Petit Jean était le fils d'une pauvre femme. On
l'appelait Petit Jean parce qu'il était faible et
chétif; mais il était rusé, savant et très
courageux. Il avait un grand frère, Grand Jean,
qui était fort, mais aussi bête que fort.
Un jour, un géant, on ne sait pourquoi, avait
enlevé le père des deux pauvres enfants. C'était
un bon bûcheron, et le Géant le garda chez lui
pour qu'il abattit des arbres.
L'aîné des fils, Grand Jean, dit à sa mère :
- Maman, je vais aller combattre le Géant, et je ramènerai notre père.
La mère savait qu'il était fort, et pensait que peut-être, par sa force, il pourrait
vaincre le Géant; elle le laissa donc partir. Depuis ce jour là, on ne revit plus
Grand Jean.
Petit Jean, resté près de sa mère, lui dit :
- C'est moi qui vais délivrer papa.
Mais sa mère ne voulut pas le laisser partir, parce qu'il était si petit et si faible.
Mais Jean ne se laissa pas décourager et partit à la recherche de son père.
La route le conduisit à travers un grand bois. Là, il
vit tout à coup devant lui un lion. Il eut très peur et
monta dans un arbre. Du haut de l'arbre, il regarda
l'animal et le vit se lécher une patte de derrière
d'où coulait du sang. Alors il descendit de l'arbre,
et le lion lui laissa toucher sa patte, et Jean en
retira une épine qui avait blessé la bête. Et le
lion lui donna un de ses poils fauves, et lui dit :
- Si tu as jamais besoin d'être fort, tu n'as qu'à dire : par ce poil, que je devienne
lion !
Petit Jean prit le poil de lion, remercia l'animal, et
continua sa route. Il rencontra un chasseur qui
s'apprêtait à tuer un aigle. Il toucha le bras du
chasseur, et ce mouvement lui fit rater son coup.
Et l'aigle qu'il avait sauvé suivit Petit Jean à travers
la forêt.
Quand ils furent loin du chasseur, l'aigle descendit
vers l'enfant, lui donna une de ses plumes, et lui dit :
- Si jamais tu as besoin d'aller plus vite, tu n'as qu'à
dire : par cette plume, que je devienne aigle !
Petit Jean remercia l'oiseau, et continua son chemin, et voilà qu'une fourmi
passait sur le sentier, et Petit Jean allait l'écraser quand il l'aperçut. Il retint
son pied et la laissa passer, puis il repartit. Mais la fourmi l'appela d'une toute
petite voix, lui donna une de ses pattes, et lui dit :
- Si jamais tu as besoin d'être petit, tout petit, si petit qu'on ne te voit pas,
tu n'auras qu'à dire : par cette patte, que
je devienne fourmi !
Petit Jean remercia la fourmi, et continua
son chemin. Après avoir marché plusieurs
jours, il vit le château du Géant. Lorsqu'il
y entra, le Géant, qui était un mangeur
d'hommes, n'était pas là. Il n'y avait que
sa femme. Craignant que le Géant, en
rentrant, n'eût envie de dévorer Petit
Jean, elle lui défendit d'entrer dans la
maison.
Petit Jean compris et la remercia. Il sortit
donc, puis il prit dans sa main la petite patte
de fourmi et dit :
- Par cette patte, que je devienne fourmi !
Immédiatement, il fut changer en fourmi. Il put entrer dans le château sans
que personne ne le vit. Il y prit un peu de vivre pour sa mère, puis, prenant
la plume d'aigle dans sa main, il dit :
- Par cette plume que je devienne aigle !
Il fut transformé en aigle et ainsi, muni d'ailes rapides, alla porter du secours
à sa pauvre mère. Mais il en revint aussitôt et, de nouveau changé en fourmi,
retourna dans le château du Géant. Puis il reprit sa forme humaine et attendit.
Lorsque le Géant rentra, il s'assit à
sa table et ne pensa qu'à manger.
Alors, Petit Jean sortit de sa
cachette, se planta devant lui et dit :
- Je suis venu pour délivrer mon
père que vous avez enlevé, et mon
frère que vous n'avez pas laissé
repartir chez notre mère.
Le Géant, étonné de ce discours, le
regarda, et, voyant Petit Jean si
petit, il trouva bien fort qu'il osât
lui parler sur ce ton-là. Il étendit la
main pour le saisir et le manger,
mais Petit Jean se transforma en lion. Alors, le Géant eut tellement peur qu'il tomba évanoui.
Dans une chaîne autour de son cou, il portait une petite pierre qui lui donnait
toute sa force. Petit Jean savait cela. Il lui prit sa pierre magique, et le Géant
devint faible, aussi faible qu'un homme ordinaire.
Puis, Petit Jean délivra son père et son frère qui vivaient encore, sans tuer le
Géant. Et le père reprit son travail, et tout le monde continua à vivre sa vie
tranquille comme auparavant.
Quelques Contes créoles - Collecte de Madame Schont - Editions Silène
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire