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dimanche 30 septembre 2012

Jojo sans peur

Jojo n'avait pas froid aux yeux. Il lui arrivait d'avoir
froid aux mains, froid aux pieds, mais froid aux yeux,
jamais. Son père avait peur du gendarme. Sa mère
avait peur du dentiste. Ses copains avaient peur du
loup, de la maîtresse et du noir, lui jamais.

Sur le plongeoir de la pistoche, là où les autres ont la
pétoche, il allait sans trembler. Quand les autres se
faisaient un sang d'encre pour un devoir mal fait, il
gardait son sang-froid. La chair de poule, il ne l'avait qu'en sortant du bain si quelqu'un faisait un courant d'air.

- La porte !

La peur donne des ailes, lut-il un jour dans une sombre histoire de bandits.

- Quelle chance ont les trouillards, ils savent voler !

Jojo essaya de faire peur à toutes sortes de bêtes pour voir si elles s'envolaient. Aux chats,
aux chiens, aux hamsters ou aux poissons rouges. Aucune de ces bêtes ne s'envolait. À sa
mère, il fit une belle trouille.

- Hou !

Mais à part la gifle qu'il récolta, il n'apprit rien de neuf. Ses parents s'inquiétaient.

- Tant qu'il n'aura pas eu une peur bleue, ce gamin sera insupportable.

Un jour que Jojo était à l'école, ils se déguisèrent. Le
père en Dracula, la mère en sorcière. Quand Jojo
arriva le soir, ces deux guignols ne l'effrayèrent point.

- Où sont mes parents ?

Dracula ricana, la sorcière cracha, toussa et dit d'une voix de fausset :

- Tes parents ? Je les ai transformés en lézards !

En lézards ? L'idée plut d'abord à Jojo. Puis il se
souvint que le matin même, il avait arraché la queue
d'une de ces bestioles, juste pour lui faire peur. Jojo
devint vert de peur. Il avait peut-être coupé son père
ou sa mère en deux !

Dracula se dédraculassa, la sorcière se désorciérisa,
pour rassurer Jojo. Depuis qu'il a eu peur, Jojo
respecte les bêtes; leur faire peur ne l'amuse plus.

- Pardon, pigeons.  

La peur, ça vous scie les jambes, ça ne donne pas d'ailes… même au fils de Dracula !

Jojo sans peur (Bruno Heitz - Circonflexe)

Des lunettes providentielles


Dans toute la forêt alentour, madame la Taupe avait une très mauvaise réputation. Pensez
donc, elle ne s'arrêtait jamais pour dire bonjour, et parfois même renversait les pauvres
petites bêtes qui croisaient son chemin.

Le plus astucieux des habitants de la forêt, le lapin Augustin, décida un jour de lui rendre
visite et de lui demander franchement la raison de ce comportement.

- Madame la Taupe, dit Augustin, pourquoi êtes-vous donc toujours si grognon ?
   Vous ne saluez jamais personne, vous n'avez jamais un mot aimable.
- Mais ce n'est pas de ma faute, répondit la taupe, je n'y vois rien et quand je
   m'aperçois de quelque chose, il est déjà trop tard.
C'était donc ça ! Augustin réunit alors tous les animaux qui décidèrent d'offrir une paire de
lunettes à madame la Taupe pour son anniversaire.

Maintenant, tout le monde trouve qu'elle est la plus gentille et la plus polie des habitants de
la forêt.

Le dromadaire mécontent



 










Un jour, il y avait un jeune dromadaire qui n'était pas content du tout. La veille, il
avait dit à ses amis:

- Demain, je sors avec mon père et ma mère, nous allons entendre une conférence,
   voilà comme je suis moi !.

Et les autres avaient dit :

- Oh, oh, il va entendre une conférence, c’est merveilleux. 

Et lui n'avait pas dormi de la nuit tellement il était impatient, et voilà qu'il n'était pas
content parce que la conférence n'était pas du tout ce qu'il avait imaginé : il n'y avait
pas de musique et il était déçu, il s'ennuyait beaucoup, il avait envie de pleurer.

Depuis une heure trois quarts un gros monsieur parlait. Devant le gros monsieur il y
avait un pot à eau et un verre à dents sans la brosse et, de temps en temps, le monsieur
versait de l'eau dans le verre, mais il ne se lavait jamais les dents et visiblement irrité il
parlait d'autre chose, c‘est-à-dire des dromadaires et des chameaux.

Le jeune dromadaire souffrait de la chaleur, et puis sa bosse le gênait beaucoup; elle
frottait contre le dossier du fauteuil, il était très mal assis il remuait. Alors sa mère lui dit :

- Tiens-toi tranquille, laisse parler le monsieur, et elle lui pinçait la bosse;

Le jeune dromadaire avait de plus en plus envie de pleurer, de s'en aller... Toutes les cinq
minutes, le conférencier répétait :

- Il ne faut surtout pas confondre les dromadaires avec les chameaux, j'attire, mesdames,
   messieurs et chers dromadaires votre attention sur ce fait : le chameau a deux bosses
   mais le dromadaire n'en a qu'une !

Tous les gens, de la salle disaient :

- Oh, oh, très intéressant et les chameaux, les dromadaires, les hommes les femmes et les
   enfants prenaient des notes sur leur petit calepin.

Et puis le conférencier recommençait :

- Ce qui différencie les deux animaux c'est que le dromadaire n'a qu'une bosse, tandis que,
   chose étrange et utile à savoir, le chameau en a deux ...

A la fin le jeune dromadaire en eut assez et, se précipitant sur l'estrade, il mordit le conférencier :

- Chameau ! dit le conférencier furieux.

Et tout le monde dans la salle criait :

- Chameau, sale chameau, sale chameau !

Pourtant c’était un dromadaire, et il était très propre.

                                                       Jacques Prévert

Le miroir des fées célestes

Avez-vous déjà entendu parler du palais de Brocart ?
Mais si, bien sûr, c'est le palais des deux fées célestes
qui tissent tout le long du jour, les nuages, pour
l'empereur du Ciel. Vous vous tromperiez bien si vous
les croyiez heureuses de leur sort car les deux fées
s'ennuient à mourir dans leur palais. Un jour d'ailleurs,
elles se sont sauvées. Écoutez plutôt...

Ce jour-là, c'était l'anniversaire de l'empereur du Ciel
et tous ses serviteurs étaient occupés aux préparatifs
d'un grand festin. Les employés célestes s'amusaient
dans les salles impériales et la garde de la porte du Sud, celle par laquelle on descend sur la terre, buvait joyeusement à la santé de l'empereur et sombrait peu à peu dans une somnolence béate. Les deux fées célestes étaient restées seules.

Dans leur merveilleux palais, elles s'ennuyaient de vivre constamment dans la béatitude, de
boire tous les jours du nectar et de tisser tous les jours un nuage en forme d'enclume et sept
nuages blancs moutonneux. Leurs jours se ressemblaient comme un neuf ressemble à un
autre neuf et nos deux fées s'ennuyaient, s'ennuyaient à mourir.

- Tu sais, petite sœur, soupirait la plus jeune, je préférerais m'en aller et descendre sur la
   terre plutôt que de continuer à m'ennuyer ici. Les hommes ne connaissent pas leur
   bonheur !    Tant de travail, et toujours du nouveau, ça me plairait tellement !
- A moi aussi, continua l'aînée, et si tu voyais leurs montagnes et leurs rivières qui
   serpentent ! Que c'est beau ! Rien de pareil dans ce palais ennuyeux. Et si nous nous
   sauvions ? 

Le chemin n'est pas long de la pensée à l'acte. Les deux fées
célestes se mirent en route et, sur la pointe des pieds, tout
doux, tout doux, elles se faufilèrent jusqu'à la porte du Sud
qui conduisait à la terre. Les gardes dormaient profondément.
Les deux jeunes filles se glissèrent dehors furtivement.

- Maintenant, petite sœur, proposa la cadette, nous allons nous
   séparer. Tu iras vers le Sud, et moi vers le Nord. Et lorsque
   nous aurons trouvé un être en détresse, nous resterons pour
   l'aider.

Ainsi se séparèrent les deux fées. Et tout se passa comme l'avait dit la plus jeune. Toutes
deux rencontrèrent deux vieilles femmes solitaires et usées et restèrent à les aider. Bientôt,
elles perdirent leur teint transparent et devinrent toutes roses. Elles se plaisaient beaucoup
sur la terre. Jamais plus elles ne pensaient au ciel.

Mais rien n'est éternel, hélas. Cent ans avaient passé sur la terre, cent ans, ce qui fait
exactement sept jours au ciel. Les festivités avaient pris fin et l'empereur Céleste
commença à chercher les deux jeunes filles. Mais en vain, elles étaient introuvables.

- Où sont-elles donc passées, gronda l'empereur. Voilà un moment qu'il n'a pas plu et
   j'aurais besoin qu'on me tisse au plus vite un nuage d'orage. 

Et l'empereur fit chercher les deux fées. Les serviteurs revinrent bientôt pour lui
apprendre que la porte du Sud était ouverte et que les deux jeunes filles s'étaient
probablement sauvées.

- C'est un comble ! s'écria l'empereur. Qu'on me les ramène au plus vite ! Sinon,
   j'enverrai sur la terre une sécheresse abominable !.

Alors les messagers célestes descendirent sur la terre à la recherche des deux fées.
Ils les trouvèrent enfin. Mais les jeunes filles ne voulaient pas rentrer. Pourtant, il fallut
bien se rendre ! Pouvait-on désobéir à un ordre de l'empereur du Ciel ? Tête baissée,
les yeux pleins de larmes, les deux fées reprirent le chemin du ciel. En arrivant devant
la porte du Sud, la plus jeune dit :

- Petite sœur, je crois que je mourrai de regret si je ne peux plus regarder le monde en
   bas ! 

L'aînée hocha la tête en soupirant, puis elle dit :

- J'ai une idée. Jetons nos miroirs. Ainsi, quand nous regarderons en bas, nous y verrons se
   refléter le monde entier.

Alors les deux jeunes filles sortirent leurs miroirs de leurs
larges manches et les jetèrent en bas. Les miroirs
descendirent en scintillant, ils tournoyèrent un instant avec
de petits sifflements et tombèrent sur la terre où ils se
transformèrent en deux lacs enchantés dont les eaux
limpides reflétaient les montagnes, les forêts, les collines et
les hommes. Et savez-vous où sont ces deux lacs ? L'un
est en Chine, c'est le Grand Lac Occidental, et l'autre au
Vietnam, à Hanoi.

Au pays du cirque magique

Au pays du cirque Magique, un drame se joue. Le
clown Kiférire ne trouve plus son nez rouge ! Il le
cherche partout, dans les loges, dans le chapiteau,
dans les écuries, sous les estrades, sous les tapis…

Il lève la tête pour regarder vers les acrobates, rien !
Il va voir les singes, les lions, les éléphants, rien ! Pas
de nez rouge nulle part ! C’est le drame car la
prochaine représentation est dans quelques heures…

Il regarde même sous la queue du boa Cricri, sous
les pattes du tigre Léon, derrière l’oreille de la girafe Julie, rien pas de nez rouge il est perdu !

L’horloge vient de sonner quatre heures et les petits enfants qui habitent
dans le cirque Magique croquent leur goûter sans se douter des misères du
clown Kiférire.

Kiférire ne sait plus où chercher et, seul dans sa roulotte, de grosses larmes
coulent de ses yeux entraînant des traces sur la peinture blanche de son visage.
Il interroge l’homme orchestre Kifaiboum, le magicien Tesmalin, le dompteur
Hercule, personne n’a rien vu !

Il pense soudain que de la peinture rouge fera l’affaire,
mais hélas le dernière goutte a été utilisée pour
repeindre les bancs du cirque.

- Qui a bien pu être assez méchant pour me cacher
   mon nez rouge pleurniche t’il !

Soudain une petite colombe se pose sur la fenêtre. Elle
regarde Kiférire si triste, si malheureux. Alors elle lui dit
dans l’oreille :

- Si tu veux je peux t’aider, moi je sais qui t’a pris ton nez rouge.

Kiférire n’en revient pas ! Un oiseau qui parle et ce n’est même pas un perroquet !

- Non, lui dit la colombe je suis la fée Cloé et je sais où est ce nez rouge que
   tu cherches depuis un long moment. Si tu lèves la tête tu pourrais peut être le
   voir, mais il ne fait pas encore nuit. Mais cependant je peux avec mon téléphone
   qui est dans le manche de ma baguette magique te mettre en contact avec
   l’auteur de ce larcin !

Kiférire ne sais pas trop ce qu’il doit croire, mais le temps presse, le spectacle
va bientôt commencer. S’il y a un moyen de retrouver son nez rouge alors allons-y !

Il colle son oreille sur la baguette de Cloé et entend :

- C’est moi la Lune ! Je suis honteuse, c’est moi qui t’ai volé ton nez rouge.
   De voir rire tous les soirs les petits enfants, j’ai trouvé mon ciel bien triste et
   là-haut dans le ciel les petites étoiles ne s’amusent pas beaucoup. Alors je
   n’ai pas résisté au plaisir de faire rire les étoiles moi aussi. Mais il me
   fallait ton joli nez rouge. Voilà maintenant tu sais tout alors je vais te le rendre
   bien sûr !

Kiférire n’en revient pas ! Il propose alors à la lune :

- Si tu veux je vais t’en acheter un pour toi aussi et la
   fée Cloé te le porteras dès demain matin, dès que
   je serais près d’une ville pour aller faire cet achat.

Ainsi Kiférire peut, ce soir là, faire rire tous les petits
enfants car la fée Cloé vient de lui rapporter son nez rouge. Si vous levez la tête le soir les petits enfants vous pouvez peut être voir dans le ciel les étoiles scintiller de rire devant la lune  qui fera son numéro de clown.

Le fouet magique

Virgile et Didi passent l'après-midi ensemble.

- On peut aller faire un petit tour, tous les deux ? demande
   Virgile à sa maman.
- Pas trop loin, mes chéris, répond-elle.

Dans la forêt, tout à coup, Virgile dresse l'oreille.

- Tu n'as pas entendu un cri ? On dirait que quelqu'un
   appelle au secours... Il faut qu'on aille voir.
- Mais c'est dangereux, là-bas, répond Didi.
- Tant pis, il faut y aller, décide Virgile.

Un oiseau pris dans un filet appelle désespérément. Virgile et Didi courent le
libérer.

- Oh merci, mes amis, dit l'oiseau en s'envolant. Si jamais vous
   avez besoin de moi, appelez-moi, je viendrai aussitôt.

Il faut rentrer maintenant. Mais Virgile et Didi ne retrouvent
plus leur chemin. Didi se concentre :

- Je crois que c'est par là.
- Non, dit Virgile. Sûrement pas.
- Et si on demandait à l'oiseau de nous aider ?
- Pas question ! déclare Virgile. Il faut qu'on se débrouille
   tout seuls.

La nuit est tombée. A la lumière de la lune, une haute maison apparaît.

- Allons voir ! dit Virgile.

Virgile frappe à la porte. Didi, prudente, s'est cachée derrière la maison. La porte
s'ouvre.

- Oh, le mignon petit ! Entre, mon lapin, je vais te préparer à
   dîner.

Virgile a peur, il voudrait s'enfuir mais c'est trop tard. La
sorcière l'a attrapé au bout d'un long fouet et le fait tourner,
tourner comme une toupie.

- Danse ! Danse pour moi, petit lapin; ricane-t-elle. Danse
   avec mon fouet magique, tu auras meilleur goût dans ma
   marmite !

Pauvre Virgile, le fouet l'a ensorcelé. Il est obligé de danser. Il ne peut pas s'arrêter. Derrière la fenêtre, Didi a tout vu. Sans que la sorcière la voie, à petits pas de souris,
elle se glisse dans la maison. Tout doucement, elle s'approche
du fouet magique, s'en empare... et le lance à Virgile qui
l'attrape au vol.

Aussitôt le charme cesse d'agir. A toute vitesse, Virgile fait
tourner le fouet autour de la sorcière et la ligote au fauteuil,
malgré ses cris de rage. Didi appelle :

- Oiseau ! oiseau ! vole à notre secours !

L'oiseau tient sa promesse. Il demande à son amie la mouette
de transporter la sorcière jusqu'au lac où les sorcières perdent tous leurs pouvoirs. Puis il
guide Virgile et Didi sur le chemin de leur maison.

Les parents de Virgile sont tout heureux de les retrouver et de
les serrer dans leurs bras. Sa maman a préparé un magnifique
petit déjeuner pour fêter leur retour. Bien sûr, l'oiseau est invité.  

Le fouet magique (Olga Lecaye - l'Ecole des Loisirs)

samedi 29 septembre 2012

Au pays des petits poux

Le pays des petits poux est un vieux matelas
abandonné au fond du jardin. Les petits poux
y habitent depuis des années. Chaque petit
pou dans son petit trou.

Aujourd'hui c'est l'anniversaire du petit poux
gras. Tous les autres petits poux du pays sont
invités dans la grand trou, au milieu du matelas.
C'est la première fois qu'ils vont tous se rencontrer.

Pour l'occasion, le petit pou gras a préparé de délicieux gâteaux à la poussière de matelas : il a accroché de petites lanternes colorées, et a installé un puissant tourne-disque pour la musique. Car c'est bien connu : les petits poux adorent danser et sautiller partout. On sonne enfin à la porte :

- Youhou ! s'écrie le petit pou gras, ce doit être mes
   invités !

Et il se précipite pour ouvrir. Une fois la porte
ouverte, il observe attentivement les autres
petits poux. Il est surpris car il s'attendait à
trouver d'autres petits poux blancs et gras
comme lui. Quelle déception ! Il regarde alors
un petit pou devant lui et lui demande d'une voix contrariée :

- Pourquoi tu es maigre comme un haricot ?

Le petit pou maigre ne sait pas trop quoi dire. Il regarde son voisin et lui demande :

- Et toi, pourquoi tu es jaune comme une banane ?

Vexé comme un pou, le petit pou jaune se tourne vers son voisin :

- Pourquoi, toi, tu as de grands yeux ? Tu ressembles à un hibou.

Un hibou ? Ne sachant pas quoi répondre, le petit pou
aux grands yeux regarde autour de lui et s'adresse à
son voisin :

- Et toi, on dirait que tu as des baguettes à la place des
   jambes !

Confus, le petit pou aux longues jambes demande
alors à son voisin :

- Et toi, d'où te viennent toutes ces couleurs ? Tu ressemble à un perroquet !

Le pou multicolore se retourne vers le petit pou gras et le questionne à son tour :

- Mais toi, au fait, pourquoi tu es gras comme un hippopotame ?
- Quelle question bête ! répond le petit pou gras, oubliant que c'était lui qui l'avait
   posée le premier. Je ne sais pas, je suis né comme ça, un peu gras.

A son tour, le petit pou maigre répond :

- Moi non plus, je ne sais pas : je suis né comme ça, un
   peu fin.
- C'est pareil pour moi, j'ai toujours été jaune de la
   tête aux pieds, c'est tout, dit le petit pou jaune.
- Moi, j'ai les yeux de ma maman ! affirme le petit pou
   aux grands yeux.
- A ma naissance, j'avais déjà les jambes aussi longues, dit cet autre pou d'un air embarrassé.
- Moi aussi, je suis né tout coloré ! dit le pou multicolore en souriant timidement.

Sur ce, le petit pou gras conclut d'un ton satisfait :

- Rentrez ! Il semblerait qu'on y peut rien.
- Oui, on n'y peut rien, allons danser ! s'écrient les
   petits poux en choeur.

Et, après ces grandes réflexions, ils se précipitent
tous sur la piste de danse et se mettent à sautiller
à droite et à gauche.

Car au pays des petits poux, comme dans tous les
autres pays du monde, on ne choisit pas : on naît comme on naît, l'un différent de l'autre. Il n'y a que les poux qui ne le savent pas.

Au pays des petits poux (Béatrice Alemagna - Phaidon)

samedi 22 septembre 2012

Susie au magasin

Susie est devenue une grande fille. Maintenant, elle
peut aller toute seule au magasin.

- Va acheter un sac de haricots, lui demande
   Grand-Maman.
- Facile ! dit Susie

Susie tient le porte-monnaie de Grand-Maman serré
dans sa main. Tout le monde peut voir qu'elle va faire
les courses. Elle en a de la chance !

A l'épicerie, il y a beaucoup de clientes. Des clientes qui sortent et d'autres qui entrent. Comment ça marche ? se demande Susie. Personne ne la voit. Finalement, Susie
réussit à s'approcher du comptoir.

- C'est au tour de cette petite fille, dit une cliente.
- Que veux-tu ? demande l'épicière.
- Un sac... un sac de...

Un sac de quoi ? Susie a oublié. Tout le monde la regarde.

- Un sac de pommes de terre, peut-être ? demande l'épicière.
- Oui, dit Susie.

Ouf, ça y est ! Elle a fait les courses ! Maintenant, elle
retourne à la maison. Ce sac est vraiment très grand.
Il est aussi un petit peu trop lourd. Quand on la voit
avec ce gros sac bien rempli, tout le monde comprend 
que Susie revient du magasin. Ouf ! que ce sac est
lourd !

Méchante Grand-Maman ! Pourquoi m'as-tu fait
acheter cet énorme sac qui pèse une tonne ?
Grand-Maman est fort étonnée lorsque Susie entre en tirant un sac presque aussi grand qu'elle.

- Mais, ma chérie, qu'est-ce que c'est que ça ?
- Des pommes de terre ! Mais c'est horriblement lourd !
- Tu devais acheter des haricots, Susie, un sac de haricots.
- Des haricots ! C'est ça ! J'ai dit à la dame que je voulais des haricots, mais elle m'a 
   quand même donné des pommes de terre.
- Ah bon ? Elle est bizarre cette épicière !
- Oui, elle est très méchante. J'ai dit : Je ne veux pas de pommes de terre, je veux des
   haricots. Alors elle a dit : Tu prendras des pommes de terre !
- Mais elle est folle : te faire porter un sac aussi lourd ! Je vais aller lui dire un mot, moi,
   à cette épicière !

Grand-Maman est partie avec le sac de pommes de terre.
Elle est furieuse contre l'épicière. Grand-Maman est
bientôt de retour.

- Susie, dit-elle, qu'est-ce que cela signifie ? Tu as dit à
   l'épicière que tu voulais des pommes de terre. Tu te
   moques de moi ?

Susie ne répond pas. 

- Susie, tu as peut-être oublié ce que tu devais acheter ?
- Oui, un petit peu.
- Ça peut arriver à tout le monde, mais tu ne dois plus jamais raconter des mensonges.
   Promis ?
- Promis.
- Maintenant, tu vas aller acheter deux petits pains aux raisins pour le goûter, dit
   Grand-Maman.
- Facile, s'écrie Susie.

La pâtisserie n'est pas loin et des petits pains, c'est facile à porter.

- Petits pains aux raisins,  petits pains aux raisins... raisins, raisins, raisins... Ne pas
   oublier : raisins !

Lorsque Susie arrive devant la pâtisserie, elle n'a pas
oublié "petits pains aux raisins", mais le porte-monnaie
de Grand-Maman a disparu. Susie court vers la
maison en pleurant silencieusement. Comment cela
a-t-il pu arriver ? Quand elle arrive chez Grand-Maman,
elle éclate en sanglots.

- On m'a volé le porte-monnaie !
- Calme-toi, dit Grand-Maman, tu l'as peut-être laissé
   tomber sur le trottoir. Allons voir...
- Il est là ! Il est là !

Susie saute de joie.

- Rentre à la maison, Grand-Maman. Moi je vais au magasin.

Susie n'attend pas longtemps. C'est déjà son tour. Le porte-monnaie est toujours
là, dans sa main.

- Je voudrais deux... deux...
- Deux quoi ? demande la vendeuse. Des choux à la crème ? Ils sont tout frais...
- Je crois que c'est ça, dit Susie.

La vendeuse dispose deux choux dans une boîte en
carton.

- Ça ira pour les porter ? demande-t-elle.
- Oh oui, bien sûr ! Susie a déjà porté des choses
   tellement plus lourdes.

Mais cette boîte, c'est bizarre. Lorsque
Grand-Maman fait les courses, elle ramène des
sachets, jamais des boîtes... Susie s'est-elle
encore trompée ?

- Non, non, c'est parfait !

Susie au magasin (Eva Erikson - Pastel)

samedi 15 septembre 2012

Asticots

Je m'ennuyais, Oh ! comme je m'ennuyais !

Papa avait invité tous les gens importants de l'usine
et il m'avait obligé à assister au dîner. Quand je suis
entré dans le salon, il m'a présenté en disant :

- Et voici votre futur patron !

Parce que l'usine lui appartient, et qu'elle sera à moi
quand je serai grand. En attendant, je m'ennuyais à
mourir. Ils parlaient tous de choses qui ne m'intéressaient pas, que je ne comprenais même pas. alors, j'ai été content quand papa m'a demandé d'aller chercher la salade. J'avais mal aux jambes à force de rester assis sans bouger.

Je suis allé à la cuisine. Tout était préparé sur une table roulante. Il y avait une petite
coupe en cristal pour chaque invité, avec des feuilles de salade, des crevettes et des
amandes grillées pour décorer.

En voyant les coupelles de salade, tout à coup, je ne sais pas pourquoi, j'ai pensé aux
asticots. Aux asticots pour la pêche que je conserve
dans le frigidaire, derrière le pot de fromage blanc.

J'ai sorti la boîte du frigidaire, j'ai ôté le couvercle et
j'ai glissé un asticot dans chaque coupelle de salade.
Ensuite, j'ai poussé la table roulante jusqu'à la salle
à manger. J'ai servi les invités et je me suis assis.

Après, je ne me suis plus ennuyé. J'ai regardé
comment ils se débrouillaient avec leur asticot.
C'était très intéressant. Sauf papa. Il n'arrêtait pas de parler. Il a avalé sa salade et son asticot sans rien remarquer.

Mme Dumont, la secrétaire de direction, a failli s'étoufer quand elle a aperçu la
gentille petite bête qui se tortillait au milieu des crevettes. Mais elle est maligne. Elle
a regardé à droite, elle a regardé à gauche, et pfuit ! de la pointe de son couteau,
elle a expédié l'asticot le plus loin possible. Ni vu ni connu.

M. Lechansu, le chef comptable, lui, il m'a plutôt impressionné. Quand il a découvert l'intrus, il a à
peine froncé un sourcil : il l'a soigneusement
enveloppé dans une feuille de salade et l'a avalé
sans broncher.

Le plus drôle, je trouve, c'était M. Terrier, le
chef du département informatique. Quand il a vu
l'asticot, il a eu un hoquet si violent que ses lunettes
ont dégringolé dans son assiette. Ils les a repêchées
et les a remises sur son nez, puis il a fixé la pauvre
bête d'un air horrifié comme si elle allait lui sauter à la figure. Alors, je l'ai un peu aidé. J'ai demandé :

- Vous n'aimez pas les crevettes, monsieur Terrier ?

Il a balbutié :

- Si, si... c'est-à-dire non... je veux dire oui... oui, bien sûr...

Et, courageusement, il s'est lancé. Il a avalé l'asticot d'un seul coup, avec un énorme
morceau de pain, puis il a vidé un verre d'eau pour faire passer le tout. Oh ! la tête
qu'il faisait ! J'ai dû me cacher derrière ma serviette tellement je riais. Mais,
brusquement, mon père m'a rappelé à l'ordre :

- Jean-Victor, dépêche-toi de manger. Tout le
   monde a fini depuis longtemps.

Il avait sa voix de président-directeur général.
Alors, je n'ai pas discuté. En trois coups
de fourchette, j'avais avalé ma salade... Et l'asticot.

Asticots (Bernard Friot - Milan Jeunesse)

C'est bizarre

Très loin d'ici, sur une autre planète, il y a un pays avec une maison dans laquelle vivent :
un élastique, un pot de mastic, deux moustiques et un sac en plastique. C'est normal, ils
sont amis.

Pour y aller, il faut se laver puis s'habiller. On met un costume en pilou, des bottes en
caoutchouc, un chapeau mou et des lunettes sur les genoux. C'est normal, on ne va
pas y aller tout nu.

Dans ses bagages, avec sa brosse à dents, on emporte : des rotules, des capsules, des
modules et des tubercules, sans oublier du savon pour faire des bulles et d'autres jeux
ridicules. C'est normal sinon on s'ennuierait.

Sur la route, on fait une halte sur l'astre Tur. Au bar de l'astéroïde, on rencontre
un minuscule androïde. Personne d'autre. C'est normal, il y a peu de mots en roïde.

Avec sa boisson verte, on commande un sandwich dans lequel on découvre : une feuille
de rhododendron, deux oreilles de polisson à la sauce de limaçon et quelques
poils de paillasson. C'est normal, dans les bars de l'espace, on ne trouve pas de baguette
au saucisson avec des cornichons. Pas de fromage non plus.

En repartant, on constate que la fusée est couverte de griffures, de rayures,
d'éclaboussures, d'épluchures de pommes de Tur avec en plus une fine couche de
confiture... C'est normal, l'androïde n'était pas bien élevé.

428 ans plus tard, arrivé sur la planète, on fait bonjour avec les mains, on offre son
cochon en massepain aux gentils martiens, on visite le joli jardin public et on demande
son chemin. C'est normal, on ne fait pas bonjour avec un cochon en massepain, on
ne demande pas un gentil jardin, on ne visite pas les mains et on n'offre pas un joli
martien à un chemin public.

Devant la maison des amis, on est poli, on reste assis sur un tapis sans faire de bruit
coiffé d'un tamis... C'est normal, c'est dimanche.

Alors, la porte s'ouvre... sur le seuil apparaît le sac en plastique qui frétille et s'écrie :

- Venez voir, il y a quelqu'un devant chez nous qui a mis un tamis sur sa tête !

Les deux moustiques, le pot de mastic et l'élastique accourent et disent en coeur : ...
COMME C'EST BIZARRE !

C'est bizarre (Benoît Jacques - Benoît Jacques Book)