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samedi 28 janvier 2012

Le bouffon du sultan

Il y a de cela bien longtemps, le bouffon du
sultan alla un soir voir un tailleur pour lui
commander un nouveau pourpoint
multicolore. Il plaisanta au sujet de celui
qu'il portait ce soir-là et se mit à rire en se
trémoussant. Le tailleur trouva l'humour du
petit homme très amusant. Et comme sa
femme venait de préparer un bon poisson
pour le dîner, il l'invita à partager leur repas.
Mais le bouffon ri tellement qu'une arête se coinça dans sa gorge. Il mourut étouffé...

Le tailleur se mit à gémir :

- Si le sultan apprend cela, il pensera que j'ai voulu assassiner son bouffon.

Sa femme lui proposa de porter le bouffon chez le médecin puis de déguerpir.
La bonne du médecin vint leur ouvrir, et ils lui demandèrent d'aller réveiller
son maître, car un malade réclamait ses soins. Lorsqu'elle rentra dans la
maison, ils assirent le petit homme sur les marches et s'enfuirent.

Le médecin accourut précipitamment, mais dans l'obscurité, il trébucha sur le petit
homme et tomba sur lui. Il reconnut le bouffon du sultan et crut qu'il lui avait brisé
la nuque. Cela me coûtera la vie, songea le médecin. Il le porta alors sur le toit de
la maison voisine et à l'aide d'une corde, le fit glisser lentement à l'intérieur de la
cheminée. Le boulanger de la cour vit quelque chose bouger dans sa cheminée et
pensa qu'il s'agissait d'un voleur. Il se précipita sur lui et lui asséna un terrible coup
de bâton, de sorte que le corps du bouffon s'étala sur le sol.

Afin de ne pas être soupçonné, il transporta le corps dans la rue. Mais au même
instant, un marchand ivre qui passait par là trébucha sur le corps et ils tombèrent
tous deux par terre. Le marchand se mit à hurler :

- Au secours !

Le garde arriva aussitôt et emmena les deux
hommes devant le juge. Ce dernier déclara
le marchand coupable du meurtre et ordonna
qu'il soit pendu le lendemain matin. Le
marchand était déjà sur l'échafaud, la corde
au cou, lorsque le boulanger de la cour s'écria :

- C'est moi, l'assassin ! C'est la voix de ma
   conscience qui me pousse à l'aveu !

Et il raconta ce qui s'était passé. On libéra le marchand et on mit la corde au cou du
boulanger. A cet instant surgit le médecin qui avoua publiquement être l'assassin. On le plaça aussitôt sous la potence à la place du boulanger.

- Arrêtez ! cria le tailleur. Je ne suis pas un assassin, mais le bouffon est mort chez
   moi, étouffé par une arête de poisson. De peur, j'ai posé son corps devant la
   maison du médecin !

Le peuple réclama alors que le sultan en personne rende la justice, et amena les
quatre hommes ainsi que la dépouille du bouffon devant son trône. Le sultan
déclara :

- Voyons si mon bouffon a bien une arête dans la gorge. Car si c'est le cas, le tailleur
   est innocent.

Un barbier attrapa une pince, la rentra dans la gorge du bouffon et en retira l'arête.

- Je crois qu'il est encore vivant, dit-il.

Il lui pulvérisa alors une poudre dans le nez, le bouffon éternua et se retrouva vivant !
Il sultan en fut très heureux, car il avait une affection toute particulière pour le bouffon
qui était de surcroît l'homme le plus intelligent du royaume. Il offrit mille pièces d'or au
barbier et le nomma archipremier médecin du sultan. Il pardonna avec mansuédtude
aux quatre hommes et leur offrit à chacun cent pièces d'or en compensation de la peur qu'ils avaient eue. Mais il demanda qu'on relate cette aventure dans les livres d'histoire.

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