et il m'avait obligé à assister au dîner. Quand je suis
entré dans le salon, il m'a présenté en disant :
- Et voici votre futur patron !
Parce que l'usine lui appartient, et qu'elle sera à moi
quand je serai grand. En attendant, je m'ennuyais à
mourir. Ils parlaient tous de choses qui ne m'intéressaient pas, que je ne comprenais même pas. alors, j'ai été content quand papa m'a demandé d'aller chercher la salade. J'avais mal aux jambes à force de rester assis sans bouger.
coupe en cristal pour chaque invité, avec des feuilles de salade, des crevettes et des
amandes grillées pour décorer.
dans le frigidaire, derrière le pot de fromage blanc.
J'ai sorti la boîte du frigidaire, j'ai ôté le couvercle et
j'ai glissé un asticot dans chaque coupelle de salade.
Ensuite, j'ai poussé la table roulante jusqu'à la salle
à manger. J'ai servi les invités et je me suis assis.
comment ils se débrouillaient avec leur asticot.
C'était très intéressant. Sauf papa. Il n'arrêtait pas de parler. Il a avalé sa salade et son asticot sans rien remarquer.
Mme Dumont, la secrétaire de direction, a failli s'étoufer quand elle a aperçu la
gentille petite bête qui se tortillait au milieu des crevettes. Mais elle est maligne. Elle
a regardé à droite, elle a regardé à gauche, et pfuit ! de la pointe de son couteau,
elle a expédié l'asticot le plus loin possible. Ni vu ni connu.
M. Lechansu, le chef comptable, lui, il m'a plutôt impressionné. Quand il a découvert l'intrus, il a à
peine froncé un sourcil : il l'a soigneusement
enveloppé dans une feuille de salade et l'a avalé
sans broncher.
chef du département informatique. Quand il a vu
l'asticot, il a eu un hoquet si violent que ses lunettes
ont dégringolé dans son assiette. Ils les a repêchées
et les a remises sur son nez, puis il a fixé la pauvre
bête d'un air horrifié comme si elle allait lui sauter à la figure. Alors, je l'ai un peu aidé. J'ai demandé :
- Vous n'aimez pas les crevettes, monsieur Terrier ?
Il a balbutié :
- Si, si... c'est-à-dire non... je veux dire oui... oui, bien sûr...
Et, courageusement, il s'est lancé. Il a avalé l'asticot d'un seul coup, avec un énorme
morceau de pain, puis il a vidé un verre d'eau pour faire passer le tout. Oh ! la tête
qu'il faisait ! J'ai dû me cacher derrière ma serviette tellement je riais. Mais,
brusquement, mon père m'a rappelé à l'ordre :
- Jean-Victor, dépêche-toi de manger. Tout le
monde a fini depuis longtemps.
Il avait sa voix de président-directeur général.
Alors, je n'ai pas discuté. En trois coups
de fourchette, j'avais avalé ma salade... Et l'asticot.
Asticots (Bernard Friot - Milan Jeunesse)
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