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dimanche 22 janvier 2012

Till l'espiègle

De tout temps, il y eut de drôles de zigotos,
qui s'amusaient à jouer des tours, mais
aucun d'eux ne fut comparable à Till
l'espiègle, ni loin ni même dans les alentours,
car déjà le jour de sa naissance, tout
commença étrangement.

Alors que son père et son parrain rentraient
du baptême et discutaient, la nourrice laissa
tomber le bébé dans une flaque sur le sentier.
L'enfant fut ainsi baptisé une seconde fois, de manière accidentelle, et ainsi, face à une mort précoce et mouillée, l'échappa belle.

Till devint un petit garçon comme on n'en
avait jamais vu dans son pays. D'ailleurs
on n'en a jamais revu de semblable depuis.
Sa petite tête était pleine de fantaisie et de
choses extraordinaires, a tel point que
souvent, au moment de le punir, sa mère
en riait et sa colère tombait. Lorsque son
père allait au marché, petit Till était assis
avec lui sur le cheval, mais pas devant,
toujours derrière, où il faisait des grimaces dignes du carnaval. Il se moquait, sans que son père ne s'en aperçoive, des passants. Qu'ils fussent pauvres, dignitaires ou marchands.

Devenu plus grand, il s'ennuyait tellement qu'il joua, devant un public incrédule,
sur une corde où il faisait le funanbule.

- Les jeunes ! cria-t-il à la foule qui l'entourait, curieuse et en émoi, les jeunes,
   enlevez vos chaussures et vos bottes, et passez-les moi ! Je vais vous
   apprendre un tour, fort amusant et pourtant très facile.

Il attrapa les chaussures et les bottes, et les
attache sur un fil.

- Maintenant attention !

Il détacha le noeud; chaussures et bottes
tombèrent sur le sol. Tous cherchaient et se
chamaillaient, ce qui déclencha bagarre et
panique folles. Par une nuit silencieuse,
alors qu'il dormait dans une ruche vide,
arrivèrent deux voleurs qui rêvaient de miel
- des hommes cupides -. Parmi les ruches, ils choisirent rapidement la plus lourde,
après l'avoir soupesée, et l'emportèrent. Till fut tiré de ses rêves, le balancement
l'ayant réveillé. Il tendit le bras et saisit par les oreilles et par le nez les deux
hommes en même temps. Les voilà qui s'arrêtèrent de marcher. Le premier
regarda le second avec méfiance, le second toisa le premier. Till sauta du panier
et fila, laissant les coquins s'injurier et se quereller.

Till alla travailler comme apprenti chez un fourreur, le maître cherchant justement
un jeune garçon travailleur.

- Sais-tu faire de véritable loups ? demanda le
   maître, dis-moi !

Aussitôt dit, aussitôt fait. Till remplit les
fourrures de paille, raidit les pattes,
écarta les mâchoires, et son rire
résonna, canaille. Lorsque les dix loups
furent prêt - un spectacle vraiment
affreux ! - le maître fut pris d'une rage
folle et hurla à qui mieux mieux.

- Que dois-je faire cuire ? demanda Till, qui était apprenti pâtissier.
- Des hiboux et des macaques, répondit le maître en riant, ce sera parfait !
- Bien, répondit Till en songeant : je vais exécuter très exactement ce que le maître
   m'a demandé de faire, alors qu'il ne parlait pas sérieusement.

Il pétrit vite une bonne pâte avec 6 mesures
de farine bien fine, le coquin, et en fit des
hiboux et des macaques au lieu de bretzels
et de petits pains. Puis il aligna devant le
four, en une rangée, cette bien étrange
fournée. Le maître arriva et n'en crut pas
ses yeux. Il resta sans voix, tant sa colère
était déchainée.

- Monseigneur, profitez donc de votre argent
   dit Till, achetez mon cheval. 100 florins, oui 100 florins seulement,
   sa queue à elle seule en vaut déjà 20. Voyez comme il est beau,
   et puis admirez sa prestance, aucun animal sur terre ne porte parure d'une telle
   élégance !

L'étranger attrapa le cheval par la queue, comme le font tous les connaisseurs.
Mais la queue dans les mains, il tomba par terre, quel malheur ! Il dut payer 20
florins pour rembourser la queue arrachée que Till, le farceur, sur l'animal avait
auparavant attachée.

Till avait été engagé comme guetteur par un chevalier, qui vint lui dire :

- Si un ennemi approche du château, tu sonneras le cor pour me prévenir !

A peine le chevalier et ses hommes s'étaient-ils installés à table pour déjeuner, qu'ils
entendirent depuis la tour le cor de Till fortement résonner. Ils se précipitèrent
tous dehors pour scruter, mais ne découvrirent aucun ennemi à l'horizon.
Pendant ce temps, Till s'était assis à table et dégustait ce festin en fier larron. Le
chevalier gronda :

- Où est donc l'ennemi que tu as débusqué, pauvre petit gueux ?
- C'est la fin qui m'a débusqué, expliqua Till, et de tous les ennemis, c'est le plus
   dangeureux !

- Un âne qui sache lire, nul n'a jamais rien vu
   de tel ! Entrez donc, messieurs, les savants,
   et découvrez cette merveille !

Ainsi parlait Till, et les savants entrèrent dans
l'étable. En effet, il y avait là un vieil âne,
debout devant une table. Sur la table était
posé un livre ouvert, déjà prêt. Till y avait
mis de l'avoine entre toutes les pages, en
secret. L'âne se mit à feuilleter le livre et lorsqu'il aperçut l'avoine, d'émoi, il se mit à braire : Hi ! Han ! Hi ! Han ! Les savants étonnées en restèrent pantois.

- Il me faut 20 mesures de lait, et que
   personne ne me contrarie ! Chaque
   laitière ici présente versera 3
   mesures dans le tonneau, ici !

Ainsi parlait Till, et bientôt le tonneau fut
rempli à ras bord.

- Oh non ! Oh non ! S'exclama-t-il alors.
   Votre lait est inutilisable, votre lait est
   bien trop mouillé ! Que chacune
   reprenne sa part, dit Till, qui s'en allait.


- Monseigneur ! dit Till un jour, s'adressant à un prélat, puis je me permettre de
   vous inviter à un spectacle qui vous étonnera ? Lorsque je dirais abracadi !
   abracada ! vous n'en reviendrez pas - sûr que non ! - de voir ce que fera
   cette marchande de vaisselle sans la moindre hésitation.

Le coquin s'écria : abracadi ! abracada ! et la
marchande, sans nullement hésiter, se mit à
taper, comme folle de rage, sur les pots et les
bols pour les casser. Le prélat rit aux éclats,
mais ne sut comment prendre cela. Il ignorait
en effet que Till était de mèche avec la
marchande - quelle blague, ma foi !.




Un jour, Till vendit à un métayer un jeune lapin bien apprivoisé. Le métayer voulut
laisser l'animal manger l'herbe dans son jardinnet. Qu'il se gave durant quelques
semaines de chou rouge et de chou blanc,
meilleur en sera le rôti à la prochaine fête
de l'église, assurément. Et le lapin se sentit
très vite à l'aise et heureux dans le jardinet.
Cependant, il y a une chose qu'il ne put
endurer : l'aboiement des chiens du
métayer. Il se réfugia sur le pommier tout
en miaulant, le coquin ! Car le lapin n'était
en réalité qu'un chat, vêtu d'une peau de lapin.

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