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jeudi 2 août 2012

Une famille de fous

Depuis sa naissance, Jack vivait dans une famille de
barjos, de brindezingues et de frappadingues. Aussi
fut-il très inquiet lorsque son père décida de
construire une maison. Mais une fois finie, la maison
s'avéra solide et bien bâtie. Elle était même parfaite,
à l'exception d'un léger défaut.

- Il fait beaucoup trop sombre là-dedans, constata le
   père de Jack. Va chercher un seau, mon fils, et
   aide-moi à transporter la lumière du soleil à
   l'intèrieur.

Jack et son père firent en courant plusieurs allers et retours et déversèrent des seaux entiers de lumière sur le plancher. Mais la maison ne devint pas plus claire pour autant.

- Tu sais, papa, dit Jack, il suffirait de percer quelques fenêtres pour laisser entrer le
   soleil.
- Pourquoi ne me l'as-tu pas dit plus tôt ? s'exclama le père.

Il alla chercher une scie et découpa des fenêtres un
peu partout. Ensuite, il posa sa scie par terre et
partit acheter des vitres avec Jack. A leur retour, ils
trouvèrent la mère de Jack en train de pleurer toutes
les larmes de son corps.

- Regardez-moi cette scie qui traîne dans la passage,
   se lamenta-t-elle. Imaginons que notre Jack se
   marie un jour et qu'il ait un bébé, le pauvre petit
   pourrait se couper en rampant dessus !

A ces mots, Tom, le frère de Jack, ne fit qu'un bond.

- Il faut punir cette méchante scie ! s'écria-t-il. Je m'en vais de ce pas la noyer avant
   qu'elle ne blesse le pauvre bébé de Jack.

Il ramassa la scie, l'emporta jusqu'à la rivière et la jeta à l'eau. Jack secoua la tête avec
consternation.

- Tu viens de jeter un outil bien utile, lui dit-il. Je suis vraiment tombé dans la famille la
   plus stupide du monde ! Je m'en vais. Si jamais il m'arrive de croiser trois personnes
   encore plus bêtes que vous, alors je reviendrai à la maison.

Jack prit son manteau, ses bottes et son chapeau, puis il s'éloigna sur la route. A la
tombée du jour, il frappa à la porte d'une auberge et réclama une chambre pour la nuit.

- Désirez-vous manger quelque chose avant de dormir ? lui
   proposa l'aubergiste.
- Je prendrai volontiers un oeuf dur, répondit Jack.

Peu après, des cris épouvantables s'échappèrent de la cuisine.

- Cot ! cotcot ! coooot !

Jack se précipita pour voir ce qui se passait. Il trouva
l'aubergiste tenant d'une main une casserole d'eau
bouillante et de l'autre une poule.

- Cot ! cotcot ! coooot ! hurlait le malheureux volatile.
- Comment voulez-vous que cette poule ponde un oeuf dur si elle refuse de boire de l'eau
   bouillante ? demanda l'aubergiste en secouant la tête.

Jack lui conseilla alors de prendre un oeuf déjà pondu et de le plonger dans la casserole.
"Voilà déjà mon imbécile numéro un, se dit-il en montant se coucher".

Il faisait tellement froid que Jack n'arrivait pas à s'endormir. La couverture lui arrivait à
peine à la taille et, quand il la tirait jusqu'au menton, ses pieds se retrouvaient à l'air. Il
appela la femme de chambre.

- S'il vous plaît, apportez-moi une couverture plus
   grande, dit-il.
- Inutile, répondit la servante. Il suffit de rallonger
   celle-ci.

Sur ce, elle coupa la couverture en deux et cousit la
partie du bas avec celle du haut.

- La voilà plus longue à présent, déclara-t-elle.

"Quelle bécasse ! songea Jack. Voilà mon imbécile
numéro deux." Le lendemain matin, Jack entendit un terrible vacarme au-dessus de sa tête. Bam, bam, bam ! Vlan ! Bam, bam, bam ! Vlan ! Il grimpa au deuxième étage pour voir ce qui se passait et n'en crut pas ses yeux. Il y avait là un homme qui avait accroché son pantalon entre deux chaises et qui traversait sa chambre en prenant son élan, bam ! bam ! bam, afin de sauter dans son pantalon.

Après quoi, il s'étalait sur le plancher, vlan ! Jack lui conseilla de s'asseoir au bord du lit et
d'enfiler ses jambes, l'une après l'autre, dans le pantalon.

- Ah ! C'est donc comme ça qu'on fait ! s'écria l'homme.

Et il remercia chaleureusement Jack de son aide. "Voilà mon imbécile numéro trois", se
dit Jack. Il décida alors de rentrer chez lui comme convenu. J'ai entendu dire que Jack et
Tom avaient ouvert un magasin et que leurs affaires
marchaient fort bien.

Ils vendent des cornets de glace percés, des boules de
pétanque carrées et des allumettes ininflammables
qui remportent un grand succès auprès de tous les
imbéciles du coin !


Les vingt contes les plus drôles du monde (Judy Sierra - Gallimard Jeunesse)

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