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dimanche 15 avril 2012

La robe de mariée

Il était une fois un brave jeune homme qui s'appelait
Tom. Un jour, son oncle mourut en lui léguant toute
sa fortune. Désormais nanti d'un joli pécule, Tom
se mit en tête de trouver une fiancée digne de son
rang, car chacun sait que les riches doivent épouser
des femmes plus belles et plus intelligentes que
celles des pauvres !

Tom décida donc de ne se fiancer qu'avec une jeune
fille avisée et capable de manier l'aiguille ou de filer avec habileté. Bien entendu, si d'aventure elle avait une belle dot, cela n'en serait que mieux.

Une fois sa décision prise, Tom galopa jusqu'à la demeure d'un riche voisin
qui avait trois filles à marier. Or, si les trois demoiselles étaient mignonnes à
croquer, elles étaient incapables de s'exprimer correctement. Leur père fit
bon accueil au jeune homme et le fit entrer dans la pièce où ses filles filaient
la laine. Sans ouvrir la bouche, ces dernières se contentèrent de le saluer en
hochant la tête, car leur mère leur interdisait de bavarder.

- Cenesstpasgrave, lui répondit sa soeur en avalant chaque mot.
- Taisezvous ! s'écria la troisième en mangeant toutes les syllabes.

Effaré par leur manière de s'exprimer, Tom s'enfuit à toutes jambes, car il n'avait
que faire d'une fiancée parlant dans sa barbe ! Dépité, il se rendit chez un fermier
qui avait une fille dont chacun chantait les mérites.

Or, si les trois fileuses qu'il venait de voir étaient muettes comme une porte de
prison, cette demoiselle-là n'avait pas la langue dans sa poche ! Derrière son
rouet, elle babillait, papotait et jacassait sans prendre le temps de respirer. Le
pauvre Tom n'avait jamais rencontré de personne aussi bavarde !

- Combien de temps vous faut-il pour finir ce pain de cire ? la questionna-t-il.
- Je travaille si vite que j'en utilise plusieurs par jour pour lisser la laine que
   je file, répondit fièrement la jeune fille.

Suspicieux, Tom attendit que la demoiselle s'absente un instant, s'empara de la
clé qui fermait une commode et la glissa à l'intérieur du pain de cire. Ceci fait,
il prit congé. La semaine suivante, il alla trouver la jeune fille, toujours affairée
derrière son rouet.
- Savez-vous ce qui m'arrive ? lui dit-elle sans même le
   saluer. La clé qui fermait ma commode a disparu
   depuis la semaine dernière. C'est vraiment ennuyeux,
   car toutes mes affaires sont à l'intérieur et je n'ai plus
   rien à mettre.

Aussitôt, Tom saisit le pain de cire posé à côté d'elle et
en retira la clé. Ayant la preuve que la jeune fille
n'était pas aussi adroite qu'elle le prétendait, il lui dit
adieu. Peu après, il entendit parler d'une demoiselle
qui semblait avoir toutes les qualités requises : chacun vantait sa beauté, son intelligence et son habileté à manier l'aiguille. Pensant avoir trouvé la perle rare, Tom demanda à la rencontrer. La famille lui fit grand accueil et le convia à déjeuner.

- Va chercher une bouteille de vin pour notre invité, demanda la mère à la
   jeune fille.

Celle-ci descendit à la cave. Mais séduite par leur visiteur, elle se mit à rêver de
fiançailles et commença derechef à imaginer sa future robe de mariée. Un heure
s'écoula et le vin n'arrivait toujours pas. Inquiète, le fermière descendit à son tour
à la cave et y découvrit sa fille qui bâillait aux corneilles au lieu de s'occuper du vin.

- Si j'épouse Tom, lui dit celle-ci, le choix de ma robe de mariée est de première
   importance. Doit-elle être décolletée ou avoir une longue traîne ?
- La question mérite vraiment réflexion, dit la mère en se laissant tomber sur le
   sol.

Ne voyant revenir ni sa femme, ni sa fille, le fermier s'excusa auprès de Tom et
partit les chercher. Furieux, il les somma de s'expliquer.

- Nous réfléchissons à la robe de mariée ! s'écrièrent-elles en choeur. Doit-elle
   avoir des manches courtes ou un col de dentelles ?
- Oh la la, gémit le père en s'asseyant à côté d'elles. Il faut que je réfléchisse !

Le pauvre Tom se retrouva seul. Au bout d'un moment, redoutant un accident, il
descendit à la cave. Stupéfait, il découvrit ses hôtes
plongés dans leurs pensées et alignés en rang
d'oignons.

- Que faites-vous là ? s'écria-t-il en ouvrant de grand
   yeux.
- Nous réfléchissons à la robe de mariée,
   répondirent-ils à l'unisson. Doit-elle être en soie ou
   en taffetas ?
- En soie ou en taffetas ? hoqueta Tom. C'est tout ce qui
   vous retient ici ? Continuez donc à réfléchir à cette
   importante question, j'y songerai de mon côté !

Sur ces mots, il remonta l'escalier quatre à quatre, et rentra chez lui à bride abattue
en jurant de rester vieux garçon puisqu'aucune de ces demoiselles ne semblait avoir de cervelle.

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