je vais au concert donné ce soir par le grand chef d'orchestre, 

  Monsieur Allegro-ma-non-Troppo, au théâtre de la ville. 

- Très bien ! répond la trompette.

Et elle s'en va, guillerette. Saperlipopette ! Qu'est-ce qui lui passe par la tête ?



Elle court au théâtre retrouver Monsieur Allegro-ma-non-Troppo.

- Bonjour, maître ! Vous n'auriez pas besoin d'une trompette par hasard ?

- Vous tombez à pic. Nous avons un emploi pour vous. A ce soir, huit heure 

  et quart.

Et le soir, à huit heures et quart, voilà notre trompette, au dernier rang des

instruments à vent. Juste devant elle, crâne un énorme tuba. Personne ne la 

voit ! Elle désespère. Elle bondit en l'air pour qu'on la repère. 

Quand le chef lui fait signe, elle se remplit d'air et... lance le son d'une vache

qui a avalé un klaxon.

- Catastrofa ! grogne le tuba d'une grosse voix.

- Qu'on la bâillonne ! crie le saxophone.

La contrebasse attrape la trompette par les pistons... et l'envoi valser dans

les coulisses aux pieds du pompier de service !

Il la pose sur une chaise en paille et fronce ses énormes sourcils. 

- Pas un bruit ! souffle-t-il.

La trompette se fait toute petite. Elle observe la salle, remplie de messieurs

et de dames élégants. Tout semble cousu d'or, étincelant. Au quatrième rang, 

elle reconnaît sa maman et monsieur Yoshimoto, habillés de beau. 

Oh... Mais  qu'est-ce qui brille si fort à coté de Maman ? ... Un ravissant 

petit sac en diamants. Posé sur les genoux d'une dame qui écoute la musique 

la bouche grande ouverte.

- Ce n'est pas prudent ! se dit la trompette. Un pigeon voyageur pourrait s'y

  engouffrer et y déposer du courrier. La dame serait transformée en boîte 

  aux lettres.

La trompette ferme les yeux et part dans un rêve sans queue ni tête. 

BOOUMM ! BOOUMM ! BOOUMM !

La grosse caisse résonne et réveille la trompette. Elle sursaute, jette un œil

sur le pompier endormi qui ronfle comme un malotru. 

Elle voudrait lui dire : "Chut ! Chut !", mais elle n'ose pas. Elle se retourne

vers la salle et aperçoit... un gant noir qui, en un tour de passe-passe, s'empare

du sac en diamants. Un voleur !

N'écoutant que son courage, la trompette sonne l'alerte. 

POUET ! POUET ! POUET !

La dame boîte aux lettres s'écrie :

- Au secours ! On a volé mon sac en diamants ! 

La trompette aperçoit le voleur qui file par une grande porte vitrée tout

au fond de la salle. Et alors il se passe une chose extraordinaire : la 

trompette se met à crier si fort, que la porte vitrée vole en éclats. 

Je t'explique : les sons très aigus provoquent des vibrations dans l'air qui 

vont s'écraser sur les objets en verre et les font exploser. 

Le voleur s'arrête net. Stupéfait. Le pompier se jette sur lui et le ligote 

avec sa lance à incendie. 

Voilà le bandit bien attrapé et ficelé comme un saucisson ! 

Tout le monde se tourne vers la trompette et l'acclame. 

- Quel sang-froid ! Quelle intelligence !


Et sa maman la serre contre elle.

- Je suis fière de toi ! Tu sais, on va soigner ton nez bouché et tu vas 

  devenir une trompette en or. 

Le lendemain, la petite trompette fait la une des journaux. "Une 

trompette héroïque au son unique arrête un voleur ! Monsieur 

Yoshimoto, le grand imprésario, promet de faire d'elle une vedette."

Ivre de joie, notre amie trompette grimpe sur les toits, et un, deux, trois, 

elle fait quoi ? 

Elle trompette. Et trompette et trompette encore.


La trompette enrhumée 

(Hachette jeunesse - Katherine Pancol - Jérôme Pélissier)