que l'existence lui avait donné et ne s'était jamais plainte de son sort à qui que ce
soit.
Pourtant, au soir de sa vie, elle trouva soudain que sa maison était décidément
bien trop petite. En effet, si elle écartait les bras, elle touchait pratiquement les
deux murs opposés, et en une enjambée, elle se trouvait dans son lit au seuil de
sa porte. Cette situation lui fut bientôt insupportable.
Un matin, elle décida d'aller voir son voisin, un vieux bonhomme qui était
souvent de bon conseil. Elle alla donc frapper à sa porte :
- Voisin, j'ai une question difficile à te soumettre. Ma cabane est trop petite
et je n'ai pas assez d'argent pour m'en acheter une plus grande. Que
puis-je faire ?
Le bonhomme lui fit alors une bien curieuse réponse :
- Voilà un problème facile à résoudre, voisine... Fais rentrer ta poule chez toi
et reviens me voir demain.
La petite vieille, en rentrant chez elle, était tout de même un peu perplexe.
Dans sa maison qui était déjà trop petite pour elle, il fallait qu'elle fasse
rentrer sa poule ? Elle n'y comprenait rien, mais se dit qu'elle allait tout de
même essayer...
Elle alla donc chercher sa poule au poulailler et l'installa chez elle. Comme
cela était prévisible, la poule prit aussitôt ses aises. Elle pondit un œuf au
beau milieu du tapis et fit tomber la pendule en voulant se percher sur
l'étagère.
La petite vieille sortit de sa poche son grand mouchoir et pleura un long
moment. Voilà qu'elle était encore plus à l'étroit qu'avant !
Il fallait retourner voir le voisin. Celui-ci reconnaîtrait son erreur et l'aiderait
certainement. Elle se rendit donc chez lui dès le lendemain matin :
- Voisin, me voilà maintenant encore plus serrée qu'avant ! Un cornichon
dans son bocal a plus de place que moi ! Dis-moi ce que je dois faire...
Le vieux bonhomme n'hésita pas plus que la veille :
- Tu vas aller chercher ta chèvre et l'installer chez toi.
La vieille dame n'osa pas protester et rentra chez elle. Une fois la chèvre
dans sa cabane, les choses se gâtèrent encore. La chèvre s'assit sur l'œuf
de la poule, se mit à brouter les fleurs dans le vase et finit par se gratter
contre la table, qu'elle renversa. Affolée par tant de remue-ménage, la petite
vieille n'attendit pas le lendemain pour courir chez son voisin :
- Voisin ! Ma maison est maintenant pire qu'une ménagerie ! Dis-moi
vite ce que je dois faire...
Bizarrement, le vieux parut très satisfait d'entendre ces nouvelles :
- Il faut maintenant que tu prennes chez toi ton cochon. Je te promets que
les choses vont s'arranger très vite.
Au point où elle en était, la petite vieille ne songeait même plus à protester.
Elle fit donc entrer son cochon dans sa maison. Celui-ci, qui était d'humeur
joyeuse, se mit à jouer à cache-cache avec la poule et la chèvre, puis, comme
ce jeu l'avait mis en appétit, il s'attaqua au garde-manger, qu'il vida
complètement.
La petite vieille, qui s'était réfugiée sur son lit, parvint à sauter par la
fenêtre pour courir chez son voisin :
- Ca ne peut plus durer ! Ma maison était petite pour moi toute seule,
étroite pour deux, riquiqui pour trois, mais pour quatre, elle est encore
moins que minuscule ! Je t'en supplie, fais quelque chose !
Le vieux bonhomme se frotta les mains de satisfaction.
- Tout va pour le mieux, chère voisine ! Il ne te manque plus que la vache à
installer chez toi.
Abasourdie, la petite vieille s'en revint chez elle et suivit malgré tout les
recommandations de son voisin. Elle eut toutes les peines du monde à
faire passer sa vache par la porte, mais y parvint tout de même après
plus d'une heure d'efforts acharnés.
Après avoir dansé sur le tapis, la vache choisit de faire une sieste sur le lit.
C'est à peine si la petite vieille avait encore la place de remuer un orteil.
En larmes, elle courut chez son voisin :
- Je n'en peux plus. Nous sommes si serrés dans la maison que si une mouche
y entrait, le toit se soulèverait ! Fais quelque chose !
- Ce que tu vas faire, ma chère voisine, est tout simple : tu vas maintenant
sortir les animaux de ta maison un à un. Demain, je t'attends à l'heure du thé
pour que tu me racontes ce qui s'est passé.
La petite vieille, qui décidément ne comprenait plus rien, rentra chez elle. Elle
parvint à se faufiler jusqu'à la cheminée où dormait la poule et passa par la
fenêtre.
Avec un peu de sel, elle attira la chèvre dehors. Une bonne platée de bouillie
d'avoine convainquit le cochon de prendre la même direction. Pour la vache,
ce fut plus difficile, car elle trouvait le lit bien plus confortable que la paille de
son étable.
Mais, à force d'arguments et de coups de balai, la petite vieille réussit à la
mettre dehors. Enfin, elle referma sa porte et se retrouva seule à l'intérieur.
Il se passa alors quelque chose d'extraordinaire.
Pour la première fois, sa cabane lui parut... grande ! immense ! Gigantesque !
Le lendemain, à l'heure dite, elle sonna à la porte de son voisin.
A son grand sourire, il comprit que tout s'était bien passé selon ses plans et que
la petite vieille, maintenant, se trouvait fort bien logée dans sa petite cabane.
Mille ans de contes pour rire (Milan jeunesse)
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