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samedi 30 avril 2011

La malle volante

Il était une fois un marchand, si riche, qu'il
eut pu paver toute la rue et presque une
petite ruelle encore en pièces d'argent, mais il
ne le faisait pas. Il savait employer autrement
sa fortune et s'il dépensait un skilling, c'est
qu'il savait gagner un daler. Voilà quelle sorte
de marchand c'était, et puis, il mourut.

Son fils hérita de tout cet argent et il mena
une vie joyeuse; il allait chaque nuit au
bal masqué, confectionnait des cerfs-volants avec des riksdalers de papier, et
faisait des ricochets sur la mer avec des pièces d'or à la place de pierres plates.
A ce train, l'argent filait vite... A la fin, le garçon ne possédait plus que quatre
shillings et ses seuls vêtements étaient une paire de pantoufles et une vieille robe
de chambre.

Sas amis l'abandonnèrent puisqu'il ne pouvait plus se promener avec eux dans la
rue. Mais l'un d'entre eux, qui était bon, lui envoya une vieille malle en lui disant :
fais tes paquets ! C'était vite dit, il n'avait rien à mettre dans la malle. Alors, il s'y
mit lui-même. Quelle drôle de malle ! si on appuyait sur la serrure, elle pouvait
voler.

C'est ce qu'il fit, et pfut! elle s'envola avec lui
à travers la cheminée, très haut, au-dessus
des nuages, de plus en plus loin. Le fond
craquait, notre homme craignait qu'il ne se
brise en morceaux, il aurait fait une belle
culbute ! grand dieu !... et puis, il arriva au
pays des turcs.

Il cacha la malle dans la forêt, sous des feuilles sèches en entrant tel qu'il était, dans
la ville, ce qu'il pouvait bien se permettre puisque, en Turquie, tout le monde se
promène en robe de chambre et en pantoufles. Il rencontra une nourrice avec un
petit enfant.

- Ecoute un peu, nourrice turque, dit-il, qu'est-ce que c'est que ce grand château
   près de la ville ? Les fenêtres en sont si hautes !

- C'est là qu'habite la fille du roi,
   répondit-elle. Il lui a été prédit qu'elle
   serait très malheureuse par le fait d'un
   fiancé, c'est pourquoi personne ne doit
   aller chez elle sans que le roi et la reine
   soient présents.

- Merci, dit le fils du marchand.

Il retourna dans la forêt, s'assit dans la malle, vola jusqu'au toit du château et se
glissa par la fenêtre chez la princesse. Elle était couchée sur le sofa et dormait.
Elle était si adorable que le fils du marchand ne put se retenir de lui donner un
baiser. Elle s'éveilla, effrayée, mais il lui affirma qu'il était le dieu des turcs et
qu'il était venu vers elle à travers les airs, ce qui plut beaucoup à la demoiselle.

Ils s'assirent l'un à côté de l'autre et il lui raconta
des histoires : ses yeux étaient les plus beaux lacs
sombres sur lesquels les pensées nageaient
comme des sirènes, son front était un mont
neigeux aux salles magnifiques, pleines d'images.
Il parla aussi des cigognes qui apportent les
mignons bébés. Quelles belles histoires ! alors,
il demanda sa main à la princesse, et elle dit "oui"
tout de suite.

- Mais revenez ici samedi, lui dit-elle, car le roi et la reine
viennent prendre le thé chez moi. Ils seront très fiers de me voir épouser le dieu des turcs, mais sachez leur raconter un très beau conte car ils les aiment énormément; ma mère les veut moraux et distingués, mais père les apprécie très gais, que l'on puisse rire.

- Bien ! Je n'apporterai d'autre cadeau de mariage qu'un conte, répondit-il.

Là-dessus, ils se quittèrent après que la princesse lui eut donné un sabre incrusté de
pièces d'or, et c'est surtout cela qui pouvait lui être utile.
Il s'envola, s'acheta une nouvelle robe de chambre et s'assit
dans la forêt pour composer un conte. Il devait être terminé
samedi, et ce n'est pas si facile. Pourtant, quand vint le
samedi, c'était fait. Le roi, la reine et toute la cour prenaient
le thé chez la princesse et l'attendaient. Il fut reçu avec
beaucoup de gentillesse.

- Voulez-vous nous raconter une histoire ? demanda la
   reine, une histoire d'un esprit profond et instructif.

- Mais qui fait quand même rire, dit le roi.

- Je veux bien, dit-il. Et il se mit à raconter.

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