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dimanche 30 octobre 2011

Un secret trop bien gardé

A la cantine, ce midi, la bouche de Jules s'est ouverte et a dit :

- Ida je ...

Ouf ! Jules a eu le temps de serrer les lèvres avant que son secret ne sorte.
Ses copains n'ont rien entendu, heureusement ! Mais Ida était assise à côté
de lui : si jamais elle a deviné, elle va trouver que je suis ridicule, se dit-il.
Jules ne veut pas qu'Ida se moque de lui et décide d'aller voir la vieille femme
qui sait tout.

- Comment faire pour ne pas lui dire mon secret ? lui demande-il.

- Va voir Basile. Son métier, c'est d'avaler les secrets des autres pour qu'ils
   demeurent de vrais secrets.

Basile est très grand et très gros. Jules lui présente son secret dans un joli paquet
bien emballé. Basile l'avale tout rond. Parfois les secrets sont très lourds ou très
méchants : ils ne sont pas très bons. Le secret de Jules est tout doux, ce sont les
préférés de Basile.

- Hé ! crie Jules, tu ne m'as pas dit comment je pourrai le récupérer !

- Un secret, ça ne se dit pas : jamais je ne le rendrai ! rugit Basile.

- Mais si je veux le dire un jour quand je serai grand ? demande Jules, très inquiet.

- Trop tard ! crie Basile, hilare.

- Rends-moi mon secret ! hurle Jules.

Jules retourne chez la vieille femme qui sait tout.

- Tu ne m'avais pas dit que Basile ne rendait pas les secrets !

- Bien sûr que non, un secret, c'est un secret, répond la vieille bique.

- Mais comment vais-je faire pour dire à Ida que...

Jules ne peut pas dire la suite : Basile l'a avalée ! Il se met à pleurer. La vieille
femme est bien embêtée et grince du dentier.

- Une fois, il y a très longtemps, quand tu n'étais pas né, j'ai vu le grand Basile
   vomir des secrets, car il était malade. Tu pourrais essayer de le rendre malade
   de nouveau . Va donc voir le médecin. S'il sait soigner les maladies, peut-être
   sait-il aussi les déclencher.

J'aurais dû dire tout de suite à Ida que... rumine Jules en chemin vers le médecin.
Mais il est trop tard pour les regrets.

- Je ne peux pas t'aider, fait le médecin.

- Pourquoi ?

- Parce que moi aussi j'ai confié un secret à Basile, et je n'ai pas envie qu'il le dise.

- Eh bien ! si c'est comme ça, je me débrouillerai tout seul, décide Jules.

Comment faire ? Jules traverse le jardin public et regarde tristement les enfants qui
jouent sur un tourniquet. Mais oui, voilà une bonne idée, eh, ça peut marcher ! se
dit jules soudain guilleret. Il s'en va d'un bond pas chez Basile.

- Dis, Basile, tu viens jouer avec moi ?

- Moi, pourquoi ?

- Allez, tu vas bien t'amuser !

- Bon, allons-y. De toute façon, personne ne vient me voir aujourd'hui et je
   m'ennuie.

Basile et Jules s'installent tous les deux sur un grand tourniquet. Ca tourne,
ça tourne ! Basile n'a pas l'habitude de ce jeu, et ce n'est plus un enfant. Au
dixième tour, il devient blanc. Au vingtième tour, il est vert. Au trentième tour,
il est gris. Et au trente et unième tour, il vomit... les secrets qu'il avait avalés !

- Marion, je suis jalouse de toi. J'ai très peur des vers de terre...

En entendant ces secrets libérés, les habitants s'approchent. Certains ont peur.
D'autres espèrent que leurs secrets seront révélés, car ça les soulagerait.

- J'aime Mathilde. Jamais je n'oserai lui demander sa main avant de l'avoir bien
   soignée. J'ai menti à Bernadette, je ne sais pas faire de vélo sans roulettes.
   Ida, je t'aime.

Quand il entend cela, Jules rougit comme une tomate bien mûre. Ida écoutait les
secrets avec les autres habitants et remarque le trouble de Jules. Elle s'approche
de lui, glisse sa main dans la sienne et chuchote "moi aussi".







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