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dimanche 28 août 2011

Le chevalier parfait

- Petit chevalier, qu'as-tu fait en premier pour
   être parfait ?

- Belle demoiselle, j'ai appris à monter un
   cheval plus grand que moi. J'ai galopé
   sans peur à travers la forêt, l'été, l'hiver,
   sous la pluie, dans le vent, et même
   quand il y avait des brigands ! Mes
   chiens m'ont conduit loin, au fond des
   bois. Avec mon arc, j'ai visé des ours,
   des daims, des sangliers. Mon épervier
   apprivoisé s'est perché sur mon épaule pour se faire caresser.

- Petit chevalier, qu'as-tu fais après pour être parfait ?

- Belle demoiselle, un beau matin, sans chagrin, j'ai quitté mes parents.
   Je suis parti voir le seigneur dans son château pour devenir son damoiseau.
   Le jour, la nuit, du matin jusqu'au soir, je l'ai servi. Je lui ai passé ses habits.
   J'ai fait luire ses boucliers. J'ai soigné ses chevaux. Il m'a montré comment
   on se sert d'une épée. Il m'a emmené avec toute sa maisonnée dans ses
   grandes chevauchées. Il m'a guidé avec bonté et je l'ai aimé comme mon père.

- Petit chevalier, qu'as-tu fait ensuite pour être parfait ?

- Belle demoiselle, j'ai prêté serment. J'ai promis d'aider les pauvres, les faibles
   et les enfants. J'ai juré de servir mon seigneur, de rester son ami et son allié, 
   dans les bons et les mauvais jours. Sur la grand place, on a sonné le carillon.
   Il y avait belle assemblée avec les barons et les gens des environs. A genoux,  
   j'ai reçu des mains de mon sire le heaume à mettre sur ma tête, l'écu pour me
   protéger contre les coups, l'épée pour en donner ! Ainsi, j'ai été fait chevalier.

- Petit chevalier, qu'as-tu fait encore pour
   être parfait ?

- Belle demoiselle, dans le domaine qu'on m'a
   donné, j'ai fait construire mieux qu'une
   maison, des tours fortifiées aux quatre coins
   de la cour, un chateau entouré d'un fossé
   profond. Alors, j'ai invité mes amis à un
   festin. Je leur ai fait servir des plats
   délicieux, de l'oie rôtie et du bon vin. Les
   jongleurs ont lancé leurs balles pour nous amuser, et au son de la viole, les troubadours ont raconté les exploits des chevaliers.

- Petit chevalier, qu'as-tu fait en plus pour être parfait ?

- Belle demoiselle, j'ai choisi une dame et j'en ai fait la dame de mes pensées.
   je l'ai aimée sans rien lui demander, sauf le droit de la regarder quand elle 
   passe dans son jardin. J'ai composé des poèmes pour célébrer sa beauté.
   J'ai fait venir de loin des musiciens. Avec leurs flûtes et leurs tambours, ils 
   ont joué de beaux airs sous sa fenêtre. Ma dame a gardé les yeux baissés.
   Elle m'a fait donner trois de ses rubans. Depuis je les porte, attachés à mon
   épée.

- Petit chevalier, qu'as-tu fait alors pour être parfait ?

- Belle demoiselle, avec ma bannière et mes plus beaux habits, je suis allé au
   tournoi, mon jeu préféré. J'ai affronté Clotaire, mon plus grand adversaire,
   devant le seigneur, sa dame et leurs amis. Dressé sur mon cheval, ma lance
   droit devant, je l'ai fait tomber vingt fois, il s'est relevé. Il a bien failli me
   renverser. Au grand galop, je l'ai de nouveau visé. Il est tombé, j'ai gagné !
   Tout le monde a crié : vive le petit chevalier !

- Petit chevalier, qu'as-tu fait enfin pour être parfait ?

- Belle demoiselle, au printemps, mon seigneur m'a
   appelé pour aller à la guerre. Nous sommes
   partis pour combattre les ennemis. Nous avons
   brûlé des villages, fait peur aux paysans ! Dans
   un grand pré, nous avons vu arriver les soldats.
   Ils étaient bien cent, à foncer sur nous comme
   des loups ! Dans la bataille, j'ai perdu ma lance,
   mais pas mon épée, et j'en ai tué beaucoup !
   Drapeaux en tête, comme des guerriers, nous
   sommes revenus au château avec nos prisonniers.

- Petit chevalier, si c'est la guerre que tu as fait, si tu as incendié, pillé, tué, tu n'es
   pas, pas du tout, pas du tout, du tout parfait.

- Mais, belle demoiselle, que faut-il donc faire pour être parfait ?

- Ce qu'il faut faire ? Tout le contraire...

- Le contraire, belle demoiselle ? Et quel est le contraire de la guerre ?

- C'est la paix, cher petit chevalier, c'est la paix

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