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jeudi 29 mars 2012

Le monstre poilu

Au milieu d'une sombre forêt, dans une caverne
humide et grise, vivait un monstre poilu. Il était
laid; il avait une tête énorme, directement posée
sur deux petits pieds ridicules, ce qui l'empêchait
de courir. Il ne pouvait donc pas quitter sa
caverne. Il avait aussi une grande bouche, deux
petits yeux glauques, et deux longs bras minces
qui partaient de ses oreilles et qui lui permettaient
d'attraper les souris.

Le monstre avait des poils partout : au nez, aux
pieds, au dos, aux dents, aux yeux et ailleurs. Ce monstre-là rêvait de manger des gens. Tous les jours, il se postait sur le seuil de sa caverne et disait, avec des
ricanements sinistres :

- Le premier qui passe, je le mange.

Mais jamais les gens ne passaient par là, car la forêt était bien trop profonde
et bien trop sombre. Et comme le monstre ne pouvait pas courir, à cause de
ses petits pieds ridicules, il n'attrapait jamais personne. Pourtant, avec patience,
il continuait à attendre et à dire :

- Le premier qui passe, je le mange.

Un jour, un roi chassait dans la forêt, et il se perdit entre les arbres. Il s'approcha
par mégarde de la caverne du monstre poilu. Deux longs bras surgirent d'un coin
sombre pour attraper le roi.

- Ha ! s'écria la vilaine bête, enfin quelque chose de meilleur à manger que
   les souris.

Et le monstre ouvrit une large bouche.

- Arrête ! arrête ! s'écria le roi, je connais quelque
   chose de bien meilleur que moi à manger.
- Et quoi ? demanda le monstre.
- Des enfants bien tendres, dit le roi.
- Ah ? dit le monstre.

Alors il attacha une grande ficelle à la jambe du
roi et dit qu'il voulait bien le laisser partir s'il
pouvait lui ramener un enfant à manger. Le roi
promit qu'il reviendrait avec le premier gamin qu'il rencontrerait.

- Attention, ajouta le monstre poilu, si tu essaies de me tromper, je tire sur la ficelle
   et je te ramène ici. Compris ?
- Compris, dit le roi.

Il monta sur son cheval et galopa jusqu'à l'orée de la forêt. Là il s'arrêta, sortit une
grande paire de ciseaux de sa sacoche et essaya de couper la ficelle qui le rattachait
au monstre. Mais il fut bien surpris : la ficelle était impossible à couper.

- Ha ! ha ! ricana le monstre au loin, n'essaie pas de me tromper.

Désolé, le roi se remit en route. Il traversa bientôt un village, espérant y rencontrer
un gamin. Mais il fut bien déçu : dans les rues, il n'y avait personne, tous les enfants
étaient à l'école. Alors le roi continua à galoper, avec sa ficelle toujours attachée
au pied. En arrivant près de son château, il vit enfin une fillette qui courait devant
lui au milieu du chemin.

- Ah ! se dit-il, voilà tout à fait ce qu'il me faut !

Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit,
en s'approchant, que la fillette en question
était sa propre fille, la petite Lucile, qui s'était
échappée du château pour aller s'acheter des
malabars. Furieux, le roi la gronda :

- Je t'avais interdit de manger des malabars !
   Et je t'avais aussi interdit de sortir du
   château. Ah ! si tu savais... Et il raconta la
   promesse qu'il avait faite au monstre.

A l'autre bout de la ficelle, dans sa caverne humide et grise, le monstre entendait
tout grâce à son écouteur.

- Hahahaha ! ricanait-il, pas d'entourloupette ! Je veux cette petite fille tout de
   suite. Sinon...

Le roi se mit à pleurer et la petite Lucile dut le consoler :

- Ne pleure pas papa, dit-elle, je veux bien aller chez le monstre me faire manger.
- Ah ! malheureuse, sanglota le père. Hahahaha !

Il fit monter la petite fille sur son cheval et retourna à la caverne, d'où le monstre
le guidait en tirant sur la ficelle. Arrivé là, il déposa sa fille en tremblant. Le
monstre détacha la ficelle et ordonna au roi de partir tout de suite. Puis il se tourna
vers la fillette qui attendait poliment, les mains derrière le dos.

- Haha ! s'écria le monstre, je vais te manger, mon petit lapin.
- Poil aux mains, dit Lucile.
- Quoi ? dit le monstre.
- Je dis : Poil aux mains, parce que vous avez des poils aux mains, dit Lucile.
   (Et c'était tout à fait exact. Le monstre avait bien des poils aux mains, vu
   qu'il avait des poils partout.)
- Ça, par exemple ! dit le monstre, petite effrontée !
- Poil au nez ! dit Lucile.

Surpris le monstre dut reconnaître qu'il avait aussi des
poils au nez, puisqu'il était poilu partout. Mais comme
il était en colère, il menaça la fillette.

- Je vais t'apprendre, moi ! - Poil aux doigts, dit Lucile.
- Tu vas le regretter ! - Poil aux pieds !
- C'est tout de même malheureux  - Poil aux yeux !
- Attention, je compte un... - Poil aux mains !
- Deux... - Poil aux yeux !
- Trois... - Poil aux bras !
- Quatre ! - Poil aux pattes !

Le monstre, hors de lui, se roulait par terre de colère. C'était d'ailleurs très drôle à
voir. Maintenant, il hurlait :

- Ce ne sont pas des manières de princesse ! - Poil aux fesses !
- Maintenant, c'est fini ! - Poil au kiki !

Le monstre enrageait. La fureur le faisait gonfler, gonfler, gonfler, gonfler. Il enfla
tant et tant qu'à la fin il éclata de colère, explosant en petits morceaux qui
s'envolèrent dans tous les sens et devinrent des papillons multicolores et des fleurs
parfumées. En dessous, sous la peau du vilain monstre poilu, apparut le jeune
garçon le plus mignon qu'on eût jamais vu.

- Je suis le prince charmant, poil aux dents, déclara-
   t-il avec un beau sourire. Tu m'as délivré, poil au
   nez, d'un mauvais sort, poil au corps, qui me
   retenait prisonnier, poil aux pieds, depuis des
   années, poil au nez. Merci, poil au kiki. Tu me
   plais beaucoup, poil au cou. Veux-tu m'épouser,
   poil aux pieds, nous serons heureux, poil aux yeux.

La petite fille trouva la proposition charmante. Elle
accepta tout de suite et les deux enfants s'envolèrent sur le dos d'un papillon géant. A partir de ce jour, jamais plus, jamais plus, on n'entendit parler du monstre poilu. Point final.

4 commentaires:

  1. Mignonne petite histoire! Je ne m'attendais pas à cette fin et je l'aime bien! L'ami véritable dit la vérité: quitte à ce que notre orgueil en soit blessé (Proverbes 27,6). Je compte utiliser ce texte pour une lecture auprès de mes élèves du primaire. Merci, poil de kiki.

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  2. Histoire la plus étrange jamais entendu d'après mes enfants , mais très très drôle !!! Merci poil au kiki !

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