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vendredi 30 novembre 2012

Perséphone, ou la naissance des saisons

La déesse Déméter, protectrice de la Nature, avait une fille unique qu'elle chérissait.
C'était une très belle enfant, fraîche comme un bouton de fleur et rosée comme les
fruits qui mûrissent lentement au soleil. Cette jeune fille s'appelait Perséphone. Notre
déesse attentionnée passait beaucoup de temps avec l'adolescente; elle lui enseignait
les secrets de la terre, lui parlait des céréales, des légumes et des fruits qu'elle faisait
croître. Et la vie suivait son cours.

Pendant ce temps, au royaume des morts, le dieu Hadès observait Déméter et sa fille.
Il avait remarqué la beauté de Perséphone et il espérait secrètement l'épouser. Il
conçut pour cela un astucieux stratagème. Comme cela lui arrivait fréquemment,
Déméter partit en voyage. Hadès fit alors fleurir une multitude de narcisses. C'était
une belle journée, Perséphone sortit avec une amie. Elle flânait, insouciante, dans la
campagne fleurie de narcisses, s'attardait pour en faire un bouquet, s'éloignant ainsi
de sa compagne. Cet instant fut propice au dieu des morts.

Alors qu'elle se penchait pour ramasser une fleur, le sol s'ouvrit et Hadès surgit dans
toute sa splendeur. Perséphone, surprise, ne put alerter son amie et elle fut emportée
dans les profondeurs de la Terre. Nul ne pouvait sortir du monde souterrain sans le
consentement d'Hadès. C'était un lieu terrible, peuplé de monstres et d'ombres. L'air
y était irrespirable, plein de gémissements, de souffrance et de cris, auxquels succédait
parfois un sinistre silence. En découvrant cet univers, si différent de celui qu'elle
connaissait, Perséphone ne put retenir ses larmes. C'est ainsi qu'elle devint reine des Enfers.

En revenant de son voyage, Déméter s'alarma de ne pas trouver sa fille chez elle,
comme elle en avait l'habitude. Alors, la déesse de la Nature quitta l'Olympe et partit à la
recherche de Perséphone Elle était si triste, Déméter, d'avoir perdu son enfant, qu'elle
refusait de faire germer les graines. Plus rien ne poussait; les hommes et les animaux
mouraient de faim. Puis un jour, enfin, la déesse apprit le nom du ravisseur. Indignée, elle
alla trouver Zeus et demanda qu'on lui rende Perséphone.

Depuis longtemps déjà, Zeus était inquiet la terre avait trop souffert de cette situation ! Il
prit donc parti pour la déesse.

- Mais, rappelle-toi, si ta fille goûte aux fruits de l'empire des ombres, elle ne pourra en 
   ressortir.

Et aussitôt, Zeus ordonna au dieu des Enfers de relâcher la captive. Malheureusement,
Perséphone avait déjà mangé quelques grains de grenade. De ce fait, Hadès refusa de la
libérer complètement. Pour revoir sa mère, la jeune fille dut promettre de revenir
régulièrement près du puissant dieu des morts.

Lorsque Déméter retrouva enfin son enfant, elle laissa éclater sa joie de la plus belle
manière qui soit : elle fit reverdir les champs et recouvrit les arbres de fleurs et de
bourgeons. Quel soulagement alors pour les hommes, les femmes et tous les animaux !
Mais Perséphone ne pouvait rester plus de quatre mois auprès de cette mère aimante et
généreuse. Et la séparation suivante fut un nouveau déchirement pour la déesse de la
Nature. Elle ne supportait pas de voir la Mort s'emparer de la beauté de son enfant pour
la garder si longtemps enfermée dans le triste royaume des Enfers.

Perséphone siégeait alors auprès d'Hadès. Elle gardait sa fraîcheur et sa beauté, mais, 
si loin des plaisirs du monde vivant, elle prenait un air sombre et tragique Jusqu'à ce qu'elle 
retrouve sa mère. Petit à petit, la Nature, les mortels et les animaux se sont habitués aux 
allées et venues de Perséphone. À chaque printemps, Déméter retrouve sa fille pour une ou 
deux saisons seulement, et la nature, si triste en hiver, reprend alors vie.

Isa PYTHON - Mythes et légendes

mardi 6 novembre 2012

Aya et son grand frère

Aya joue à la poupée. Son grand frère en profite pour
s'en aller... Mais Aya s'en aperçoit.

- Où tu vas ? Je viens avec toi.
- Pas question, dit le grand frère. Tu es trop petite.
   D'ailleurs, ta poupée a besoin de toi. Occupe-t'en.
- Fallait pas y toucher ! proteste Aya. Elle venait juste
   de s'endormir. Ma pauvre poupée ! Ce méchant t'a
   réveillée. Dodo... dodo... ma petite poupée.

Le grand frère s'éclipse... Aya le rattrape dans l'entrée.

- Attends, je viens avec toi.
- Bon, très bien, dit le grand frère. Puisque c'est comme ça, je reste. Je vais lire
   un livre.
- Alors moi aussi, je vais lire un livre, dit Aya.

Aya lit tout haut : Il était une fois un grand-père, très vieux, avec une barbe blanche,
qui vivait seul dans la montagne... Elle s'endort. Son grand frère tente un nouveau
départ... Mais Aya se réveille en sursaut. Elle le retient de justesse.

- Je te dis que je viens !
- Allez d'accord, soupire le grand frère. Je t'emmène.
   Mais au moins, fais pipi.
- Ca y est, dit Aya. Et tu vois que je suis grande : je
   mets mes chaussures toute seule. Maintenant on
   peut y aller. Gentil grand frère !

Aya se met à courir, toute contente. Elle a gagné.

Aya et son grand frère (Yoriko Tsutsui / Akiko Hayashi - l'Ecole des loisirs)

mercredi 24 octobre 2012

Le cochon d'Hollywood

Il était une fois un cochon qui se voyait au sommet, mais n'était
qu'un petit poucet. Il lui poussait de grandes oreilles pour
s'envoler vers les merveilles, avec des jambes de sept lieues
il se prenait pour un dieu. Avec de longs cheveux dorés du
haut d'un donjon il rêvait. Mais dans son miroir magique il avait
l'air beaucoup moins chic.

Le lundi je serai jongleur : il s'entraînait sans peur. Le mardi : poésie
jusqu'à la nuit. Le mercredi : des jugements rendit. Le jeudi il joue
d'Artagnan et chante avec les enfants. Vendredi son jour de sport
il bat tous les records. Samedi un éléphant mâle l'emmène jusqu'au
Taj-Mahâl. Le dimanche, gros comme une baleine il s'échoue au pays des rennes.

Les Esquimaux sont très gentils mais il a très froid dans son lit. Le
facteur sonna deux fois... d'Hollywood vint un contrat. Très vite il
fait ses valises et fonce sur les banquises. Le temps presse, c'est la
panique, il attrape le "Titanic". Le bateau traverse la nuit lorsqu'un
iceberg surgit. Un glaçon vient à propos, notre héros est plus au
chaud.

Longtemps, il vogue à la dérive, en vue de New York il arrive.

- Hello ! s'exclame Miss Liberty, il y eut plein de confettis.

Il traverse l'Amérique, Hollywood c'est fantastique ! Le scénario
servi par Wong; son premier rôle : le singe Pig-Kong. Notre homme
crève l'écran. Quel triomphe ! Époustouflant ! En homme singe
nommé Tarzan, sa carrière prend son élan.

Villas, femmes et voitures; une étoile est née c'est sûr ! Un soir
jouant au piano il rencontre un affreux Jojo. L'affreux Jojo n'est
pas tendre : il envoie notre ami s'étendre. De ses blessures remis
bientôt, il retourne sur le plateau. Jouant "Ben Hur et son char",
il vole de victoire en victoire.

Les américains le font président et lui construisent un monument.

mardi 23 octobre 2012

Pirouette cacahuète


Il était un petit homme, pirouette cacahuète
Il était un petit homme qui avait une drôle de maison, qui avait une drôle de maison.

Sa maison est en carton, pirouette cacahuète
Sa maison est en carton, les escaliers sont en papier, les escaliers sont en papier

Si vous voulez y monter, pirouette cacahuète
Si vous voulez y monter vous vous casserez le bout du nez, vous vous casserez le bout du nez

Le facteur y est monté, pirouette cacahuète
Le facteur y est monté, il s'est cassé le bout du nez, il s'est cassé le bout du nez

On lui a raccommodé, pirouette cacahuète
On lui a raccommodé avec du joli fil doré, avec du joli fil doré

Le beau fil, il s'est cassé, pirouette cacahuète
Le beau fil, il s'est cassé, le bout du nez s'est envolé, le bout du nez s'est envolé

Un avion à réaction, pirouette cacahuète
Un avion à réaction a rattrapé le bout du nez, a rattrapé le bout du nez

Mon histoire est terminée, pirouette cacahuète
Mon histoire est terminée, messieurs, mesdames applaudissez

Bout de paille, braise et haricot

Dans un petit village vivait une pauvre vieille femme, qui
s'était ramassé un plat de haricots et voulait les faire cuire.
Elle dressa son feu dans la cheminée et l'alluma avec une
bonne poignée de paille pour qu'il brûle plus vite. Quand
elle mit ses haricots dans la marmite, il y en eut un qui lui
échappa par mégarde, et qui vint choir sur le sol juste à
côté d'un brin de paille; l'instant d'après, c'était un bout
de braise qui sautait du foyer et qui venait tomber auprès
des autres. Le bout de paille entama la conversation :

- Chers amis, d'où arrivez-vous comme cela ?
- La chance m’a permis de sauter hors du feu, répondit la braise et sans la force de cet
   élan, c'était pour moi la mort certaine : je serais maintenant réduite en cendres.
- Je l’ai échappé belle aussi, répondit le haricot à son tour, car si la vieille femme m’avait
   jeté dans la marmite, irrémissiblement c'en était fait de moi et j'étais cuit avec les autres.
- Croyez-vous peut-être que j’aurais eu un destin plus clément ? reprit le bout de paille.
   Tous mes frères, la vieille les a fait passer en feu et en fumée : soixante d'un coup, qu'elle
   avait pris, auquel elle a ôté la vie ! Moi, par bonheur, je lui ai filé entre les doigts.
- Et maintenant, qu’est-ce que nous allons faire ? demanda la braise.
- A mon avis, dit le haricot, puisque nous avons tous les trois si miraculeusement échappé à
   la mort, nous devrions nous unir en bons camarades et partir tous d'ici pour gagner un
   autre pays, afin d'éviter quelque nouveau malheur.

La proposition convint aux deux autres, et tous
ensemble ils se mirent en chemin. Ils arrivèrent
bientôt devant un ruisselet qui n'avait pas le
moindre pont, ni-même une passerelle, et ils ne
savaient pas comment passer de l'autre côté. Le
fétu eut alors une bonne idée et dit :

- Je vais me coucher en travers, et vous pourrez
   ainsi passer sur moi comme sur un pont.

La paille, donc, se suspendit entre une rive et l'autre,
et sur ce pont improvisé, la braise, avec son naturel ardent, s'avança hardiment, mais à tout petits pas pour ne pas renverser le fragile édifice. Arrivée au milieu, toutefois, en entendant le bruit que faisait le courant au-dessous d'elle, la peur la prit et elle s'immobilisa, n'osant pas se risquer plus avant ; aussi le bout de paille commença-t-il à prendre feu, se rompant net par le milieu et tombant dans l'eau, entraînant dans sa perdition la braise, qui chuinta en touchant l’eau et rendit aussitôt l'esprit.

Le haricot, demeuré prudemment sur la rive, partit d'un tel fou rire en voyant cette
histoire, et s’en tordit tellement sans pouvoir s'arrêter, que, pour finir, il éclata. C’en
eût été fini de lui pareillement, si par bonheur un compagnon tailleur qui faisait son
tour d'Allemagne ne s'était arrêté au bord de ce ruisseau pour se reposer. Par ce
qu'il avait bon cœur et l'âme secourable, le tailleur prit du fil et une aiguille et se mit
aussitôt à le recoudre.

Le haricot lui en fit ses remerciements chaleureux et
choisis comme on l'imagine; mais comme il avait
utilisé du fil noir, c'est pour cela que, depuis ce
temps -là, tous les haricots ont une couture noire.

Conte de Grimm

dimanche 14 octobre 2012

Les pattes de vautour

Un père et une mère avaient cinq enfants. Quatre garçons et une fille, la benjamine, qui était la préférée de tous. Un jour, la mère se rendit avec la petite fille dans la montagne pour y chercher une belle chèvre aux poils noirs qui s'était égarée.

- Je suis sûre qu'elle est allée sur le pré au bord du ravin. L'herbe
   y est très tendre, dit la mère à sa fille. Je vais aller la chercher.
   Attends-moi ici, car je ne voudrais pas que tu tombes dans le
   ravin.

La petite fille approuva. De toute façon, elle avait déjà mal aux jambes et n'avait aucune envie de monter la pente abrupte. La mère fit un nœud à son mouchoir et dit :

- Tiens ! Voilà une poupée, joue avec elle et attends-moi !

La petite fille était tellement absorbée par le jeu qu'elle ne vit pas le temps passer. Soudain, un lourd nuage noir voguant dans le ciel comme un immense bateau s'arrêta au-dessus de sa tête. Capusa, un fantôme au grand pouvoir, en descendit. Ce spectre pouvait revêtir n'importe quelle forme : une pierre, un animal, ou même un être humain. La seule chose qui le trahissait alors était les pattes qu'il avait à la place des jambes. Il ne pouvait pas les changer. Elles étaient semblables à celles d'un vautour, avec de la peau pendante et de grandes griffes acérées.

- Depuis longtemps, j'ai envie d'une petite fille exactement comme celle-ci, se dit Capusa en
   voyant la gamine. Elle me tiendra compagnie dans ma maison. 

Et, aussitôt, il prit l'aspect de la mère de la fillette. Celle-ci se réjouit de revoir sa maman, car elle commençait à avoir faim. Elle ne se doutait pas que la personne à qui elle tendait la main n'était pas sa mère, car les pattes de vautour de Capusa étaient dissimulées sous sa longue jupe.

- Viens avec moi, dit-il, je t'emmènerai dans un endroit où tu n'as encore jamais été. Nous y
   vivrons ensemble et nous y serons bien. 

Il fit un signe de la main et la Terre s'ouvrit devant eux. Un grand
couloir les mena jusqu'à la maison de Capusa, où ils disparurent.
Ayant retrouvé sa chèvre, la véritable mère chercha en vain sa
petite fille. Pas une trace ! Elle courut chercher son mari et ses fils
pour qu'ils l'aident à la retrouver. Peine perdue.

Persuadés que la petite fille était tombée dans le ravin, ils la
pleurèrent comme si elle était morte et firent célébrer une messe.
La maison parut soudain bien vide sans les babillages de la petite
fille. Mais le temps passa, les larmes des parents et des frères séchèrent petit à petit et, à la fin de l'année, ils en avaient presque fait le deuil.

Un jour, le père partit dans la montagne avec ses fils pour chasser la perdrix. La chance ne leur avait pas vraiment souri, mais ils purent tout de même accrocher quelques oiseaux à leur ceinture. Fatigués après une longue marche, ils s'assirent dans un pré pour se reposer. Les garçons s'assoupirent mais leur père resta éveillé. Soudain, il vit une pierre bouger, puis basculer. Une route apparut alors et sur celle-ci marchait une petite fille.

- Dieu miséricordieux ! C'est ma fille ! se dit le père.

Il était près de l'appeler, lorsqu'il se ravisa, persuadé qu'il devait y avoir quelque magie
là-dessous. La petite fille agissait comme si elle ne voyait ni son père ni ses frères. Elle
s'assit dans l'herbe et se mit à jouer avec la poupée confectionnée par sa maman et
avec des cailloux. Quelques instants plus tard, une voix venue des profondeurs de la
Terre se fit entendre :

- Rentre à la maison, ma petite fille, le déjeuner est servi ! 

Quand il l'entendit, l'homme fit rapidement un signe de croix, car il avait reconnu la voix de sa femme ! La petite fille prit alors ses jouets et rentra sous terre. La pierre se remit aussitôt en place et tout redevint comme avant. Le père réveilla alors ses fils, leur raconta tout ce qu'il avait vu et leur dit :

- Demain, à midi, nous reviendrons ici et si votre sœur réapparaît, nous l'attraperons et
   l'emporterons à la maison !

Ils décidèrent de ne rien dire à leur retour, pour le moment, afin que la mère de la petite fille ne se désespère pas si, par malheur, ils n'arrivaient pas à l'arracher au pouvoir maléfique. Le lendemain, ils se rendirent à nouveau dans le pré, se cachèrent derrière les pierres et attendirent. Soudain, l'une des pierres bougea, puis bascula, laissant apparaître un chemin. La petite fille s'installa et se mit à jouer avec sa poupée et ses cailloux. Le père et les frères s'approchèrent d'elle sans faire de bruit et l'attrapèrent par les bras et par les jambes. La petite fille se mit à crier et à appeler comme si on l'écorchait vive, car elle n'avait reconnu ni ses frères ni son père :

- Maman, maman ! Viens à mon secours !

Capusa sortit des entrailles de la Terre sous l'aspect de sa vraie mère. La ressemblance était telle que l'homme en resta comme pétrifié.

- Que fais-tu là ? laissa-t-il échapper.

Il faillit lâcher sa petite fille, quand le vent, qui se mit à souffler, souleva la jupe de la femme. Apercevant les pattes de vautour de Capusa, ils comprirent tous alors à qui ils avaient affaire.

- Sainte Vierge, protège-nous ! s'écria le père en faisant un signe de croix.

Ses fils firent de même et le fantôme perdit aussitôt son pouvoir. Il resta près de la pierre incapable de prononcer un mot. Le père prit la petite fille dans ses bras et se mit à courir en dévalant la pente. Mais la petite fille ne cessait pas de pleurer et continuait à répéter :

- Maman, maman ! Viens à mon secours ! 

Ils pensèrent que, dès qu'elle verrait sa vraie mère, la maison, le jardin, la petite fille retrouverait la mémoire. Mais elle était ensorcelée et ne reconnaissait rien de ce qui avait bercé son enfance. En vain, sa mère la serrait dans ses bras, lui chantait des berceuses et coiffait ses cheveux. La petite fille ne faisait que pleurer et appeler sa mère. Elle ne voulait même pas manger et ne buvait que de l'eau. Aussi, elle s'affaiblissait de jour en jour. Son père décida alors d'aller voir une guérisseuse des corps et des âmes.

La route fut très longue et la vieille femme demanda beaucoup d'argent pour louer ses services, mais qu'est-ce que des parents ne feraient pas pour sauver leur enfant d'une malédiction ? Le père accepta et porta lui-même la guérisseuse sur son dos afin d'être plus vite de retour à la maison. Quand elle vit la petite fille couchée sur son lit, presque sans âme, la guérisseuse comprit aussitôt ce qui s'était passé.

- Votre fille a été ensorcelée par Capusa. Dans son corps se trouve une ombre noire qui
   voile tous ses souvenirs. C'est pourquoi elle ne se rappelle pas son passé. Apportez-moi
   deux épis de maïs, je vais essayer de vous aider.

Ils lui apportèrent ce qu'elle avait demandé et la femme commença à frotter le corps de la petite fille avec les épis de maïs tout en récitant des prières. Petit à petit, les grains jaunes des épis devenaient noirs. C'était l'ombre qui sortait du corps de la petite fille. Quand la dernière graine eut noirci, la petite fille ouvrit les yeux et s'écria :

- Maman ! Papa ! J'ai fait un drôle de rêve !

Tous se réjouirent de sa guérison et du fait qu'elle ne se souvenait plus de Capusa. La guérisseuse ordonna ensuite de faire brûler les épis noircis dans la cheminée, pour que le mauvais esprit soit définitivement chassé. Depuis lors, toute la famille vit heureuse. Et, comme ils racontent leur histoire à toutes les personnes qu'ils croisent sur leur chemin, les enfants apprennent ce qu'il faut faire chaque fois qu'un inconnu les interpelle. Ils doivent baisser la tête et regarder attentivement les jambes de la personne, car Capusa, ne pouvant pas les transformer, est ainsi trahi à chaque fois qu'il veut s'emparer d'un enfant.

Les pattes de vautour (Pascal GOUDET - Contes des Amériques)

Pandore


Lorsque Zeus créa le monde, seuls les hommes peuplaient la Terre. Ils étaient protégés
par Prométhée, un Titan farouchement opposé au pouvoir suprême du père des dieux.
Dans la guerre qui opposait Zeus aux Titans, le rusé Prométhée parvint à dérober le feu
aux divinités de l'Olympe et le donna aussitôt aux hommes. C'est ainsi qu'il subit le
terrible châtiment qui l'enchaînait au Caucase.

Mais Zeus ne pouvait en rester là et voulut se venger des êtres humains en leur offrant le
plus bel objet de leur désir, afin de leur inspirer passions et tourments. Il créa la première
femme, aussi fascinante que capricieuse.

Pandore, c'était son nom, fut façonnée à partir de l'argile. Zeus dut demander à Héphaïstos
de l'aider, et ils mirent au jour la créature la plus parfaite au monde. Ainsi, après des jours
et des jours de labeur, les dieux, impatients, se pressèrent pour admirer enfin la ravissante
jeune femme. Zeus avait intimé l'ordre à Athéna de lui insuffler la vie, et Pandore s'anima,
gracieuse et sublime.

Mais elle ne pouvait se présenter ainsi aux hommes, et la déesse dut dissimuler sa nudité
sous un voile vermeil et étincelant, alors qu'Aphrodite la parait de somptueux atours et
donnait à ses traits le privilège de la beauté, auquel nul être ne saurait résister. Tous les
dieux ajoutèrent à la nouvelle égérie un de leurs agréments pour atteindre à la perfection.
Ainsi douée de tous les talents, elle excellait aussi dans l'art du mensonge, telle que l'avait
voulu Hermès.

Zeus n'était que trop fier de son admirable créature dont la tendresse n'avait pas d'égal, et il
décida de la présenter à l'homme. Or, Prométhée avait un frère, Épiméthée, connu pour
être quelque peu déraisonnable. Zeus décida de lui offrir la main de la douce Pandore. À sa
vue, Épiméthée fut aussitôt envoûté par le charme de cette créature. Un sentiment
jusque-là inconnu l'étreignit. L'éclat du regard de la jeune femme suffisait à inspirer la
passion et l'émerveillement. Elle était si somptueuse qu'il en oublia la promesse faite à son
frère : il avait fait le serment à Prométhée de ne jamais accepter de présents provenant de
Zeus. Mais il avait été foudroyé par l'amour et aurait donné sa vie pour passer le restant de
ses jours auprès de la belle Pandore, qu'il gardait alors jalousement près de lui, loin des
regards envieux des autres hommes, s'évertuant à satisfaire le moindre de ses désirs.

Avant d'envoyer Pandore sur Terre, les dieux lui avaient remis une boîte, sans lui dire ce
qu'elle contenait, et ils lui ordonnèrent de ne jamais l'ouvrir. Aux côtés de son époux,
Pandore jouissait de la vie et savourait son bonheur. Elle avait dissimulé la cassette des
dieux, mais ses regards intrigués se portaient souvent sur elle, et comme celle-ci n'avait
pas de serrure, il lui était difficile de réprimer son désir de connaître son contenu.

Elle passait et repassait devant le coffret sans oser y porter la main, attirée par l'envie de lui
ôter son couvercle, mais aussitôt arrêtée par le souvenir de l'interdiction formelle des
dieux. Un jour, n'y tenant plus, elle s'approcha irrésistiblement de la boîte, et piquée par
une trop vive curiosité, Pandore sentit grincer le délicat objet sous sa main.

À peine eut-elle entrouvert la mystérieuse boîte que tous les maux de l'humanité qu'elle
renfermait s'échappèrent. Ainsi, la guerre, la maladie, le vice, la vieillesse, la perfidie, la
misère et tant d'autres fléaux encore se répandirent. Figée par l'effroi, consciente de son
impardonnable faute, Pandore se décida à refermer le funeste coffret, mais en vain, car
tout s'était envolé… Tout, à l'exception de l'espérance qui s'éveillait lentement au fond de
la boîte, fragile et solitaire.

Ainsi l'espérance peut être perçue comme un terrible mal, le plus atroce tourment que
l'homme garde au fond de lui-même. Pour certains, au contraire, elle suggère que l'homme,
lorsqu'il se voit frappé par le malheur, ne doit jamais perdre espoir…

Pandore (Violaine Troffiqué - Mythes et Légendes)