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mercredi 28 décembre 2011

Les vagabonds

Coq dit à Poule :

- Voici venue la saison des noix, allons donc
   sur la montagne nous en régaler avant que
   l'écureuil n'ait tout récolté.
- D'accord, répondit Poule, allons-y, ce
   sera un formidable festin !

Aussitôt, ils se rendirent sur la montagne et comme la journée était fort
belle, ils y restèrent jusqu'au soir. Etait-ce parce qu'ils avaient trop mangé
ou parce qu'ils étaient devenus arrogants ? En tout cas, ni Coq ni Poule ne
voulurent s'en retourner chez eux à pied. Coq dut construire une petite
voiture avec des coquilles de noix. Lorsqu'elle fut prête, Poule s'installa
dedans et lui dit :

- Je peux t'atteler maintenant !
- Il n'en est pas question ! répondit Coq, je préfère rentrer à pied plutôt
   que d'être comme un animal de trait. Nous n'avions rien convenu de la
   sorte. Je veux bien être cocher et m'asseoir sur le siège, mais tirer
   moi-même la voiture, jamais !

Tandis qu'ils se disputaient ainsi, dame Canard arriva en caquetant :

- Bande de voleurs ! Qui vous a permis d'entrer chez moi et d'aller sous
   mes noyers ? Attendez un peu ! Il vous en cuira !

Le bec ouvert, elle fonça sur Coq. Mais Coq, qui ne se laissait pas intimider
si facilement, risposta férocement. Il la frappa et lui asséna de tels coups
d'ergot que dame Canard finit par implorer sa pitié et accepta, en guise de
punition, de tirer la petite voiture. Coq s'assit sur le siège du cocher et cria :

- Dame Canard, au grand galop !

Lorsqu'ils eurent déjà fait un bon bout de
chemin, ils croisèrent deux piétons :
Epingle et Aiguille.

- Arrêtez-vous ! arrêtez-vous ! s'écrièrent
   ces dernières.

Elles expliquèrent qu'il allait bientôt faire
nuit noire de sorte qu'elles ne pourraient
plus marcher. Et puis la route était si sale
qu'elles ne pourraient pas non plus s'y
asseoir. Elles s'étaient trop attardées à la tarverne du Tailleur. Comme elles étaient particulièrement minces, elles ne prendraient pas beaucoup de place. Coq consentit donc à les laisser monter. Cependant,  elles durent promettre de ne pas piquer les pattes de Poule.

Tard dans la soirée, l'équipage arriva devant une auberge. Personne ne voulait
poursuivre le voyage de nuit, d'autant plus que, fatiguée, dame Canard n'avançait
qu'à grand-peine. Ils décidèrent donc d'entrer. Voyant que le petite troupe n'était
pas d'une condition très élevée, l'aubergiste émit de multiples objections,
prétendant que son établissement ne comptait plus un seul lit de libre. Finalement,
Coq lui proposa de garder l'oeuf que Poule avait pondu en chemin, et celui que
dame Canard pondrait demain. A cette condition, l'aubergiste accepta de les
héberger pour la nuit.

Les cinq compères dînèrent avec grand appétit, choisissant les mets les plus fins.
Le lendemain, à l'aube, alors que tout le monde dormait encoree, Coq réveilla
Poule. Il alla chercher l'oeuf de dame Canard et l'ouvrit d'un coup de bec.
Ensemble, ils le dégustèrent, puis jetèrent les morceaux de coquille sur le
fourneau. Coq et Poule s'approchèrent ensuite d'Aiguille, qui dormait encore,
l'attrapèrent par la tête et l'enfoncèrent dans le coussin du fauteuil préfére de
l'aubergiste. Puis ils plantèrent Epingle dans la serviette de bain du pauvre
homme avant de s'envoler à tire-d'aile. Dame Canard les entendit partir. Elle
se leva, sortit et trouva bientôt un ruisseau, dont elle suivit le cours à la nage
- inutile de dire qu'elle avançait bien plus vite qu'en tirant la petite voiture !

Quelques heures plus tard, l'aubergiste se leva à son tour. Après s'être lavé, il
s'essuya avec sa serviette, mais voici que l'épingle lui passa sur le visage et l'érafla
d'une oreille jusqu'à l'autre. Il alla dans la cuisine et voulut fumer sa pipe, mais
lorsqu'il s'approcha du fourneau pour l'allumer, les morceaux de coquille d'oeuf lui
sautèrent dans les yeux.

- Le monde entier veut ma peau ce matin !
   s'exclama-t-il tout en se laissant choir
   dans son bon vieux fauteuil.

Mais il se releva d'un bond, en hurlant.
L'aiguille venait de le piquer, et ailleurs que
dans le doigt... Maintenant, l'aubergiste
était fou de rage. Il soupçonna les hôtes
qui étaient arrivés si tard la veille d'être
coupable de ces forfaits. Il alla voir ce qu'il
était advenu d'eux et constata qu'ils avaient
pris la poudre d'escampette. Il jura alors de
ne plus jamais accueillir de vagabonds dans son auberge, car bien souvent ils
mangent beaucoup, ne paient rien et, en guise de remerciement, ne trouvent
rien de mieux que de vous jouer de mauvais tours.

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