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mercredi 31 août 2022
Gulliver chez les géants
Cheval Fou
- Papa, demande Billy un matin, est-ce que tu connais un indien ?
- Un indien ? non, répond son père. Les indiens habitent de l'autre côté
de la montagne. Un hamster cow-boy n'a rien à faire là-bas.
Billy va trouver son ami Jean-Claude, le ver de terre.
- Jean-Claude, tu viens avec moi chez les indiens ? Ils habitent de l'autre
Côté de la montagne.
Jean-Claude hésite.
- J'aimerais bien, dit-il, mais c'est trop loin pour moi.
- Je te porterai, dit Billy, si toi tu portes la bouteille d'eau.
- Alors d'accord, dit Jean-Claude.
Mais la route est longue et la montagne est haute. Arrivé à la maison
de Barbichette, Billy ne peut plus faire un pas de plus, tellement il est
fatigué. Curieuse, Barbichette sort de sa maison.
- Qu'est-ce que vous faites par ici, les enfants ?
- Nous voulons voir les indiens, dit Billy. Mais c'est trop loin.
- Oh, mais vous êtes presque arrivés ! dit Barbichette. Je vais vous aider
pour le dernier bout de chemin.
Et Barbichette porte Billy, qui porte Jean-Claude, qui porte la bouteille
d'eau.
En haut de la montagne, la vue est grandiose, mais ils ne voient aucun
indien nulle part. Barbichette a une idée, d'abord ils doivent allumer un feu.
- Les indiens se parlent avec des signaux de fumée, explique Barbichette.
Elle a l'air de s'y connaître. Elle jette l'herbe sur le feu pour faire beaucoup
de fumée.
- Billy, aide-moi à tenir mon châle. Voilà. Regardez. Je fais trois petits
nuages. Ca veut dire : "Venez, nous sommes des amis". Les indiens
vont les voir de loin et ils viendront vers nous. Maintenant, il faut juste
un peu de patience, dit Barbichette.
Ils attendent. Billy croit entendre un bruit, mais non. Le silence s'installe.
- Ils vont venir ? chuchote Jean-Claude. Tu n'as pas un peu peur ?
Mais Billy n'a pas le temps de répondre, car soudain FFFFVVVVVOUIT !
Une flèche venue de nulle part transperce son chapeau.
- Ooooh ! crie Jean-Claude, et il s'évanouit.
Vite, Billy traîne Jean-Claude à l'abri.
- Arrêtez ! Ne tirez pas !! crie Barbichette.
Un indien surgit de derrière les buissons.
- Comment ça, ne tirez pas ? dit-il. Mais madame, vous avez fait trois nuages !
Ca veut dire "au secours" ! Je pensais que le cow-boy vous voulait du mal, moi !
- Oups, fait Barbichette, je me suis trompée. Je voulais faire le signal de l'amitié.
- Ah. Eh bien, vous avez tout faux, dit l'indien. Pour l'amitié, il faut faire deux
nuages, pas trois.
- Je suis encore vivant, dit Billy, mais regardez Jean-Claude ! Il est à moitié mort !
L'indien s'approche.
- Pauvre petit, dit-il. Il s'est évanoui de peur.
- Evanoui ? dit Billy, tu crois ? Passe-moi la bouteille d'eau.
Jean-Claude ouvre les yeux.
- Un indien ! crie-t-il, terrifié, et il manque de s'évanouir à nouveau.
- Ne t'inquiète pas, dit l'indien, je suis un ami. Je m'appelle Moineau Tranquille.
- Moineau Tranquille ? Drôle de nom pour un coyote, remarque Billy.
- On m'appelle comme ça parce que je me cache dans les buissons, comme les
moineaux , mais sans faire de bruit, explique Moineau Tranquille.
- Moi, c'est Jean-Claude, dit Jean-Claude, d'une petite voix. Parce que j'ai un
grand-père qui s'appelle Jean et l'autre qui s'appelle Claude.
Pour se faire pardonner de lui avoir fait si peur, Moineau Tranquille veut faire
un cadeau à Jean-Claude. Barbichette éteint le feu et ils suivent Moineau
Tranquille jusqu'à son Tipi.
Moineau Tranquille offre à Jean-Claude un cadeau de grande valeur : une
plume d'aigle.
- Voilà, dit Moineau Tranquille, tu es un indien, maintenant. Il te faut un nom
d'indien. Que dirais-tu de... Petite Herbe au Vent ? Parce que tu es si délicat ?
Jean-Claude fait la moue.
- Je préférerais un nom plus... plus fort, comme, euh, Cheval Fou.
- Bon d'accord, dit Moineau Tranquille. Tu t'appelles Cheval Fou.
- Oui, eh bien, Cheval Fou, il va falloir rentrer, dit Billy. Sinon papa va
m'attendre.
Barbichette reste encore un peu avec Moineau Tranquille. Il veut lui montrer
comme faire de beaux signaux de fumée. Billy et Jean-Claude prennent le
chemin du retour.
- Je te porte, Cheval Fou ? demande. Ou est-ce que tu préfères rentrer au galop ?
- Très drôle, dit Jean-Claude.
- Papa, dit Billy en arrivant à la maison, me revoilà ! Et regarde qui est avec moi !
Son père se retourne.
- Un indien ! s'écrie-t-il, stupéfait. Comment est-ce que... ?
- Il s'appelle Cheval Fou, dit Billy. Regarde-le bien, il ne te fait pas penser à
quelqu'un ?
- Ca alors... mais... c'est Jean-Claude ! Depuis quand es-tu un indien, Jean-Claude ?
- Depuis aujourd'hui.
- On aura tout vu, dit le père. Tu aimes toujours les noisettes grillées, j'espère ?
- Ah ça oui, dit Jean-Claude.
- Regardez ! s'exclame soudain Billy, là-bas, le signal de fumée !!
- Ooooh ! s'écrie Jean-Claude...
Mais cette fois il ne s'évanouit pas, il avale juste un peu de travers, tellement il
est ému.
Cheval Fou (Les Lutins de l'Ecole des Loisirs - Catharina Valckx)
Petit Noun
C'était au temps lointain et heureux des hippopotames bleus.
Partout en ce temps-là, du fond des marécages qui bordaient
les cités, leur gros dos rond marquait l'horizon.
En bons maîtres du fleuve qu'ils étaient, ces pachydermes se
prélassaient avec délices dans les eaux tranquilles du Nil.
Autour d'eux, des fleurs poussaient et au fil du temps, leur
feuillage avait gravé son empreinte sur leur peau qui brillait
au soleil. Les poissons les frôlaient, les papillons s'y posaient
et les oiseaux picoraient sans crainte ces étranges rochers d'azur.
Un jour, le plus jeunes d'entre eux, qu'on nommait Petit Noun,
devint l'ami d'Antef, un grand vieillard aux cheveux blancs.
Chaque soir, côte à côte, ils admiraient le soleil couchant.
- Le soleil meurt chaque jour pour renaître chaque matin, disait
le vieil homme. Moi aussi, bientôt, je me coucherai comme lui.
Commencera alors pour moi un bien long voyage...
Quand Antef partit pour ce royaume inconnu et qu'on le coucha
dessous la terre, le petit hippopotame s'allongea près de lui et tomba
dans un profond sommeil. Le temps passa, des jours, des mois, des
siècles...
L'oubli semblait les avoies ensevelis pour de bon lorsqu'un beau
matin, dans les premières lueurs du jour, des pelles se mirent à
creuser la terre. Puis des mains commencèrent à la fouiller doucement.
Elles en sortirent un à un une foule d'objets, plus précieux les uns que
les autres. Réveillé en sursaut, Petit Noun fila se cacher sous une pierre.
C'est là seulement qu'il remarqua sa taille : au lieu d'avoir grandi au fil
des ans, il était devenu petit, tout petit...
A la première occasion, Petit Noun se glissa à l'air libre. Dehors, plus
rien ne ressemblait au pays d'autrefois. La cité s'était comme volatilisée
et dans le fleuve, les monts bleus avaient disparus.
Où était ses frères, ses amis, ses parents ?
Plus une fleur ne poussait alentour, plus un oiseau ne volait dans le ciel.
Le vent, le temps avaient tout emporté.
- Il faut que se retrouve les miens, se dit Petit Noun. Peut-être sont-ils
partis pour les pays lointains dont Antef m'a si souvent parlé...
Et il se mit en route, minuscule point bleu dans le grand désert doré. Il
trottina ainsi des jours durant. Plus il marchait, plus le sable lui collait
à la peau, recouvrant la belle couleur turquoise de son dos. Bientôt, il se
mit à briller autant que le soleil...
Peu à peu sous ses pattes, une terre argileuse finit par remplacer le sable
chaud du désert. Cà et là, des maisons bordaient la route. Au premier
coup de vent, Petit Noun prit des allures de soleil couchant.
Au loin, une forêt apparut. Petit Noun la traversa de bout en bout, se roula
dans les feuilles dont il se régala. Il en ressortit... vert prairie.
Un jour enfin, à l'autre bout du temps, Petit Noun aperçut de hautes
silhouettes à l'horizon. Un épais brouillard flottait dans l'air lourd de
poussière et de fumée. Epuisé, Petit Noun se coucha et s'endormit.
Lorsqu'il se réveilla, il était gris souris. Petit Noun soupira. Il
voyageait depuis si longtemps, jamais il ne retrouverait ses ancêtres
disparus !
Lorsqu'il vit l'eau qui coulait calmement dans les méandres du
fleuve, il s'y glissa pour y pleurer tranquille. Et là, soudain, tandis que
le courant lavait pour de bon son dos rond, il les aperçut... Ses parents !
Ses frères ! Ses amis ! C'étaient bien eux qui l'attendaient, là, dans leur
pyramide de verre ! Fou de joie, Petit Noun courut les rejoindre de toute
la force de ses petites pattes.
Depuis, il dort près d'eux dans la longue nuit du temps tandis que, un
peu partout sur terre, tous les hippopotames se baignent, inlassablement,
dans l'espoir de retrouver un jour leur dos turquoise d'antan.
PETIT NOUN, (GERALDINE ELSCHNER, ANJA KLAUSS) L'ELAN VERT