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dimanche 4 décembre 2011

Dragon de feu

Le jeune Dong-Dong pense souvent au "grand
dragon", son cerf-volant perdu lors d'un vol
au-dessus de la cité interdite, et qu'il a fallu
remplacer... Un beau jour, il lui vient cette
question :

- Au fait, qu'est-ce que c'est au juste qu'un
   dragon ?

Son grand-père lui répond :

- Un dragon peut déclencher le tonnerre, soufler le feu, libérer les vents
   et déchaîner la tempête. Il peut faire aussi tomber la pluie.

Et sa grand-mère ajoute :

- Un dragon a une tête de lion avec des cornes de cerf et des yeux de tigre,
   un corps de serpent couvert d'écailles et des pattes griffues comme celle
   d'un aigle. Il est le symbole de la force, de la chance et du bonheur.

- S'il vous plaît, une histoire de dragon... Implore Dong-Dong.

Après avoir tiré sur sa pipe, son grand-père commence :

Il était une fois, dans les temps très anciens...
un pays où sévissait la sécheresse. Pas une
seule goutte de pluie n'était tombée depuis
des années, et la rivière qui reliait le Nord au
Sud n'était plus qu'un courant saumâtre. Les
animaux et les plantes mouraient de soif, la
famine faisait des ravages, le peuple se
désespérait. Impuissants, les chefs des
villages s'en allèrent en groupe demander son
aide à l'ermite Fa Shi, qui vivait retiré sur le
mont des immortels. Il s'y nourrissait de la
rosée du matin, dont il tirait de grands pouvoirs.

- O vénérable maître, supplièrent les villageois, le pays n'en peut plus.
   Sauve-nous de ce malheur !

Le maître accepta et dit :

- Revenez dans trois jours pour la cérémonie d'invocation au ciel.

Trois jours plus tard, le maître avait convoqué
beaucoup de moines et avait fait disposer des
lanternes pour éclairer le chemin de l'Esprit.
Les gongs et les tambours résonnaient dans la
fumée des cierges et les chants sacrées. Une
grande foule se pressait. S'étant recueilli, Fa
Shi leva son bâton magique... Aussitôt le ciel
se couvrit, une bourrasque se mit à souffler,
un éclair zébra le firmament et au milieu des
clameurs parut le Dragon de feu. On le pria de
bien vouloir faire tomber la pluie. Mais le Dragon, en ce temps-là, ne commandait pas à la pluie. Il alla donc à son tour demander l'aide de l'empereur de Jade. L'empereur soupira :

- Hélas, je ne peux rien non plus. Pour faire tomber la pluie, un seul moyen :
   posséder une perle précieuse que détient le Dragon de la mer Orientale.
- J'irai la lui prendre, décida le Dragon de feu.
- Je t'avertis que cette expédition est dangeureuse.
- Que m'importe ! Je donne volontiers ma vie pour sauver celle des hommes.

Emu par cet esprit de sacrifice, l'empereur donna au Dragon les indications et les
conseils utiles, auxquels s'ajoutèrent les encouragements des animaux du palais.
Et le soir même, le Dragon s'envolait vers la mer Orientale. Son vol dura des
jours et des jours, long voyage solitaire à travers les ténèbres glacées, dans le
vent et la tempête.

- Je réussirai, se répétait-il.

Et il arriva un matin au royaume de la mer
Orientale, dont l'entrée était gardée par des
monstres marins et de terrifiants
immortels. Le Dragon les affronta. Ce fut
un violent combat, qui dura jusqu'à la nuit,
mais dont il sortit vainqueur. Sans perdre
de temps, il s'enfonça vers les profondeurs
sous-marines. Après quarante-neuf jours
de plongée, il arriva enfin au palais de la
mer Orientale, dont la salle d'honneur était occupée par huit dragons qui dormaient chacun dans une jarre. Parmi eux, était le Dragon souverain, tenant la perle précieuse dans sa gueule ouverte. Le Dragon de feu s'empara adroitement de la perle et s'enfuit avec elle par la porte sud du palais. Aussitôt il reprit son voyage en sens inverse, vers le mont des Immortels. Mais à peine s'envolait-il, le Dragon de la mer Orientale s'éveilla en sursaut et surgit des profondeurs. Ivre de colère, toutes dents et toutes griffes dehors, il se dressait devant le voleur en lui barrant le passage.

- Rends-moi ma perle, sinon je te réduis en miettes !

Le duel fut sans merci. Le Dragon de la mer
Orientale mesurait  trois fois la taille du
Dragon de feu. Celui-ci, dans le combat, ne
put éviter de lâcher la perle précieuse... Par
chance, au moment où son adversaire se
renversait pour l'attraper, le Dragon de feu,
d'un coup de ses griffes pointues comme des
poignards, put lui trancher la gorge. Le
souverain de la mer Orientale mourut sur le
coup. Blessé, affaibli, et craignant de perdre
la perle précieuse durant son retour vers le
mont des immortels, le dragon de feu jugea prudent de l'avaler.

Dès qu'il l'eut dans son ventre, un feu violent se mit à brûler en lui. Et sous l'effet
de la douleur, un torrent d'eau jaillit de la gueule, qui se répandit sur la terre en
un millier de milliards de gouttes : bonne pluie rafraîchissante tant attendue par
les hommes ! Une grande fierté submergea le Dragon : il avait réussi. Mais sa
victoire lui coûtait cher. A bout de forces, dévoré par les flammes et saignant de
ses blessures, il s'abattit sur les vagues et sombra, non sans un dernier regard
pour ces villageois qui lui devaient tant, et qui l'acclamaient. Tandis que son
cadavre à demi consumé s'enfonçait dans les flots fumants, un éclair embrasa
l'horizon.

Grâce au sacrifice du Dragon, la sécheresse
disparut, ainsi que la famine. Les paysans à
nouveau purent cultiver leurs terres, les
arbres recommencèrent à fructifier et la vie
heureuse reprit son cours, pleine de ces
fleurs et de ces parfums qui nous enchantent
aux beaux jours.

Depuis ce temps-là, chaque année, au début du
printemps, quinze jours après le nouvel an, les
Chinois font danser des dragons de papier et de
bambou, jouent du tambour et lancent des pétards. C'est leur façon de célébrer le Dragon sauveur et d'appeler sur eux la bienveillance du ciel.

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