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vendredi 8 avril 2011

Le retour des fleurs

C'est parce qu'il ne pouvait plus accepter la
méchanceté des hommes que le plus puissant
des sorciers avait quitté son pays pour aller
vivre sur le sommet d'une haute montagne.
Dés son départ, toutes les fleurs des prairies,
celles qui poussent sur les collines et dans les
bois, celles qui fleurissent au bord des
rivières, des lacs et des mers, se fanèrent et
moururent. Pas une seule ne survécut. Et le
pays devint un désert car, après la mort des
fleurs, les oiseaux, les papillons, les abeilles,
tous les insectes avaient fui. Les plus vieux habitants
disaient aux petits enfants la beauté des fleurs et des insectes, mais les enfants
ne voulaient pas les croire.

- Ce ne sont pas que des histoires, disaient-ils.

Seul le fils d'une pauvre veuve croyait qu'il existait encore des fleurs et des
insectes. Et, quand sa mère se taisait, il réclamait encore une autre histoire, car il 
voulait toujours entendre parler de la beauté des fleurs.

- Ah ! se dit-il, quand je serai grand, j'irai
   trouver le grand sorcier pour lui
   demander de nous redonner les fleurs.

Quand il fut arrivé à l'âge d'homme, sa
passion pour les fleurs avait encore grandi.
Alors, il alla trouver sa mère et lui dit :

- Je vais partir pour trouver le grand sorcier
et lui demander de nous redonner les fleurs.

Sa mère, d'abord, refusa de le croire.

- Mon fils ! s'écria-t-elle, ce que je t'ai raconté n'était que des histoires. J'ai
   entendu ma mère les raconter, parce qu'elle
   les avait entendu raconter par sa mère. Mais
   il ne faut pas croire à ces histoires ! Les
   fleurs n'ont probablement jamais existé.
   Et, quant au sorcier, jamais personne ne
   pourra le retrouver. La montagne où il
   vit est la plus haute de toutes les montagnes.

Mais le jeune homme ne l'écouta même pas et,
un beau matin, il partit. Les gens du pays le
virent s'éloigner en souriant ironiquement.

- Quel fou ! dirent-ils. Il faut être fou pour croire à ces histoires !

Le jeune homme se dirigea vers le nord. Il marcha longtemps, longtemps. Il arriva
enfin au pied d'une montagne, si haute, si haute que son sommet était invisible.
Courageusement il tourna autour de la montagne, mais il ne vit aucun sentier, rien
que des rochers. Trois fois, il tourna autour de la montagne.

- Il faut, se dit-il, que je découvre le chemin que le sorcier a suivi pour atteindre le
   sommet.

Après avoir cherché longtemps, il finit par
découvrir une petite marche et, plus haut,
il aperçut un escalier. Et il grimpa, grimpa,
grimpa, sans jamais se retourner pour ne
pas avoir le vertige. A la fin du permier
jour, le sommet de la montagne n'était
même pas visible. Le deuxième et le
troisième jour non plus. Il commençait
à se décourager quand, le quatrième
jour, il se rendit compte tout d'un coup que le
sommet était tout proche et, à la tombée de la nuit, il réussit à l'atteindre. Près des
rochers, il aperçut une source. Assoiffé, il se pencha pour boire un peu d'eau. A
peine y avait-il trempé ses lèvres que toute sa fatigue disparut. Il se sentit rafraîchi
et plus fort que jamais. A ce moment, il entendit une voix qui lui demandait ce
qu'il était venu chercher.

- Je suis venu, répondit-il, pour demander au grand sorcier de nous redonner les
   fleurs et les insectes. Un pays sans fleurs, sans oiseaux et sans abeilles, est triste
   et sans joie. Je suis sûr que les gens de mon pays cesseraient d'être méchants,
   si le sorcier leur redonnait les fleurs.

Alors, le jeune homme fut soulevé par des
mains invisibles. Doucement, il fut porté vers
la région des fleurs éternelles, et les mains
invisibles le déposèrent sur le sol au milieu
d'un tapis de fleurs de toutes les couleurs.
Le jeune homme ne pouvait pas en croire
ses yeux. Jamais, il n'avait imaginé que les
fleurs puissent être aussi belles ! Un parfun
délicieux flottait dans l'air, et les rayons du
soleil dansaient sur le sol multicolore comme
des milliers et des milliers d'arcs-en-ciel. La joie du jeune homme fut si grande,
si grande, qu'il se mit à pleurer.

De nouveau, il entendit la voix qui lui dit de cueillir toutes les fleurs qu'il préférait.
Il en cueillit de toutes les couleurs. Quand il en eut plein les bras, les mains
invisibles le conduisirent doucement au sommet de la montagne. Alors la voix lui dit :

- Rapporte ces fleurs dans ton pays qui,
   désormais, à cause de ta foi et de ton
   courage, ne sera plus jamais sans fleurs.
   Il y en aura pour toutes les régions. Les
   vents du nord, de l'est, du sud et l'ouest
   leur apporteront la pluie qui sera leur
   nourriture, et les abeilles vous donneront
   le miel qu'elles cherchent dans les fleurs.

Le jeune homme remercia et commença
aussitôt la descente de la montagne qui, malgré la quantité de fleurs qu'il portait, lui parut bien plus facile que la montée. Quand il revint dans son pays, les habitants, en apercevant les fleurs et en respirant leur parfum, ne voulurent pas croire à leur bonheur. Puis, quand ils surent qu'ils ne rêvaient pas, ils dirent :

- Ah ! nous savions bien que les fleurs existaient et que ce n'étaient pas des histoires
   inventées par nos ancêtres.

Et leur pays redevint un grand jardin. Sur les collines, dans les vallées, près des
rivières, des lacs et de la mer, dans les bois, dans les champs et dans toutes les
prairies, les fleurs croissèrent et se multiplièrent. Tantôt c'était le vent du nord
qui amenait la pluie, tantôt le vent du sud, de l'est ou de
l'ouest. Les oiseaux revinrent, ainsi que les papillons et
tous les insectes, et surtout les abeilles. Désormais, les
gens purent manger du miel, et la joie revint sur la terre.

Quand les hommes virent leur terre transformée grâce
au jeune homme qui avait osé ce que personne n'avait
cru possible, ils lui demandèrent d'être leur roi. Il
accepta et il devint un roi bon, courageux et intelligent.

- Rappelons-nous, disait-il, que c'était la méchanceté des
   hommes qui avait entraîné la disparition des fleurs de notre pays.

Et, comme personne ne voulait recommencer à habiter un désert, et à être privé de
miel, chacun s'efforça désormais d'être aussi bon que possible pour ne pas fâcher
le grand sorcier.

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