Bonbon était un moustique très maladroit. Il cassait tout ce qui se trouvait devant
lui : vases, poteries, assiettes, verres…. Il avait une longue liste d’objets détruits
à son actif. C’était devenu la calamité des marais. On le craignait plus pour ses
dégâts que pour ses piqûres pourtant douloureuses. Chaque fois qu’on
l’entendait arriver, avec son bourdonnement caractéristique : bizinne, bizinne,
bizinne, aussitôt toutes les ménagères débarrassaient leur table précipitamment,
rangeaient leur vaisselle, et fermaient leur placard à clés. Ensuite, ils ne leur
restaient plus qu’à prier pour que Bonbon évite leur maison …
Un jour, le hasard fit que Bonbon arriva dans une ville où siégeait le musée de
la faïence. C’était une belle bâtisse, de style colonial, très avenante. Bien
entendu, Bonbon fut attiré par le site, et devinez ce qui se produisit : on
entendit d’abord un grand boum, puis plein de petits cliquetis. Alerté par le
bruit, le gardien du musée, un gros chien baveux du nom de Molosse, se précipita
dans la salle.
- Mais, mais, mais… Que s’est-il passé ? Oh non ! s’exclama-t-il en découvrant
le spectacle.
Le vase de l’empereur Citron 1er était au sol, en mille morceaux.
- Oh, quel désastre ! grogna le chien.
Il commença par ramasser les débris quand, au premier étage, il entendit des bruits suspects.
- Oh, mais ça suffit, qui se permet ? Grrrrh, je vais lui faire sa fête…
Trop tard, le sol était jonché d’éclats de verre et de bouts de faïence… Quelle misère ! Le pauvre chien en était tout retourné ! Il fallait agir, et vite, avant que ce sinistre individu ne continue son œuvre désastreuse. Molosse fonça dans les autres salles, chercha partout, mais ne trouva rien. S’était-il sauvé ? Pourtant toutes les fenêtres étaient fermées, normalement….
PATATRAS, cette fois, c’était une assiette très rare, finement ouvragée qui venait de voler en éclat. Ca s’était passé juste à côté, alors là, c’était sûr, il allait attraper ce vaurien. D’ailleurs, il y était déjà dans la salle.
- Alors où, où, où ? Où es-tu, montre-toi que je te fasse passer un mauvais quart
d’heure…
Mais là encore, le chien n’y vit que du feu ! Ce n’était pas possible ! Il y avait de la magie là-dessous, les pièces étaient ensorcelées ou quoi ? Grrrh, de mémoire de chien et de gardien de musée, on n’avait jamais vu ça ! Mais ce n’était pas fini, voilà que maintenant, juste à côté de lui venait de chuter une jolie cruche en verre du siècle dernier. Le chien tenta de la rattraper du bout de ses pattes, en plongeant : une fois, ouille… Deux fois, aïe ! Trois fois… Boum par terre ! Oh zut ! Elle aussi venait de se casser.
Ce fut juste le moment que choisit le directeur du musée, Maître Crocodilus, pour pénétrer dans la salle. Il découvrit, horrifié, le désastre, et apostropha le chien durement :
- Non mais qu’est-ce qui vous prend ? C’est scandaleux ! Vous avez détruit nos plus
belles pièces. Ouste ! Dehors ! Vous êtes renvoyé, et illico presto !
- Mais, mais, mais, ce n’est pas ce que vous croyez, vous vous trompez ! tenta
d’argumenter le chien.
- Ouste j’ai dit, et que je ne vous revoie jamais plus, sinon il risque de vous arriver
quelques ennuis… gronda le crocodile tout à sa fureur.
- Ce n’est pas juste… gémit le chien, en quittant les lieux, la queue basse, les
oreilles baissées.
Non vraiment, il fallait rétablir la vérité et trouver le coupable. Molosse fit alors son enquête. Il interrogea les alentours, informa de ses recherches. Puis, un jour, une ménagère pivert lui dit :
- Je n’ai pas entendu parler d’individu mal intentionné qui attaque les musées. Mais
par contre, s’agissant de casse de vaisselle, je connais quelqu’un qui est redouté
et redoutable dans ce domaine. C’est Bonbon le moustique ! Il est plutôt gentil
mais tellement maladroit !
Un moustique, c’était donc cela ! Voilà pourquoi il ne l’avait pas vu : tout petit, invisible…
- Mais tu aurais dû l’entendre, il fait bizinne, bizinne, bizinne, quand il arrive. C’est
grâce à ce signal que nous essayons de nous en protéger…
- Très bien, très intéressant tout ça… dit le chien qui partit, la bave dégoulinant de
ses mâchoires, à la recherche du terrible insecte.
Il se guida aux cris des ménagères du marais qui hurlaient chaque fois que Bonbon sévissait. Là, il n’était plus très loin, la dame Koala en tablier blanc et noir, râlait vivement : Bonbon venait de lui casser une magnifique poterie que lui avait offert son époux ! D’ailleurs, Molosse pouvait maintenant entendre le bizinne, bizinne, bizinne, reconnaissable.
- Alors là mon gaillard, je te tiens, ton temps est compté !
Il approcha… et BING se prit une assiette sur le coin du museau, suivie d’un pot au lait qui vint juste se placer à l’envers, sur sa tête !
- Oh ggggrrrrrh, je vais le tailler en pièces, le déchiqueter…
Mais deux tasses à café vinrent lui couvrir les yeux, si bien que le chien, aveuglé, la gueule ouverte, alla buter contre un arbre. Ce fut là qu’une grande araignée, Mygalis le trouva.
- Oh, tu as sauvé ma cruche et ma tasse à café ! Oh merci, merci beaucoup, c’était
inespéré ! Avec le passage de Bonbon, je n’aurais pas cru cela possible ! Merci
mon brave, et voici deux sous en guise de récompense…
Molosse, étonné, accepta l’argent, et continua sa poursuite de Bonbon. La scène se reproduisit un peu plus loin. Cette fois, ce fut une pile d’assiettes qu’il reçut sur le dos, et qu’il eut beaucoup de peine à garder en équilibre. Ouf, sauvées ! Aucune n’était cassée, ni même ébréchée ! Pirate le crapaud, embrassa de joie le chien.
- Oh merci pour nos assiettes. Elles ont tellement de valeur pour nous, c’est un
cadeau de notre mariage !
Et en remerciement, il donna à Molosse quatre sous. Au fil des aventures de cette course poursuite effrénée, le chien gagna beaucoup de sous. Il devenait de plus en plus adroit, et parvenait de mieux en mieux à récupérer la vaisselle que faisait tomber Bonbon. Et voici donc comment il se reconvertit, en devenant chien sauveteur de faïence, à la suite de Bonbon, la hantise des ménagères…
Quant à Maître Crocodilus, il eut l’idée de changer son musée en exposition permanente et inédite de mosaïques et accueillit de nombreux visiteurs !
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