homme nommé Sion Daffyd. Coeur de pierre et tête de bois,
celui-ci n'avait rien à envier au diable, qu'il redoutait moins que
personne. Un matin, justement, alors qu'il se rendait un fléau sur
l'épaule à Lhanfair-Fechan, où s'étendaient ses champs de maïs, il se retrouva nez à nez avec le malin qui transportait un grand sac contenant deux diablotins aussi méchants et rusés que lui.
Une fois n'est pas coutume, le vieil homme engagea aimablement la conversation. Mais
avec de tels compères, le ton ne tarda pas à monter et les injures et les coups se
mirent bientôt à pleuvoir de part et d'autre. Sentant la moutarde lui monter au nez, le
vieux Sion, qui entendait bien avoir le dernier mot, empoigna son fléau et l'abattit sur
le dos du diable avec une telle force que son sac se déchira de haut en bas, laissant
échapper les deux diablotins qui s'y trouvaient.
Tremblants de peur, ces derniers coururent se réfugier à toutes jambes dans le petit
village de Rhiwgyfylchi qui, depuis ce mémorable incident, possède la plus sinistre
réputation. Ravi d'avoir eu le dessus, le vieux Sion poursuivit gaillardement sa route
et passa plusieurs semaines sans revoir son adversaire aux pieds fourchus. Un soir,
cependant, au retour de la chasse, il l'aperçut au détour d'un chemin.- Tiens, qu'est-ce que tu transportes sur ton épaule ? s'enquit le diable qui n'avait encore
jamais vu de fusil ?
- Ma pipe ! répondit Sion avec une petite lueur dans l'oeil.
- Me la prêterais-tu pour que j'en tire une bouffée ?
- Volontiers, mon cher ami ! Laisse-moi donc la glisser dans ta bouche !
Et ceci fait, il pressa la gâchette ! Pour un beau coup de fusil, ce fut un beau coup de fusil !
Sans doute le plus terrifiant que la terre ait jamais connu !
éclair blanc. Décidément, ta pipe ne vaut rien et ton tabac est
beaucoup trop fort pour moi !
Plusieurs mois après ce mauvais tour, le vieux Sion croisa au
détour d'un chemin un brave Gallois, mais il ne fut pas long à
reconnaître sous cette aimable apparence le diable qui, comme
chacun sait, peut se déguiser comme il lui plaît. Cette fois-là,
cependant, aucune bagarre ne vint pimenter cette rencontre, car les deux compères tombèrent d'accord : le vieux Sion, qui avait besoin d'argent, accepta de
vendre son âme au diable contre un gros sac d'or, à condition que ce dernier ne puisse pas se saisir de lui tant qu'il trouverait quelque chose à quoi s'accrocher.
Pendant plusieurs années, le vieux Sion profita de sa richesse, mais un jour, alors qu'il
jardinait bien tranquillement, une force étrange le fit sursauter et le projeta très haut dans
les airs. "Cette fois, ma dernière heure est venue ! soupira-t-il. Je vais croupir en enfer !"
Mais à cette instant, son regard se posa sur son pommier et une brillante idée lui redonna
le sourire.
- Diable, gentil diable, avant de te suivre, je te demande une dernière faveur ! s'il te plaît,
avant de partir, permets-moi de croquer une petite pomme pour rafraîchir mes vieilles
lèvres desséchées !
- C'est peu de chose ! répondit le diable en haussant les épaules. Fais donc à ta guise !
Aussitôt, le vieux Sion escalada le pommier et s'y cramponna de toute ma force de ses
vieux doigts noueux.
- Souviens-toi de ta promesse ! lui cria-t-il alors joyeusement. Tant que je peux
m'accrocher à quelque chose, tu ne peux rien contre moi !
qu'une bourrique, resta cramponné à sa branche sans bouger d'un pouce. Finalement,
fatigué d'attendre, le malin finit par rentrer chez lui, ulcéré et les mains vides.
et un beau jour, même le vieux Sion finit
par mourir. Comme le diable n'était pas
parvenu à l'attirer en enfer, son âme fila tout
droit au ciel. Mais elle était si noire et si rusée
que les portes du paradis refusèrent de
s'ouvrir pour l'accueillir. Alors, faute
d'endroit où aller, le vieux Sion fut
condamné à errer sur terre sous la forme
d'un spectre portant une lanterne et c'est
sous cette forme qu'il apparaît chaque année le jour de la fête d'halloween.
Histoires de fêtes d'ici et d'ailleurs ( Isabelle LAFONTA / Flies France)
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